Courrier International - 26.09.2019

(Tina Sui) #1

  1. Courrier international — n 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019


Moyen-Orient ...... 20
Europe ............ 22
Amériques ......... 26
Asie ............... 30
Afrique ........... 34

d’un


continent


à l’autre.


france


—Die Welt Berlin

L


es uns y voient la fi n d’un
tabou dont il était urgent
de se défaire, les autres
un net virage à droite du prési-
dent français. Dans la soirée du
16 septembre, Emmanuel Macron,
devant quelque 200 députés de
son parti, La République en
marche (LREM), a évoqué les
grandes étapes de la seconde
moitié de son mandat et a éga-
lement présenté la future ligne de
sa politique migratoire. À cette
occasion, il a nettement changé
de ton et a appelé à davantage de
rigueur dans la lutte contre l’im-
migration clandestine et les abus
du droit d’asile.
En dépit de la priorité accor-
dée à l’écologie et à la réforme
des retraites, qui promet d’être
ardue, les questions de “sécurité
et [de] migration” ne doivent pas
passer au second plan, assure
Macron. “Nous n’avons pas le droit
de ne pas regarder ce sujet en face”,
a-t-il lancé. Dans le même temps,
il a annoncé la tenue d’un débat

parlementaire sur ce propos à la
fi n du mois. Macron justifi e ce rai-
dissement en soulignant que, si le
paroxysme de la crise migratoire
en Europe est passé, le nombre
de demandeurs d’asile ne cesse
de croître en France. “ L e s fl u x
d’entrée n’ont jamais été aussi bas
en Europe, et les demandes d’asile
jamais aussi hautes en France”,
s’est plaint le président.
Avec 123000 demandes enre-
gistrées l’an passé, la France a
eff ectivement connu une hausse
de [22,7 %, selon les chiff res de
l’Ofpra]. Dès le début de 2019, elles
ont encore augmenté de [7,1 %].
Macron dénonce avant tout indi-
rectement les nombreux deman-
deurs d’asile venus d’Afghanistan
qui, avec [10370] demandes l’an
dernier, représentaient le groupe
le plus important. Contrairement

encore plus claire devant les
membres de son gouvernement
et avait exigé que soient ren-
voyés en plus grand nombre
les Albanais non titulaires d’un
permis de séjour. “Le président
était très remonté ce soir-là, c’était
du Sarkozy qui avait branché le
Kärcher!” a rapporté un partici-
pant au Monde. Cette source ano-
nyme fait ouvertement référence
à Nicolas Sarkozy qui, en 2005,
du temps où il était ministre de
l’Intérieur, avait affi ché son inten-
tion de nettoyer au Kärcher les
banlieues à problèmes.
Auparavant, Macron ne tenait
pas ce genre de discours. Peu de
temps avant de se déclarer offi -
ciellement candidat à la présiden-
tielle, dans un entretien accordé
à Die  Welt, il avait salué la poli-
tique d’accueil d’Angela Merkel,
la décrivant comme étant la seule
“réaction possible et digne”. En
mars 2017, peu de temps avant
d’être élu, il disait, dans une inter-
view à l’hebdomadaire protestant
Réforme : “Contrairement à ce que
certains disent, nous ne sommes

pas aujourd’hui confrontés à une
vague d’immigration. [...] Le sujet de
l’immigration ne devrait donc pas
inquiéter la population française.”
Les derniers sondages contre-
disent le président. Sous le titre
“Fractures françaises”, Ipsos-
Sopra Steria vient de rendre
publics des chiff res qui montrent
que l’immigration est au qua-
trième rang des préoccupations
des Français. Soixante-quatre
pour cent des personnes interro-
gées considèrent ne plus pouvoir
“se sentir chez [elles] comme avant”
dans leur propre pays. Au prin-
temps 2018, le législatif français
avait déjà adopté un projet de loi
qui resserrait le droit d’asile en
associant “humanité et fermeté”.
Ce n’est pas un hasard si, une
nouvelle fois, Macron durcit
nettement le ton à six mois des

à ce qui se passe en Allemagne
et plusieurs pays d’Europe du
Nord, [65 %] des Afghans venus
en France [ont obtenu] le statut
de demandeur d’asile [en 2018].
Macron ne remet pas la loi sur
le droit d’asile en question, mais
il met en garde contre les abus :
“Je crois en notre droit d’asile, mais
il est détourné de sa fi nalité par les
réseaux, des gens qui manipulent.” Si
la France ne s’attaque pas de front
à ce problème, poursuit le prési-
dent, elle va perdre le contrôle.
Aucun journaliste n’était pré-
sent lors de cette rencontre avec
les parlementaires, mais le quo-
tidien Le Monde a cité plusieurs
sources le lendemain. De plus,
15 députés de l’aile gauche du
parti majoritaire de Macron ont
publié le même jour un manifeste
dans lequel ils prennaient ouver-
tement leurs distances vis-à-vis
de leur président, appelant à une
“solution humaine” du problème
migratoire et à éviter une “hys-
térisation” des débats.
La veille de la rencontre,
Macron s’était exprimé de façon

Les questions
de “sécurité et [de]
migration” ne
doivent pas passer
au second plan.

Pendant des années,
le PS n’aurait pas
voulu agir face
à l’immigration
clandestine.

Immigration.


Macron durcit


le ton


À l’approche des municipales, Emmanuel Macron
change de cap sur la politique migratoire. Une tentative
pour couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite,
estime le journal allemand.
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