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JEUDI 3 OCTOBRE 2019 culture| 27
Depuis 2010, des fans de « Mad Max » se retrouvent, le temps d’un weekend, dans le désert californien
REPORTAGE
wasteland (californie)
envoyée spéciale
S
ur la piste sableuse qui
mène au Wasteland
Weekend, quelques pan
neaux brisent la monoto
nie du paysage en indiquant, en
lettres rouges dégoulinantes, une
fréquence radio. A mesure qu’on
avance, les chuintements s’estom
pent pour laisser place à des voix
rauques, présentées comme « ve
nues du monde de l’après ». « Bien
venue à la maison, enfoirés! » Ce
sas de décompression sonore
marque la fin du monde réel et le
début d’un festival postapocalyp
tique qui, du 25 au 29 septembre, a
accueilli pour son 10e anniver
saire 4 300 personnes, en plein dé
sert de Mojave, dans l’ouest des
EtatsUnis.
A deux heures de route d’Hol
lywood, la cité éphémère de Was
teland est érigée sur un terrain va
gue en proie à la chaleur et aux
tempêtes de sable. Ce happening
géant a son « étiquette » : on se sa
lue avec des doigts d’honneur, on
ne parle ni politique ni religion, et
le costume postapocalyptique,
obligatoire, doit être porté à tout
moment. S’il est jugé trop propre,
la commandante Hardrain, qui
semble sortie du décor du dernier
Mad Max, ordonne du bout de sa
lance de se rouler dans la pous
sière ou de lacérer ses vêtements.
Le Wasteland Weekend a com
mencé comme un modeste ras
semblement de fans de cette série
de films réalisée par l’Australien
George Miller à partir de 1979, qui
se déroule dans un monde futur
régressif. A l’initiative de Jared
Butler, alors scénariste, et d’une
bande de copains, 350 personnes
se sont donné rendezvous
en 2010 dans le désert californien
pour se montrer leurs costumes
faits maison, leurs véhicules cus
tomisés et, surtout, pour faire la
fête comme s’ils étaient les seuls
survivants de l’écroulement de la
civilisation.
L’événement a ensuite attiré des
fans de jeux vidéo postapoca
lyptiques comme Fallout, puis des
couturiers, maquilleurs, acteurs,
performeurs venant principale
ment de Los Angeles pour exposer
leurs créations. L’intérêt du public
s’est accru et l’assistance a rajeuni
en 2015, après la sortie de Mad
Max : Fury Road. Aujourd’hui,
l’événement, qui augmente sa ca
pacité tous les ans, continue d’affi
cher complet.
Livres, bikinis et faux sang
Au programme du festival, on
trouve une liste hétéroclite de
concerts de metal, de hard rock
ou d’électro ; des soirées DJ orga
nisées sur des épaves de bateau
rouillées ; des spectacles de cirque
jouant avec le sable, les métaux
ou le feu ; des stripteaseuses ; un
défilé automobile ; des ateliers où
on apprend à vieillir les maté
riaux ou à confectionner des
« poupées glauques ». Quand la
nuit est suffisamment noire et
que s’allument les néons du
« dôme du tonnerre », le public ac
court autour de l’armature en
métal, réplique grandeur nature
de la demisphère où ont lieu les
combats de gladiateurs dans le
troisième Mad Max. La Diva Ma
risa, cheveux bleu électrique et te
nue gothique, entonne un aria de
Donizetti, Le Doux Rêve, en un ri
tuel qui précède chaque soirée de
lutte. Des festivaliers grimpent
alors sur le dôme pour en regar
der d’autres s’affronter sous les
hurlements, armés de battes en
mousse et harnachés à des câbles.
Le festival a aussi son « off », or
ganisé par le public dans les
« rues » de Wasteland City, ou
dans les campements des diver
ses « tribus » que les participants
constituent en amont sur les ré
seaux sociaux, en se regroupant
autour d’un thème ou d’une am
biance. « Lektor », par exemple
(on est toujours rebaptisé à Was
teland), a voyagé pour la qua
trième fois depuis Las Vegas pour
« faire du troc » : « J’aime apporter,
fabriquer et rapporter des objets
qui ne ressemblent à aucun
autre », ditil en montrant sa col
lection de sacoches, de sculptures
et de talismans. La « Bibliothé
caire » est, elle, venue pour instal
ler dans une tente ouverte à tous
un refuge littéraire : « Après l’apo
calypse, il restera toujours les li
vres, ou quelques gens pour les ra
conter, affirmetelle. J’ai mis de
tout : des livres pratiques, pour ap
prendre à faire du feu ou chasser,
des grands romans pour se dis
traire, des textes de philosophes
pour savoir rebondir. » Elle pro
pose avec la « tribu des arts » une
« version marionnettes » du cycle
complet de Mad Max.
A quelques tentes de là, « Vé
rité », une étudiante de San Diego,
confie être venue chercher à Was
teland « la possibilité d’une esthé
tique nouvelle » : « Dans le monde
postapocalyptique, les canons de
beauté ne sont pas les mêmes,
poursuitelle en s’appuyant sur
sa mitraillette. La femme ne doit
pas être délicate et fragile pour
être belle. Elle doit être forte,
comme moi. » Elle s’est inscrite au
défilé de bikinis postapocalypti
que et au spectacle d’une tribu
voisine – une joute à mains nues,
enduites de faux sang.
