Le Monde - 05.10.2019

(Marcin) #1

28 |dossier spécial SAMEDI 5 OCTOBRE 2019


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J O U R N É E N A T I O N A L E D E S A I D A N T S


Adapter le logement au handicap


Lorsqu’une personne devient dépendante, rendre son habitat accessible et pratique


au quotidien permet de ralentir sa perte d’autonomie et de la maintenir à son domicile


D


ans un logement pas
ou mal adapté, une
personne fragile va
avoir besoin d’une
aide importante au quotidien, ce
qui risque de fortement compli­
quer la vie d’un aidant. Pire en­
core : le lieu de vie peut être
source de traumatismes, puis­
que, selon le site d’information
des seniors et aidants Age­
village.com, chez les plus de
65 ans, une chute sur deux se fait
au domicile. Or, en général, après
un passage à l’hôpital, la perte
d’autonomie s’accélère.
Pour éviter cela, il est possible
d’adapter un logement au handi­
cap ou au grand âge, sans réaliser
de lourds travaux dans toutes les
pièces ni dépenser de grosses
sommes. « Il faut voir comment le
senior évolue chez lui pour élimi­
ner les risques les plus importants
et prévoir des aménagements qui
lui facilitent la vie au quotidien »,
explique Camille Marin­Mener,
ergothérapeute au centre hospi­
talier Rives­de­Seine, à Courbe­
voie (Hauts­de­Seine).

Des aménagements modestes
Eliminez d’abord, pièce par pièce,
tous les risques de chute : désen­
combrez les passages en enlevant
bibelots, pots de fleurs, sacs ou
petits meubles susceptibles d’en­
traver la circulation. Fixez au mur
les fils électriques et rallonges qui
traversent les pièces et réparez
les sols abîmés. Les carpettes et
tapis glissants doivent être col­
lés ou cloués au sol : « Il ne faut

pas systématiquement les suppri­
mer, car ils donnent des repères vi­
suels, grâce au contraste avec le
sol », précise Camille Marin­Me­
ner. Pour compléter le dispositif,
fixez des pastilles antidérapantes
sous les pieds des chaises et met­
tez des bandes antidérapantes sur
le nez des marches.
Pour aller plus loin, remplacez,
pour quelques dizaines d’euros,
les poignées boutons des portes
(qui nécessitent d’être tournées)
par des poignées quilles (grâce
auxquelles l’ouverture se fait
par un simple appui), et installez
des portes basses de placards
avec ouverture en creux au
lieu d’une poignée saillante dans
laquelle on se cogne. Posez aussi
des barres d’appui et de main­
tien dans les toilettes, la salle de
bains et les escaliers. Dérou­
lez enfin un tapis antidérapant
dans le receveur de douche ou
la baignoire.
Pensez à faciliter l’accès à l’exté­
rieur, avec des grooms aidant à
l’ouverture et à la fermeture
d’une lourde porte d’entrée blin­
dée ou d’un portail. Bon à savoir :
la vingtaine de Cicat (Centre d’in­
formation et de conseil sur les
aides techniques) français déli­
vrent une masse d’informations
utiles et de conseils. Ils permet­
tent aussi de tester gratuitement
différents matériels (du fau­
teuil roulant à la loupe de lec­
ture), sans intérêt commercial.
Car, outre le logement, les équipe­
ments doivent aussi souvent être
repensés, notamment le lit (avec

assistance électrique pour se rele­
ver, ou au minimum un matelas
ni trop mou ni trop haut pour
faciliter le lever).
Ne perdez pas de vue le fait que
la perte d’autonomie ne concerne
pas uniquement la mobilité, car
certains seniors voient moins
bien. Pour les aider, jouez sur les
contrastes (boutons électriques
colorés, téléphone ou télécom­
mande à touches élargies...). Pour
ceux qui entendent mal, des ap­
pareils vibrants ou à flashs lumi­
neux (sonnette, interphone, télé­
phone...) permettent de ne pas se
couper de toute vie sociale. Enfin,
pour les plus fragiles, des systè­
mes d’alerte en cas de chute ap­
portent tranquillité et sécurité
aux proches.

