Le Monde - 03.10.2019

(Michael S) #1
0123
JEUDI 3 OCTOBRE 2019 france| 13

« Le doute profitait toujours au Mediator »


Au tribunal, les auteurs du rapport de l’IGAS ont de nouveau accablé Servier et l’Agence de sécurité du médicament


E


cartées, les questions
prioritaires de constitu­
tionnalité (QPC). Ren­
voyées au délibéré, les
exceptions de nullité et les sollici­
tations de contre­expertises mé­
dicales. Rejetées, les demandes de
renvoi. Après une semaine de
bataille procédurale menée par la
défense des laboratoires Servier,
la présidente Sylvie Daunis a
ouvert, mardi 1er octobre, la pre­
mière page du premier chapitre
du procès du Mediator devant le
tribunal correctionnel de Paris.
De ce désastre sanitaire – plu­
sieurs centaines de morts, des
milliers de personnes handica­
pées à des degrés divers –, l’ins­
truction désigne deux responsa­
bles. D’une part, les labora­
toires Servier, qui répondent de
« tromperie aggravée » pour avoir
« sciemment dissimulé » les pro­
priétés pharmacologiques du Me­
diator, un médicament présenté
comme antidiabétique mais sou­
vent prescrit comme coupe­faim,
consommé par près de cinq mil­
lions de personnes depuis 1976.
D’autre part, l’Agence française
de sécurité sanitaire des pro­
duits de santé (Afssaps), devenue
Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de
santé, poursuivie pour « blessures
et homicides involontaires », à
laquelle sont reprochées une sé­
rie de défaillances et une grave
impéritie dans l’exercice de sa
mission de contrôle.
Cette lecture judiciaire de l’af­
faire du Mediator trouve sa ma­
trice dans le rapport de l’Inspec­

tion générale des affaires socia­
les (IGAS), commandé en décem­
bre 2010 par le ministre de la
santé de l’époque, Xavier Ber­
trand, et rendu six semaines plus
tard, le 15 janvier 2011.
Ses trois auteurs, Etienne Marie,
Anne­Carole Bensadon et Aqui­
lino Morelle, sont les premiers té­
moins cités à la barre du tribunal.
Leur constat est glaçant : un mé­
dicament aux qualités thérapeu­
tiques douteuses, prescrit pour ce
qu’il n’est pas et dissimulant ce
qu’il est – un anorexigène – par­
vient à se maintenir pendant
trente­quatre ans sur le marché
alors qu’il présente des risques
graves pour la santé en déjouant
tous les contrôles et en passant
outre les multiples alertes.

« Non-retrait incompréhensible »
Autorisé en 1976 pour son action
sur le métabolisme des lipides et
des glucides, « le Mediator a été
évalué neuf fois et neuf fois les
experts ont dit que son intérêt
thérapeutique était très faible »,
observe Etienne Marie. Ce « scep­
ticisme » se manifeste dès 1979,
quand le Mediator est qualifié
« d’adjuvant », ce qui signifie qu’il
« n’a pas de qualité thérapeuti­
que ». Les experts recomman­
dent quelques années plus tard
que sa deuxième indication
(sur les glucides) soit supprimée.
Rien ne se passe. Ils réitè­
rent cette demande en 1995. Tou­
jours en vain. Le Mediator reste
commercialisé.
De cette « anomalie fondamen­
tale », Etienne Marie propose une

première explication : « Il y a une
culture commune à la commis­
sion de l’évaluation du médica­
ment et au laboratoire. On recher­
che toujours un consensus scien­
tifique qui suppose une succes­
sion d’études. Et la commission a
du mal à se déjuger. »
Anne­Carole Bensadon s’est in­
téressée, elle, aux alertes qui ont
jalonné la vie de ce médicament.
« Le Mediator aurait dû être retiré
en 1999 », soit dix ans avant sa
suspension effective du marché,
affirme­t­elle en jugeant « ce
non­retrait incompréhensible ».
Selon la médecin, cette année­là
est en effet charnière : en février,
le centre de pharmacovigilance
de Marseille signale un premier
cas de valvulopathie sur un
patient auquel le Mediator a été
prescrit sans autre médicament
anorexigène. « C’est un cas
d’alerte extrêmement important.
L’imputabilité du Mediator est
alors jugée plausible. »
En juin, un cas d’hypertension
artérielle pulmonaire (HTAP),
une maladie très rare, est signalé

par le centre de pharmacovigi­
lance de l’hôpital Saint­Antoine à
Paris. Là encore, le patient est
sous Mediator sans autre asso­
ciation médicamenteuse.
Parallèlement, entre 1998 et
2003, les autorités de santé en
Suisse, en Italie et en Espagne
s’inquiètent des effets secondai­
res du benfluorex – la substance
chimique active du Mediator – et
adressent des demandes d’expli­
cations complémentaires aux la­
boratoires Servier, qui ne leur ré­
pondent pas mais retirent dans
la foulée leur médicament de ces
trois marchés, en se gardant de le
signaler aux autorités de la santé
française et européenne.

