Courrier International - 26.09.2019

(Tina Sui) #1

  1. transversales Courrier international — no 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019


EasyJet accueille aussi avec
enthousiasme ces nouvelles tech-
nologies, car elles peuvent facile-
ment être utilisées pour les vols de
courte distance dont il fait sa spé-
cialité. Avec Wright Electric, une
start-up de Seattle, la compagnie
travaille à la conception d’un avion
électrique qui conviendrait aux
vols de moins de 500 kilomètres.
Des transporteurs à bas coûts
comme Ryanair, EasyJet et Wizz
Air font remarquer que, par rapport
à d’autres compagnies, leurs vols
engendrent très peu d’émissions
de CO 2 par passager par kilomètre.


Cela s’explique notamment par le
fait qu’ils utilisent une flotte d’ap-
pareils plus récents et économes
en carburant, qu’ils n’offrent pas
de service de première classe et
que les vols opérés sont généra-
lement pleins. Leurs émissions
totales restent cependant élevées.
Selon les données de l’Union euro-
péenne, Ryanair était le dixième
plus grand pollueur européen en


  1. Les neuf autres étaient des
    centrales à charbon.
    Les compagnies aériennes n’au-
    ront pas de flottes d’avions élec-
    triques de sitôt. Par ailleurs, vu


La piste des taxes
●●● Pour l’heure, l’impact
financier du mouvement
flygskam (“la honte de
prendre l’avion”) est limité :
la croissance du transport
aérien, dopée par la demande
en Asie, et particulièrement
en Chine, ne semble pas avoir
perdu de sa vigueur. Mais
les investisseurs commencent
à prêter attention au
phénomène. Les sujets liés
à l’environnement figuraient
en effet en bonne place
dans les questions adressées
aux dirigeants des entreprises
du secteur aérien lorsque
celles-ci ont présenté
leurs plus récents résultats.
Selon les analystes,
le mouvement pourrait
constituer un risque financier
s’il se propage au-delà
de l’Europe ou si les
gouvernements décident
d’instaurer des taxes
aériennes punitives. Dans
des pays comme la Suède,
le désamour naissant
pour l’avion entraîne déjà
une baisse du trafic aérien
et une augmentation
du trafic ferroviaire.
Daniel Röska, analyste
chez Bernstein, dit qu’il y a
souvent un écart entre
le soutien résolu des citoyens
à la lutte contre la pollution
et la volonté de ces mêmes
citoyens de modifier
réellement leurs habitudes
en matière de déplacements
aériens. Il croit néanmoins que
les gouvernements pourraient
utiliser les préoccupations
en matière d’émissions
comme prétexte pour justifier

une augmentation future
des taxes aériennes.
“Je m’attends à ce que
les voyages en avion
deviennent plus chers et que
cela entraîne une désaffection
de la clientèle, explique
Daniel Röska. Cela aura
probablement pour effet
de ralentir la croissance
du secteur de l’aviation sur
les marchés qui sont sensibles
à la réduction des émissions.”
[En juillet,] la France
a annoncé son intention
d’instaurer une écotaxe
sur tous les vols en partance
du pays. Cette mesure
s’inscrit dans une série
d’efforts déployés par le
président Emmanuel Macron
pour courtiser le vote vert,
qui a le vent en poupe.
L’écotaxe est, à la base,
relativement faible – environ
1,50 euro pour un billet en
classe économique et jusqu’à
18 euros pour un billet en
classe affaires –, mais elle
témoigne de l’intérêt naissant
des dirigeants politiques
pour la question.
Les militants cherchent
en outre à attirer l’attention
sur la taxation du carburant
(il faut savoir que le kérosène
est exonéré de taxes dans
de nombreux pays de l’Union
européenne). La Suède et
les Pays-Bas réclament ainsi,
depuis un certain temps
déjà, la signature d’un accord
européen visant à introduire
une taxe sur le carburant
destiné à l’aviation.
—Financial Times
Publié le 27 août

les lourdes batteries qu’exige
ce type d’appareil, on peut sup-
poser qu’il ne conviendra pas
aux long-courriers.
Ces éléments expliquent le
manque d’enthousiasme de cer-
tains acteurs du secteur pour les
avions électriques. Selon Willie
Walsh, le patron d’IAG, dont une
grande partie des vols sont long-
courriers, les technologies de pro-
pulsion électrique et hybride ne
seront pas pertinentes avant vingt-
cinq ou trente ans.