Anticipez les travaux
Avant qu’une dépendance lourde
ne s’installe, réhabilitez le loge­
ment, si cela est nécessaire. Pour
cibler les priorités, faites appel à
un ergothérapeute. Ces spécialis­

tes se déplacent à domicile et éva­
luent la personne dans son loge­
ment pour connaître ses habitu­
des de vie. Ils vous aiguillent en­
suite sur les travaux à réaliser en
priorité, selon la perte d’autono­
mie et son évolution probable.
En général, ils vérifient les prin­
cipaux points noirs des loge­
ments : l’accès extérieur, la circu­
lation intérieure, la salle de bains
et la cuisine. Muni de leurs préco­
nisations, c’est à vous d’engager le
chantier. Si vous envisagez des
travaux dans plusieurs pièces, fai­
tes appel à un architecte. « Notre
vision globale du logement nous
permet de proposer des solutions
techniques adéquates », précise
Roland Marquès, architecte élu au
conseil national de l’ordre.
Certains de ces professionnels
sont spécialisés dans les chan­
tiers liés à l’accessibilité (liste sur
Architectes­pour­tous.fr). Il est
aussi conseillé de faire appel à
eux pour les travaux d’amé­
nagement d’immeuble (installa­
tion d’une rampe extérieure
sur des marches d’accès à la
résidence, par exemple), car ils
monteront un dossier complet,
avec descriptif et devis, à pré­
senter à l’assemblée générale de
copropriété.
Il existe une alternative pour
des travaux simples : passer par
des artisans ou entreprises géné­
rales Handibat. Ce label est gage
de compétence dans le domaine
de l’accessibilité du logement.
Enfin si vous êtes totalement
perdu, faites­vous épauler par

la fédération Soliha (Soliha.fr),
qui délivre conseils pratiques et
informations utiles, sur le mon­
tage de dossiers de financement
notamment.

De multiples aides financières
Les travaux d’accessibilité du lo­
gement font l’objet d’une multi­
tude de subventions. Pour les me­
nus aménagements, les caisses de
retraite (CNAV, MSA, Carsat, Arrco,
Ircantec...) distribuent des sub­
ventions, parfois sous condition
de ressources. Certaines munici­
palités et des conseils départe­
mentaux accordent aussi des
aides pour l’achat de matériel ;
pour connaître leur montant,
adressez­vous au service social de
votre domicile. Si votre proche est
handicapé, il pourra aussi bénéfi­
cier de la prestation de compen­
sation du handicap de la Maison
départementale des personnes
handicapées (MDPH) pour finan­
cer certains aménagements (ac­
cès extérieur, domotique...).
Des associations font bénéficier
leurs membres d’aides financiè­
res pour des travaux spécifiques
liés aux pathologies (déficit audi­
tif, maladie d’Alzheimer...). Enfin,
l’Agence nationale de l’habitat fi­
nance, sous conditions et partiel­
lement (de 35 à 50 % dans la limite
de plafonds), certains gros amé­
nagements du logement. Atten­
tion, pour profiter de ces aides,
vous ne devez pas avoir engagé
les travaux avant d’avoir obtenu
son aval.
marie pellefigue

INTERRUPTEURS COLORÉS, 


TÉLÉCOMMANDES


À TOUCHES 


LARGES, APPAREILS 


VIBRANTS, 


À FLASHS LUMINEUX...


DE NOMBREUX 


ÉQUIPEMENTS EXISTENT


Les dix points noirs du logement


pour les personnes à mobilité réduite


SOURCE : LE MONDE

Tous les équipements seront
placés à hauteur d’homme...
assis en fauteuil : ainsi,
pas de placards hauts mais
des meubles bas,
et de préférence à tiroirs,
plus simples à ouvrir.

LA CUISINE

Pas de meubles encombrants
ni de couloirs étroits ou à angle droit
dans lesquels la circulation en fauteuil
serait diicile. Pas de marches
à l’intérieur du logement. Attention
aux barres de seuil de porte mal fixées.