« Cet événement est un moyen
d’échapper au monde réel, expli
que Jared Butler. Souvent juste
pour s’amuser, parfois pour mimer
la violence et en faire quelque
chose de sain. L’univers postapoca
lyptique a autant de succès parce
qu’il est au fond bien plus opti
miste que sombre : il imagine un
autre monde après la fin du nôtre,
d’autres communautés possibles. »
Le dimanche, alors que les bons
vieux jeans refont leur appari
tion et que la foule démantèle sa
cité, un homme en guenilles
vient livrer un sermon laïque aux
portes de Wasteland. « Cet endroit
a été possible grâce à votre art,
lancetil, brandissant un livre
sur la radiation en guise de Bible.
Votre art est un feu qui, dans le
monde réel aussi, attirera les pa
pillons de nuit et leur donnera un
peu de la chaleur créée sur ce bout
de désert! » Derrière lui, on tro
que d’ultimes souvenirs, on se
donne l’accolade. Et Wasteland
redevient, en quelques heures,
un tas de poussière.
laure andrillon
Ce happening
géant a son
« étiquette » : on
se salue avec des
doigts d’honneur,
on ne parle pas
politique
Des
festivaliers
franchissent
la porte du
Wasteland
Weekend, le
28 septembre.
AGUSTIN PAULLIER/AFP
Spotify met ses rappeurs en scène
D
epuis une semaine, la plateforme
de streaming Spotify publie en tête
de sa playlist star, Pvnchlnrs (pro
noncer « punchlineurs »), cette étrange an
nonce à l’adresse de ses 900 000 fidèles : « La
première playlist de rap français entre en
scène : réserve ta place! » Spotify organise, en
effet, deux concerts à Paris et à Marseille
pour célébrer le succès de cette liste de cin
quante titres, qui consacre le parcours d’ar
tistes au sein des douze playlists spécialisées
rap du site. En programmant des artistes con
firmés comme Niska ou des nouveaux venus
comme Zola au Silo de Marseille et à l’Olym
pia de Paris, la plateforme propose à ses utili
sateurs de passer du virtuel à la réalité.
Le site d’écoute en ligne, entré en Bourse
en 2018, qui compte 232 millions d’abonnés
actifs dans le monde, dont 108 millions de
payants, ne va pas pour autant se transfor
mer en producteur de spectacle : « Ces con
certs sont l’accomplissement d’un travail, as
sure Antoine Monin, directeur des relations
artistes et labels au sein de Spotify. Ils sont
plutôt la célébration d’un moment, la mise en
vie d’une playlist. »
«Un totem pour les artistes »
Créée en août 2016, à Paris, pour répondre à
l’arrivée de nouveaux abonnés français très
consommateurs de rap, Pvnchlnrs est une
liste de nouveautés du rap hexagonal. Editée
par Toma Blondeau, un ancien journaliste,
Pvnchlnrs est devenue « la figure de proue »
des playlists sur Spotify. « Elle est un totem
pour les artistes, poursuit Antoine Monin. Ils
sont fiers d’y figurer, et les auditeurs l’atten
dent avec avidité. L’idée de ces concerts est de
pouvoir transporter cette sélection en dehors
de la plateforme, et que ses utilisateurs soient
immergés dans son univers le temps d’un
show avec les artistes sur scène, et d’avoir la
sensation d’être à l’intérieur de la playlist
grâce à une scénographie. »
Spotify s’enorgueillit d’avoir fait « sauter les
verrous du marché », de pouvoir aider les ar
tistes à trouver plus rapi
dement des oreilles pour
les écouter mais aussi
d’avoir, grâce à ses play
lists personnalisées, aug
menté de 35 % le nombre
de chansons que les audi
teurs découvrent. « Avant,
pour un artiste, il fallait
faire ses preuves sur les pe
tites scènes, dans des ra
dios locales, puis se faire
repérer par un directeur ar
tistique, par un label...,
analyse Antoine Monin. Il
fallait que les programmateurs radio aiment
ton titre et que les journalistes en parlent, et
enfin que ton disque soit disponible en maga
sin. Ce parcours, qui pouvait durer des mois,
voire des années, a plus ou moins volé en
éclats grâce au streaming. » Et monter sur
scène est un juste retour à la réalité.
stéphanie binet
Pvnchlnrs sur scène le 29 février 2020
à Marseille et le 5 mars à l’Olympia, à Paris
LE SITE D’ÉCOUTE
EN LIGNE
PROPOSE À
SES UTILISATEURS
DE PASSER
DU VIRTUEL
À LA RÉALITÉ
Bienvenue au festival postapocalyptique Wasteland
Les trois ouvrages nominés :
Adieuxau patronat
Maxime Quijoux
Éditions duCroquant
La mission
de l’entreprise
responsable
BlancheSegrestin
et Kevin Levillain
Presses desMines
@ la recherche
du temps
Nicole Aubert
Editionsérès
Remise du prix
du livre RH 20 19
19
e
édition
Jeudi 3 octobre
En partenariat avec :
Recrutement