Courrier International - 10.10.2019

(Brent) #1

  1. 7 jours Courrier international — no 1510 du 10 au 16 octobre 2019


7 jours
en france

La chute des
“commandants”
Kosovo  —  Les électeurs ont
sonné l’heure du changement
le 6 octobre, en inf ligeant une
lourde défaite aux anciens chefs
de la guérilla, après une décennie
au pouvoir. Accusés de corrup-
tion, ils sont également rendus
responsables par une grande
partie de la population du chô-
mage de masse. Les deux princi-
pales composantes de la coalition
au pouvoir sont largement devan-
cées par le parti de gauche natio-
naliste albanais Vetevendosje
(25,9 %) et la LDK (centre droit,
24,95 %), qui devront désormais
s’entendre pour gouverner, rap-
porte le site Gazeta Express.

Un synode qui
se veut audacieux
vatican — “De nouveaux che-
mins pour l’Église et pour une
écologie intégrale” : tel est, selon
le quotidien argentin Clarín, le
thème central du synode qui s’est
ouvert le 6 octobre à Rome. Lors
de sa messe inaugurale, le pape
François a déploré les feux allu-
més en Amazonie et mis en garde
contre “l’avidité des nouveaux colo-
nialismes”. Le souverain pontife
refuse que l’Église “reste telle qu’elle
est” et prône une réponse auda-
cieuse. Y compris la possibilité
d’ordonner des hommes mariés
pour pallier le manque de prêtres
dans la région.

Des cochons
version XXL
chine — “Dans une ferme du sud
de la Chine vit un très gros porc,
du poids d’un ours polaire”, écrit
Bloomberg. Le spécimen de
500 kilos est un exemple extrême
d’une tendance qui se généralise à
travers le pays, premier consom-
mateur au monde de viande
de porc : accroître le poids des
cochons à tout prix. L’épizootie de
peste porcine africaine a nécessité
l’abattage de millions de bêtes.
Les cours du porc se sont envolés
(+ 70 %) et les éleveurs espèrent
ainsi, en
engrais-
sant leur
cheptel,
r é a l i s e r
de gros profits.

—Frankfurter Allgemeine
Zeitung Francfort

L


’attaque au couteau perpétrée au
sein de la préfecture de police de
Paris a brutalement fait voler en
éclats l’idée que la France avait gagné la
“guerre contre le terrorisme”, déclarée il y
a quatre ans par le président Hollande. Cela
faisait plusieurs mois que le pays n’avait
pas connu d’attentats meurtriers comme
ceux de Paris en 2015 ou de Nice en 2016.
Et la reconquête militaire des territoires
aux mains de Daech à la frontière irako-
syrienne avait renforcé l’impression que
le gouvernement pouvait se consacrer à
d’autres sujets. Le président Macron n’a pas
osé aborder l’épineuse question de l’islam
et a repoussé un projet de loi en la matière.
Même dérobade de la part du gouverne-
ment, qui a renoncé à un débat public sur
le sort des combattants revenant de Syrie.
Seul le ministre des Affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, en poste au gouverne-
ment au plus fort des attentats, a défendu
sa décision de ne pas rapatrier les djiha-
distes français et de les faire juger devant
des tribunaux en Irak. Depuis les manifes-
tations des “gilets jaunes”, même Marine

Le Pen peine à faire entendre son discours
anxiogène sur “les ennemis de l’intérieur”.
Prudent, le gouvernement n’a d’ailleurs
pas ajouté ce thème aux discussions pré-
vues dans le cadre du “grand débat”. Le
livre de campagne de François Fillon sur
le nécessaire combat contre “le totalita-
risme islamiste” prend désormais la pous-
sière sur les étagères.
Pourtant, les indices s’accumulent ten-
dant à montrer que l’auteur de l’attaque
commise en plein cœur de la direction
du renseignement de la préfecture de
police s’était lui-même radicalisé. Le

procureur antiterroriste a confirmé son
affiliation à l’“islam radical”. La France
se voit de nouveau confrontée à une
menace que les responsables politiques
s’empressent trop souvent de balayer.
La “troisième génération de djihadistes”,
ainsi que l’appelle le spécialiste de l’islam
Gilles Kepel, ne s’organise pas autour de

Face à l’islamisme,


un État défaillant


L’attaque commise le 3 octobre à la préfecture de police de Paris
souligne la difficulté des pouvoirs publics à lutter contre la
radicalisation de jeunes Français, juge ce quotidien allemand.

cellules structurées mais dans l’anony-
mat des réseaux sociaux, et c’est grâce
à des vidéos en ligne que ses membres
apprennent à trancher une gorge avec un
couteau de cuisine. Ils trouvent un sou-
tien chez les imams salafistes qui opèrent
dans les mosquées très fréquentées des
quartiers défavorisés et des banlieues.
Tout indique que le meurtrier de la préfec-
ture de police appartenait à cette troisième
génération de djihadistes dont la straté-
gie a été clairement définie en 2005 par le
Syrien Abou Moussab Al-Souri, idéologue
en chef de Daech. Ce dernier a appelé tous
les musulmans d’Europe à attaquer dans
leur pays de résidence les “ennemis de l’is-
lam” et les “infidèles” partout et par tous
les moyens, y compris les plus primitifs.
En France, la bataille culturelle contre
cette idéologie ne fait que commencer.
Les autorités n’ont pas encore trouvé de
solution efficace pour empêcher la radica-
lisation de jeunes Français. Cela fait long-
temps que la France se débat pour trouver
un juste équilibre entre la nécessaire tolé-
rance envers les coutumes musulmanes
et la lutte contre des interprétations fana-
tiques de l’islam.
L’État de droit se révèle mal équipé pour
protéger ses citoyens de l’influence des
extrémistes salafistes. On estime que le
pays compte plus d’une centaine de mos-
quées où des imams prêchent le rejet des
valeurs et de la société françaises. Mickaël
Harpon serait tombé sous l’influence d’un
imam originaire du Maroc, officiant dans la
banlieue de Sarcelles, et dont les sermons
haineux auraient conduit à son rejet par
les musulmans plus âgés. L’État a toute-
fois manqué de détermination après la juste
réaction de ces fidèles. L’imam n’a pas été
expulsé, la procédure a été retardée, et il a
fini par trouver de nouveaux adeptes dans
une mosquée voisine, à Gonesse. Il ne s’agit
pas d’un cas isolé.
Les manquements dans la prévention
contre le terrorisme et les failles de la sécu-
rité au sein de la préfecture de police offrent
un contraste saisissant avec l’approche posi-
tive du gouvernement consistant à d’abord
lutter contre la radicalisation au niveau de
l’école. Le dédoublement des classes dans
les écoles primaires des quartiers défavo-
risés, essentiellement fréquentées par des
enfants d’immigrés, a permis de réduire
le nombre d’élèves par classe à douze. En
deux ans seulement, cette mesure a déjà
permis une hausse spectaculaire du niveau
des élèves en lecture, écriture et calcul. Une
innovation qui nourrit l’espoir de former
une nouvelle génération qui ne tombera
pas dans le cercle vicieux du manque d’édu-
cation, des perspectives professionnelles
bouchées et d’une quête de sens dans l’is-
lam radical.
—Michaela Wiegel
Publié le 8 octobre

L’État de droit se révèle
mal équipé pour protéger
ses citoyens de l’influence
des extrémistes salafistes.

↙ Dessin de Côté
paru dans Le Soleil, Québec.

kopelnitsky, états-unis

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