Eviter les moquettes épaisses,
les revêtements glissants
et les parquets cirés. Fixer les tapis
à poils courts au sol.

Attention à la hauteur du lit
(pour se relever facilement),
et aux tapis glissants.

LA CHAMBRE

Préférer les stores électriques
aux persiennes et volets.

Les toilettes ne seront pas trop basses
pour qu’il soit facile de se relever,
et équipées de barres d’appui fixées
au mur.

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3
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2
LA SALLE DE BAINS ET LES TOILETTES
LE SALON ET LA SALLE À MANGER
La douche doit être à l’italienne,
sans receveur. Les rebords de la
baignoire pas trop hauts, mais assez
larges pour y poser une planche sur
laquelle s’asseoir.
Une pièce assez grande pour
un déambulateur ou un fauteuil.
L’ACCÈS AU BÂTIMENT
Dans l’entrée, penser à
fixer l’interphone assez
bas pour qu’il soit
accessible d’un
fauteuil. L’équiper
d’une lampe flash pour
les malentendants, et
si possible ajouter un
visiophone.
Préférer une rampe
à un escalier. Eliminer les
portails étroits et les
margelles.
Dans les immeubles
anciens en particulier,
attention aux portes
cochères, souvent lourdes
à pousser.
Installer des rails sur
les portes-fenêtres et
des marches avec rampe pour
permettre un accès facile à la
terrasse, au balcon ou au
jardin. L’ascenseur doit être
assez large pour le passage
d’un fauteuil ou d’un
déambulateur, et sa porte pas
trop lourde.
ANTICIPEZ
Si vous voulez éviter que vos
proches perdent un temps pré-
cieux à trier tous vos documents
personnels au cas où vous per-
driez en autonomie, facilitez-leur
les choses! Constituez un dos-
sier complet dans lequel votre
conjoint ou vos enfants n’auront
qu’à piocher en cas d’urgence.
Intérêt de cette démarche? Leur
permettre de gagner en effica-
cité et de se concentrer sur l’es-
sentiel : votre prise en charge.
Listez tous vos produits
d’épargne et de placement
dans un petit dossier. Précisez
le nom de la banque, celui de
votre conseiller, les contacts et
les numéros de compte (compte
courant, livret, PEA...). Faites de
même pour tous les autres pla-
cements que vous détenez (as-
surance-vie, PEA ou comptes ti-
tres en ligne, parts de SCPI...). Si
vous disposez d’un patrimoine
locatif, il est peut-être temps
d’en déléguer la gestion. Si vous
l’avez déjà fait, glissez dans vo-
tre dossier les documents im-
portants (baux, états des lieux,
assurances,
contacts des entreprises ayant
réalisé des travaux...).
Fabriquez un répertoire
des aidants. Notez sur une fiche
les contacts de vos différentes
caisses de retraite, caisse de Sé-
curité sociale (avec votre nu-
méro), mutuelle santé, ainsi que
les assurances annexes dont
vous disposez (dépendance, ob-
sèques...). N’oubliez pas non
plus d’inclure les coordonnées
de tous les professionnels de
santé qui vous connaissent (mé-
decin traitant, spécialistes, infir-
mière à domicile, kinésithéra-
peute, laboratoire d’analyses...).
Cherchez et ajoutez à ce dossier
personnel les numéros du CLIC
(centre local d’information et de
coordination) et du CCAS (centre
communal d’action sociale)
dont dépend votre domicile.
Préparez une liste de mots de
passe. Si vous êtes un senior
actif, n’oubliez pas de préparer
une fiche pour vos aidants 2.0.
« La société est en train de
se numériser à toute vitesse et,
actuellement, aucun outil juridi-
que n’existe pour que des pro-
ches aient un accès aux comptes
numériques d’une personne
aidée », se désole Arlette Dar-
mon, présidente du groupe Mo-
nassier. Pour éviter de perdre
des accès à des services en ligne,
confiez à un ou plusieurs tiers de
confiance vos mots de passe
vers un cloud ou vos boîtes mail,
ou cachez-les dans un endroit
qu’ils connaissent.

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