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«Le meurtre
du Co mmande ur
est un romanlumi neux.
Et Murakami,
un génie fa cétieux. »
Fl or ence Bouchy
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pourtant bien caché.
Un portrait qui va prendre
un peintre en manque
Dans les montagnes
et ou vrir des mondes de
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TABLEAU
DEL’AUTRECÔTÉDU TABLEAU
Courrier international — n 1510 du 10 au 16 octobre 2019 ASIE. 21
SOURCE
MAINICHI SHIMBUN
Tokyo, Japon
Quotidien, 2824000 (édition
du matin), 720000 (édition du
soir, au contenu très diff érent)
mainichi.jp
Fondé en 1872, le Mainichi
Shimbun est le plus
ancien quotidien japonais.
Centriste, le “Journal
de tous les jours” est
le troisième quotidien
national du pays par
la diff usion.
une affi chette : “Les propriétaires
des bagages abandonnés sont priés
de les retirer”. Plusieurs pan-
neaux d’interdiction de faire du
feu avaient été installés dans les
alentours.
Au bout d’environ deux heures,
nous nous sommes rendus en
taxi dans un restaurant qui reste
ouvert la nuit. À l’aide de nos
notes et de nos plans, nous avons
calculé le nombre d’individus et
d’objets répertoriés durant notre
tournée. La règle était de comp-
ter une personne par tente ou par
hutte, mais de ne pas prendre en
compte le nombre de bagages.
Notre équipe a recensé une
trentaine de SDF et relevé la
présence de bagages dans une
quinzaine d’endroits. Ce soir-là,
le nombre total de sans-abri pour
les quatre arrondissements s’est
élevé à 520. Avant de publier ces
chiff res, l’association procédera
à un lissage pour que les mêmes
personnes ou bagages ne soient
pas comptés plusieurs fois.
“Même si le monde vit dans
l’abondance, il y a toujours des
sans-abri. Des vieillards, des
jeunes, j’ai trouvé ça très triste”,
a commenté d’une voix sombre
David Tovey, producteur artis-
tique du projet With One Voice,
qui faisait partie de mon équipe.
Ses propos sur les diff érences
entre le Royaume-Uni et le Japon
m’ont beaucoup marqué : “En
Grande-Bretagne, les SDF sont
perçus comme un problème struc-
turel de la société, alors qu’au Japon
on considère que c’est un problème
purement personnel.” Autrement
dit, la responsabilité incombe
à l’individu. L’idée que l’on ne
puisse pas éprouver d’empathie
pour les gens qui vivent dans
la rue ni prendre conscience
de la nécessité de leur venir en
aide m’a profondément attristé.
Quand nous nous sommes
séparés, il était 5 heures pas-
sées. C’était le petit matin, et le
jour se levait. En marchant seul
dans Shibuya, j’ai croisé un indi-
vidu qui portait de vieux vête-
ments et se déplaçait avec trois
ou quatre sacs enveloppés de
plastique pour être protégés de
la pluie. Avec ses cheveux longs,
il était diffi cile de dire, à pre-
mière vue, si c’était un homme
ou une femme. Il y avait aussi
un homme qui portait une ser-
viette crasseuse autour du cou
et qui marchait d’un pas rapide,
et un autre qui sortait des objets
de sous une bâche.
Peut-être faisaient-ils partie de
ceux que nous avions comptabi-
lisés un peu plus tôt. Peut-être
pas. Peut-être s’étaient-ils levés
PERSONNES VIVENT DANS LES RUES DE TOKYO.
Tel est le résultat publié le 26 septembre par le collectif Arch,
après qu’il a terminé son recensement des SDF dans huit
arrondissements du centre-ville. Selon le site offi ciel de l’ONG,
l’enquête, menée cet été en deux étapes, a eu lieu la nuit, et
184 bénévoles au total y ont participé. Dans l’arrondissement
de Shibuya, le nombre total de sans-abri s’élève à 180.
1 040
“Au Japon, on
considère que les SDF
sont un problème
purement personnel.”
David Tovey,
PRODUCTEUR ARTISTIQUE
DU PROJET WITH ONE VOICE
tôt pour travailler. Ou parce que,
avec l’animation croissante du
quartier, ils ne pouvaient plus
dormir. En pensant à la situa-
tion de ces personnes et à toutes
les épreuves qu’elles avaient dû
subir pour en arriver là, je me
suis soudain senti accablé.
—Taku Endo
Publié le 28 août