Courrier International - 26.09.2019

(Tina Sui) #1

  1. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — n 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019


L’esprit
d’ouver-
ture.

En partenariat avec

AFFAIRES ÉTRANGÈRES.


SAMEDI 11H -12H


Christine Ockrent


moyen-


orient


—The Times of Israel
(e x t r a i t s) Jérusalem

T


ôt le matin du 18 septembre,
quelques heures avant
l’aube, au lendemain de la
fermeture des bureaux de vote
d’élections bis repetita, Benyamin
Nétanyahou et Benny Gantz ont
tous deux prononcé des discours
devant leurs partisans, mais cette
fois, ni l’un ni l’autre ne se sont pré-
valus d’une victoire. En eff et, un
examen des résultats électoraux
n’a donné à aucun des deux diri-
geants une raison particulière de se
réjouir [aucun des deux candidats
n’a une majorité de 61 députés].

Pourtant, alors qu’un
Nétanyahou enroué, épuisé et
manifestement extrêmement déçu
prononçait tant bien que mal son
discours – luttant, entre autres,
contre un bruyant militant, qui
interrompait continuellement ses
remarques avec des professions
d’amour pour le Premier ministre,
son épouse et leurs eff orts pour
l’État d’Israël –, Gantz, ses codi-
rigeants et leurs sympathisants
étaient de bonne humeur. Tandis
que Nétanyahou s’efforçait de
rassurer son public – il resterait
bien là, il continuerait à protéger
Israël et il était déterminé à blo-
quer un gouvernement antisioniste

malhonnête, une forte partici-
pation arabe qu’il a publié sur
Twitter une photo montrant de
longues fi les d’électeurs arabes...
en Turquie. De toute évidence,
le fi ls du Premier ministre n’a
pas pensé qu’il pourrait y avoir
de longues files d’électeurs
arabes, de vraies longues fi les,
de vrais électeurs arabes qui se
forment dans les bureaux de
vote en Israël.
Le plus frappant, bien sûr, est le
déclin de la popularité du Likoud,
qui a perdu plusieurs sièges qu’il
avait remportés la dernière fois.
Nétanyahou a mené une campagne
de désespoir, affi rmant à plusieurs

reprises qu’il se dirigeait vers la
défaite. Mais il affi rme toujours
qu’il se dirige vers la défaite, et le
cri de frayeur cette fois-ci n’était
manifestement pas assez convain-
cant, ou pas assez touchant, pour
que suffi samment d’électeurs se
rallient à sa cause.
Il a promis la lune au mouve-
ment des implantations – ou,
plutôt, une annexion de 25 % de
la Cisjordanie dans la vallée du
Jourdain, toutes les implantations
et autres “zones vitales” non pré-
cisées par ailleurs. Pourtant, le
soutien au Likoud s’est eff ondré,
et l’alliance pro-implantations
Yamina [nouveau parti d’extrême
droite] ne s’est guère envolée.
Il a réquisitionné un journal
indulgent [Israel Hayom, quoti-
dien gratuit fi nancé par le mil-
liardaire juif américain Sheldon
Adelson] alors même qu’il le déni-
grait, gagnant un temps d’antenne
extrêmement disproportionné, y
compris sur des médias préten-
dument indépendants comme la
chaîne de télé Keshet 12 ou encore
Galatz, la radio de l’armée, sup-
pliant les téléspectateurs et audi-
teurs de “voter Likoud”.