Exposé implacable
En 2005, 21 cas de valvulopathie
sont signalés en France, dont dix
sous Mediator seul. En 2007, ce
sont trois nouveaux cas d’HTAP.
« Le président du centre de pharma­
covigilance va lui­même présenter
sa demande à l’Agence du médica­
ment pour que le médicament
soit retiré. En vain », rappelle Anne­
Carole Bensadon. Sa conclusion
est terrible : « Le doute profitait
toujours au médicament. La vie du
médicament est prioritaire sur la
vie des malades. »
Le troisième signataire du rap­
port, Aquilino Morelle, se sait
particulièrement ciblé par la dé­
fense, qui le suspecte d’avoir
d’autant plus accablé les labora­
toires Servier qu’il épargnait
les responsables politiques. Son
parcours d’ancien interne des
hôpitaux de Paris et d’énarque,

les fonctions de conseiller qu’il
avait occupées auprès de Ber­
nard Kouchner au ministère de
la santé lui avaient conféré le
premier rôle médiatique dans la
présentation du rapport de
l’IGAS en 2011.
Cette place s’était confirmée
deux ans plus tard, lors de la pre­
mière tentative avortée de pro­
cès du Mediator devant le tribu­
nal correctionnel de Nanterre.
Aquilino Morelle était alors un
conseiller très en vue du prési­
dent de la République, François
Hollande. Les révélations sur son
train de vie et une suspicion de
conflit d’intérêts qui l’avaient
contraint à démissionner de
l’Elysée en 2014 ont terni son
image et, espère la défense de
Servier, écorné son autorité.
Mais l’exposé qu’il présente
aux juges de Paris est toujours
aussi implacable sur la double
responsabilité de la firme et de
l’Afssaps dans le scandale du Me­
diator. « Dès 1969, on savait que le
benfluorex était un anorexigène
sévère », affirme­t­il. La preuve
de cette connaissance, Aquilino

Morelle indique l’avoir trouvée
dans les publications des études
et des expérimentations menées
par les laboratoires Servier. « S’ils
veulent contester l’effet anorexi­
gène du Mediator, il faut d’abord
qu’ils s’adressent à eux­mêmes »,
indique­t­il.
Or les risques liés à ce médica­
ment étaient tout aussi connus
des laboratoires Servier, ce qui
ne les a pas retenus de vouloir
le commercialiser. « Chronologi­
quement et techniquement, c’est
Servier qui est responsable de son
médicament », indique le rappor­
teur. Mais l’agence n’a pas joué le
rôle de contrôle qui était le sien :
« Si le Mediator avait été consi­
déré pour ce qu’il est, un dérivé
amphétaminique, il n’aurait ja­
mais été autorisé. S’il avait été
considéré comme un anorexi­
gène, il aurait été retiré comme les
autres anorexigènes en 1999. »
Aux défaillances en chaîne de
l’agence, Aquilino Morelle voit
plusieurs explications : « L’asy­
métrie d’une relation, qui fonc­
tionne en faveur des laboratoires
pharmaceutiques pour l’autori­
sation de mise sur le marché. La
faiblesse de l’administration de
la santé, qui est amenée à cher­
cher des expertises à l’extérieur et
multiplie ainsi les occasions de
conflit d’intérêts. C’est la raison
pour laquelle le salut est venu de
l’extérieur, des lanceurs d’alerte
Irène Frachon, Catherine Hill,
Alain Weill, Gérard Bapt, parce
qu’ils n’appartenaient pas à ce
système. »
pascale robert­diard

« Dès 1969,
on savait que le
Benfluorex était
un anorexigène
sévère »
AQUILINO MORELLE
coauteur
du rapport de l’IGAS

« La vie
du médicament
est prioritaire
sur la vie
des malades »
ANNE-CAROLE BENSADON
coautreure
du rapport de l’IGAS

La lutte contre les sectes dissoute


dans celle contre la radicalisation


La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les
dérives sectaires sera désormais rattachée au ministère de l’intérieur

