Courrier International - 26.09.2019

(Tina Sui) #1

  1. Courrier international — n 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019


Un procès
hors norme
A L G É R I E 
“Jusqu’où ira la
justice ?” lance
le 24 septembre
El-Watan au
lendemain de
l’ouverture du
“procès histo-
rique” de Saïd Boutefl ika, le frère
du président déchu, et de trois
coaccusés poursuivis pour “com-
plot contre l’autorité de l’État”. “Ils
encourent des condamnations
allant de cinq ans de prison à la
peine capitale.” Mais au-delà de
ces accusés, estime le quotidien
d’Alger, ce procès devrait exami-
ner “la question de la responsa-
bilité du drame algérien ces vingt
dernières années”.

À feu et à sang


INDONÉSIE  Un mois à peine
après une première vague
de contestation violente en
Papouasie, la rumeur d’une insulte
raciste proférée par un profes-
seur à l’encontre d’un lycéen de
Wamena a, une nouvelle fois, servi
de déclencheur le 23 septembre,
raconte Koran Tempo. Les élèves
de la ville ont envahi les rues, mis
le feu à la mairie, à des maisons et
à des magasins. Au moins 32 per-
sonnes ont trouvé la mort dans ces
incendies. Quelques heures plus
tard, c’était au tour de Jayapura, la
capitale provinciale, de s’enfl am-
mer : des émeutes ont fait quatre
morts, dont un policier.

L’ h e u r e des petits
arrangements
ÉTAT S  U N I S  Carlos Ghosn a
conclu le 23 septembre un accord
à l’amiable avec le gendarme de
la Bourse américain. La SEC
accusait l’ancien PDG déchu
de l’alliance Renault-Nissan
d’avoir dissimulé, avec l’aide
d’un de ses lieutenants, Greg
Kelly, plus de 140 millions de
dollars de rémunération et d’in-
demnité retraite. Afi n de solder
les poursuites, Carlos Ghosn a
accepté de payer une amende de
1 million de dollars. En vertu de
l’accord signé, il lui est interdit
de diriger une entreprise cotée
pendant dix ans, souligne le
Financial Times.

—London Evening Standard
Londres

L


a baronne Hale a donc craché son
venin, telle l’araignée d’argent qui
ornait l’épaule de la tenue noire
qu’elle portait. La Cour suprême qu’elle pré-
side a décrété à l’unanimité que la suspension
du Parlement était “illégale”. L’institution a
conclu que le gouvernement était coupable
d’avoir voulu “suspendre la démocratie parle-
mentaire”. Elle a statué que, puisque la sus-
pension est “nulle et non avenue”, la Chambre
des communes pouvait de nouveau siéger,
dès que possible, confi ant le contrôle des
opérations au président de cette dernière.
Elle a jugé que la question de savoir si Boris
Johnson avait menti à la reine pour justi-
fi er la suspension était sans importance,
tout en laissant l’opinion publique libre de
tirer ses propres conclusions.
Le verdict n’aurait pu être plus désastreux
pour le Premier ministre. Il en sort humi-
lié. Son gouvernement, qui fête aujourd’hui

Royaume-Uni. Un “grand


jour” pour la démocratie


La Cour suprême britannique a jugé “illégale”
le 24 septembre la suspension du Parlement décidée
par le Premier ministre. Une “humiliation” pour
Boris Johnson, estime le grand quotidien de Londres.

7 jours dans
le monde

même ses deux mois d’exercice, a subi une
défaite catastrophique. Les membres de son
équipe passent pour des cancres, conju-
guant pour leur malheur orgueil, malice et
incompétence. Mais surtout, Boris Johnson
a montré qu’il était impuissant. Et tout cela
pour rien. Il n’avait rien à gagner en tentant
de suspendre le Parlement, et tout à perdre.
Voilà une vérité qu’on aura du mal à
entendre aujourd’hui, dans le bruit ambiant.
Fondamentalement, la décision de la Cour
suprême ne va rien changer à la bataille
du Brexit. La suspension du Parlement au
début du mois a déjà changé la donne, pro-
duisant l’eff et inverse au but recherché par
les soi-disant génies du 10 Downing Street.
Quand la nouvelle a fi ltré, elle a galvanisé
les rebelles, accéléré leurs initiatives et
soudé l’opposition. Celle-ci a adopté une
loi qui oblige le gouvernement, s’il refuse
de conclure un accord, d’abord avec l’UE,
ensuite avec le Parlement, à demander un
report du Brexit au-delà du 31 octobre.
Rien dans le jugement rendu [ce 24 sep-
tembre] ne remet en cause cette loi. Le blo-
cage mis en place contre un “no deal” tient
toujours. Mais outre cette victoire dans la
bataille du Brexit, c’est un grand jour pour
notre pays. Le pouvoir de notre démocratie
parlementaire a été réaffi rmé. La primauté
du droit est rétablie. Le gouvernement s’est
vu brutalement rappeler qu’il reste au ser-
vice de ceux qui ont été élus par le peuple
pour le représenter.
Aux grandes dates de l’histoire de la
démocratie – de la signature de la Magna
Carta [charte des libertés] en 1215 jusqu’aux
réformes de la Chambre des communes en
1832 et 1911, en passant par le Bill of Rights
de 1689 [qui défi nit les fondements de la
monarchie parlementaire] –, nous pou-
vons désormais ajouter l’année 2019.
Publié le 24 septembre

Réactions


Johnson, jusqu’au bout...
●●● Peu après l’annonce du verdict
de la Cour suprême, le Premier
ministre britannique a fait part
de son “profond désaccord”, selon
le Financial Times. Mais il a écarté
la possibilité de démissionner,
répondant ainsi au leader
de l’opposition Jeremy Corbyn, qui
l’avait invité un peu plus tôt à “quitter
son poste, ce qui ferait de lui le
Premier ministre le plus éphémère
de tous les temps”, rapporte le journal
de la City. De New York, où il assistait
aux travaux de l’Assemblée générale
des Nations unies, Boris Johnson
a néanmoins indiqué qu’il écourterait
son séjour et serait de retour à
Londres juste à temps pour le retour

des élus à la Chambre
des communes, le 25 septembre.
Il a également appelé à la tenue
d’élections anticipées et s’est engagé
à honorer “la volonté du peuple”
et à quitter l’Union européenne
le 31 octobre comme annoncé.
Une attitude combative qui incite
le média conservateur CapX
à évoquer Shakespeare : “Le Premier
ministre devrait reconnaître
qu’il n’a vraiment rien à perdre
à poursuivre le combat. L’histoire
le jugerait tellement mal s’il renonçait
maintenant : tel Macbeth, il a marché
si avant dans le sang que battre
en retraite serait aussi eff rayant
que de continuer à avancer.”

↙ Dessin de Bertrams
paru dans De Groene Amsterdammer,
Pays-Bas.
Free download pdf