dépendant du soutien des partis
arabes –, Gantz tournait prudem-
ment son regard vers le poste de
Premier ministre.
En votant pour neuf partis aux
priorités extrêmement diverses à la
Knesset, qui compte 120 membres,
l’électorat israélien – qui s’est révélé
tout sauf indiff érent à notre deu-
xième tour des élections en cinq
mois – a laissé à ses responsables
politiques un éventail de possi-
bilités stupéfi ant et un chemin
potentiellement simple vers notre
nouveau gouvernement.
Nétanyahou et Gantz ont
parlé d’unité, et un partenariat
dominé par leurs deux partis
obtiendrait facilement une majo-
rité à la Knesset, mais aucun des
deux ne mentionne l’autre par
son nom. Dans la période précé-
dant le jour du scrutin, Gantz a
clairement indiqué qu’il ne ferait
pas équipe avec un gouverne-
ment Likoud [le parti de droite
de Nétanyahou] dirigé par l’ac-
tuel Premier ministre, qui risque
d’être bientôt mis en examen pour
corruption. Et le chef du Likoud
dénigrait sans relâche son rival
comme étant un faible gauchiste
sous la direction duquel Israël
serait nécessairement en péril.
Si un partenariat Kakhol Lavan
[le parti centriste de Gantz]-
Likoud est numériquement
simple, ce serait une erreur d’af-
fi rmer qu’il refl ète la volonté du
peuple. Au contraire, l’électorat
israélien s’est exprimé par ses
nombreuses voix, refl étant ses
priorités et préoccupations larges
et souvent contradictoires.
Les partis arabes, quatre fac-
tions très diff érentes qui forment
la Liste arabe unie, semblent s’être
remarquablement bien débrouil-
lés. Les tentatives de Nétanyahou
ces dernières années pour dénon-
cer l’électorat arabe et ses diri-
geants, et pour inhiber le vote en
déployant des observateurs parti-
sans avec des caméras dans leurs
bureaux de vote, semblent avoir
eu un eff et inverse spectaculaire.
Son fi ls Yaïr avait tant l’inten-
tion de faire craindre, de façon

Il ressort donc qu’après tous les
calculs possibles réalisés, il n’y a
pas eu assez d’électeurs persua-
dés qu’après dix années d’affi lée
au pouvoir, et trois autres dans les
années 1990, Israël serait perdu
sans Nétanyahou à sa tête.
Et qu’après examen de toutes
les permutations eff ectuées, une
part suffi samment importante
de la population a souhaité plus
d’harmonie au sein d’Israël et
moins d’attaques dirigées par
Nétanyahou contre la gauche,
les Arabes, les médias, les poli-
ciers, le ministère public ou les
juges. Ces élections n’ont pour-
tant pas non plus révélé un sou-
tien écrasant à l’idée de voir Gantz
devenir Premier ministre. Elles
ont surtout témoigné de l’indif-
férence caractérisée d’un nombre
croissant d’Israéliens à la pers-
pective d’une vie politique après
Nétanyahou. Le Premier ministre
aura 70 ans le mois prochain. L’une
des conséquences les plus évi-
dentes de ces élections complexes
est qu’il semble avoir manqué de
temps pour se construire un bou-
clier d’immunité contre les pour-
suites judiciaires imminentes qui
le menacent.
Il n’a pas encore été abandonné
par son propre parti, contrai-
rement à Margaret Thatcher,
qui, lorsqu’elle était Première
ministre, avait également cher-
ché à continuer encore et encore.
Il demeure une force puissante au
cœur de la politique israélienne,
et pourrait immensément com-
pliquer notre réalité politique
pendant des semaines, voire des
mois, car il dispose encore d’op-
tions politiques – bien qu’il soit
permis de douter de leur valeur
ou de leur effi cacité.
Même si Nétanyahou avait
– désespérément, dès le 18 sep-
tembre  – souhaité proclamer
sa victoire et se montrer triom-
phant, chasser le chahuteur exas-
pérant et se faire entendre en
criant victoire, il ne le pouvait
tout simplement pas.
—David Horovitz
Publié le 18 septembre

Israël. Benyamin


Nétanyahou


ne convainc plus


Les résultats du scrutin législatif ont indiqué
que l’électorat israélien était las
d’un Premier ministre toujours en campagne.

↙ Dessin de Rice Araujo,
Brésil.

CARTOON MOVEMENT


La population
a souhaité moins
d’attaques dirigées
contre la gauche, les
Arabes, les médias...
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