Quels que soient les défis tech-
nologiques qu’il leur faudra rele-
ver, les dirigeants des compagnies
aériennes savent bien que les pré-
occupations des passagers vis-à-
vis des émissions causées par le
transport aérien ne peuvent que
s’accroître avec le temps.
Les militants du f lygskam se
montrent par ailleurs de moins en
moins patients envers un secteur
qui s’est fixé des objectifs ambi-
tieux alors qu’il n’a pas encore les
outils pour les atteindre. D’après
eux, faute de solutions permet-
tant de réduire les répercussions
du transport aérien sur le climat
dans un avenir proche, les gens
doivent tout simplement moins
prendre l’avion.
“On observe un rejet croissant de
l’avion. Cela s’explique par le fait
que, même s’il existe sans doute
une solution technologique à long
terme, il nous faut agir dès main-
tenant pour enrayer la hausse des
émissions”, soutient Lucy Gilliam,
spécialiste de l’aviation et du
transport de marchandises chez
Transport & Environment, une
organisation à but non lucratif
qui a son siège à Bruxelles.
“Il y a une prise de conscience
généralisée. Les gens commencent
à se rendre compte que les déplace-
ments en avion ont un effet sur leur
empreinte carbone, ajoute-t-elle. Et
quand ils essaient de déterminer les
éléments sur lesquels ils peuvent agir,
ils constatent que prendre l’avion
moins souvent est l’une des trois
mesures individuelles les plus effi-
caces pour réduire leur empreinte.”
—Janina Conboye
et Leslie Hook
Publié le 27 août

Les batteries des
avions électriques
sont lourdes. Cela
ne conviendra pas
aux long-courriers.

la lettre
teCh

l


a tribu indienne la plus
isolée des États-Unis
vient enfin d’obtenir
Internet. Les Supai, dont la
minuscule réserve se trouve
tout au fond du Grand Canyon,
ne peuvent être ravitaillés qu’à
pied, à cheval ou en hélicop-
tère, ce qui compliquait forte-
ment, jusqu’ici, l’installation
d’infrastructures. La radio
publique NPR raconte com-
ment MuralNet, une asso-
ciation de techies californiens
qui travaille à combler les
fossés numériques, a érigé
un émetteur à micro-ondes
sur le rebord du canyon afin
de desservir les 450 membres
de la tribu en contrebas. Le
problème n’était ni technique,
ni financier, mais essentielle-
ment bureaucratique. Obtenir
une licence haut débit de l’au-
torité fédérale des télécom-
munications est un parcours
du combattant qui peut durer
des années.
Les 46 000  salariés de
General Motors en grève
depuis une semaine aux
États-Unis ne se battent pas
seulement pour une meil-
leure distribution des pro-
fits et un arrêt des fermetures
d’usines. Leur syndicat, UAW,
tente, sans illusion, d’obte-
nir des garanties d’emploi
pour l’avenir, qui s’annonce
à la fois vert et très sombre.
GM vient d’annoncer le lan-
cement, d’ici à 2023, de vingt
nouveaux modèles de voi-
tures, toutes électriques, dont
la fabrication exige relative-
ment peu de main-d’œuvre.
Wired rappelle qu’un moteur
à explosion contient plusieurs
milliers de pièces, alors qu’une
version électrique n’en com-
prend que quelques centaines.
La maintenance, considé-
rablement réduite pour les
modèles électriques, menace
aussi tout le réseau de conces-
sionnaires maison qui tirent
leurs bénéfices de l’entretien
des voitures. UAW estime
que le déclin du moteur à

essence pourrait coûter
35 000 emplois en quelques
années au secteur automo-
bile américain...
Le New York Magazine
connaît bien la Silicon Valley.
Un article intitulé “Un guide
cynique pour faire un malheur
à Stanford” offre une visite
narquoise et extraordinai-
rement bien informée de la
mère de toutes les universités
high-tech. L’usine à cerveaux
de Palo Alto, apprend-on, est
aussi, et surtout, un lieu d’in-
tense réseautage, un grand
souk du capital-risque où les
bailleurs de fonds des start-
up proposent des biscuits et
des rafraîchissements aux étu-
diants à leur sortie des exa-
mens de fin d’année, ou rôdent
devant la bibliothèque pour
savoir quelle appli miracu-
leuse est en fabrication dans
les chambrées.
L’article contient même
une carte des lieux préférés
des investisseurs les plus
prestigieux sur le campus.
Stanford, une fac où les profs
eux-mêmes investissent leur
argent dans les projets de
leurs élèves, ressemble plus
à un incubateur géant qu’à
un creuset universitaire.
L’établissement promeut
avant tout la création d’en-
treprises et l’éclosion de géné-
rations de millionnaires qui,
à leur tour, contribueront par
leurs dons à la prospérité de
l’université. Même les nom-
breux décrocheurs sont plutôt
bien vus par Stanford, tant
qu’ils lui font honneur.—

PHILIPPE COSTE, à New York

Une tribu branchée et un


guide cynique de Stanford


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