C


e n’est pas une réorganisa­
tion, c’est une disparition. »
L’ancien député du Rhône
Georges Fenech, président de la
Mission interministérielle de vigi­
lance et de lutte contre les dérives
sectaires (Miviludes) de 2008 à
2012, ne décolère pas. Selon le mi­
nistère de l’intérieur, qui a con­
firmé, mardi 1er octobre, une infor­
mation de France Inter, la Mivilu­
des, jusqu’ici gérée par Matignon,
va en effet être absorbée par la
Place Beauvau, d’ici début de 2020.
Un rapprochement qui marque le
primat accordé à la lutte contre la
radicalisation djihadiste plutôt
qu’à l’emprise sectaire dans un
contexte budgétaire serré.
Créée en 2002 dans l’« unanimité
politique », rappelle M. Fenech, la
mission a pour rôle de surveiller,
coordonner, former et informer
autour des mouvements et déri­
ves sectaires. Un travail multiple et
pluriel, qui impliquait « un mail­
lage territorial » complet, avec un
correspondant Miviludes dans
chaque préfecture, rappelle son
ancien président, qui voit dans
cette réorganisation une décision
« irresponsable ».
A Matignon, on justifie ce choix
par la nécessité de « moderniser
l’organisation administrative pour
tenir compte des évolutions les plus
récentes », en premier lieu la ques­
tion de la radicalisation djihadiste.
Les services du premier ministre
renvoient aussi aux critiques de la
Cour des comptes, qui s’interro­
geait, dans un rapport de mai 2017,
sur « le positionnement institution­
nel de la Miviludes, dont le carac­
tère opérationnel pourrait être ren­
forcé par un rattachement au mi­
nistre de l’intérieur ».
Une erreur, estiment les associa­
tions qui travaillent avec cet orga­
nisme. Charline Delporte, prési­

dente du Centre national d’accom­
pagnement familial face à l’em­
prise sectaire (Cafes), critique un
recentrage qui laisse de côté la plu­
ralité de la Miviludes : « On avait le
volet éducation, le volet judiciaire,
le volet formation, et là on n’aura
plus que le volet policier, ce n’est pas
possible. » Elle promet une mobili­
sation nationale : « La Miviludes
doit vivre! »

« Lobby » anthroposophique
Les acteurs de la lutte antisectes
étaient déjà inquiets que le précé­
dent président de la Miviludes,
Serge Blisko, n’ait pas été remplacé
après son départ, en octobre 2018.
Ils sont nombreux à s’interroger
sur l’influence d’un « lobby » au
sein de la haute administration, fa­
vorable notamment à l’anthropo­
sophie – courant philosophique et
éducatif porté par l’Autrichien Ru­
dolf Steiner au début du XXe siècle,
à la base notamment de l’agri­
culture biodynamique –, accusé
par la Miviludes d’être un objet de
dérives sectaires. En 2018, la Mis­
sion a perdu un procès au tribunal
administratif contre une associa­
tion de médecins anthroposophi­
ques. Elle a fait appel.
L’absorption de la Miviludes par
le ministère de l’intérieur s’inscrit
dans le cadre d’une réflexion plus
large sur la politique à mener en
matière de prévention des nouvel­
les formes de radicalité. La Mivilu­
des continuera de travailler avec le
comité interministériel de la pré­
vention de la délinquance et de la
radicalisation (CIPDR), l’orga­
nisme chargé de ces politiques en
France. Le CIPDR a toutefois perdu
sa chef durant l’été, Muriel Dome­
nach. En poste depuis trois ans,
cette diplomate de formation a été
nommée ambassadrice de la
France auprès de l’OTAN.

Depuis, le CIPDR est un peu en ja­
chère. Il est à la fois dépendant
d’une feuille de route sur la pré­
vention de la délinquance pro­
mise par Matignon depuis avril et
suspendu à la nomination d’un
nouveau numéro un. Selon le pro­
fil choisi, l’approche des sujets ra­
dicalisation, délinquance et lutte
contre les sectes, pourrait s’avérer
très différente. Deux pistes étaient
en réflexion : celle d’un profil issu
de la société civile, ou à l’opposé
venant du monde préfectoral.
La première hypothèse poursui­
vrait l’approche très « sociale » de
ces questions, notamment ancrée
sur le contre­discours, les liens
avec le monde associatif, les élus,
et la sensibilisation de nombreux
corps de métier ; mais la seconde
hypothèse, plus sécuritaire et cen­
trée sur la lutte contre l’islam radi­
cal, pourrait l’emporter.
Selon nos informations, un nom
revient souvent et fait consensus
chez les spécialistes du sujet : celui
du préfet Frédéric Rose, actuelle­
ment chargé de mission au cabi­
net du secrétaire d’Etat auprès du
ministre de l’intérieur, Laurent
Nunez. M. Rose, fin connaisseur de
la matière, est particulièrement
chargé du dossier des « quartiers
de reconquête républicaine ». Un
dossier lié au déploiement de la
police de sécurité du quotidien. Ce
portefeuille recouvre notamment
la coordination des « plans » de
lutte contre la radicalisation à
l’échelle nationale.
Un sujet sur lequel le ministère
de l’intérieur communique peu,
mais qui consiste, en substance, à
lutter contre les dérives salafistes,
en travaillant de façon très opéra­
tionnelle avec notamment les ser­
vices de renseignement.
samuel laurent
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