Les Echos - 07.10.2019

(Michael S) #1

Les Echos Lundi 7 octobre 2019 IDEES & DEBATS// 11


opinions


DANS LA PRESSE
ÉTRANGÈRE


  • La dissuasion nucléaire reposait sur la
    crainte d’une destruction mutuellement
    assurée entre les Etats-Unis et l’Union
    soviétique. Mais si la guerre nucléaire
    éclatait entre l’Inde et le Pakistan, cet
    équilibre de forces destructrices pour-
    rait-il jouer? Aujourd’hui la tension
    entre les deux puissances nucléaires de
    l’Asie du Sud, est au maximum depuis la
    révocation par le Premier ministre
    indien, Narendra Modi, de l’autonomie
    constitutionnelle du Jammu-et-Cache-
    mire. « Newsweek » se fait l’écho d’une
    étude publiée par des chercheurs d ans la
    revue « Science Advances ». Et la conclu-
    sion est terrifiante : les effets d’un conflit
    nucléaire entre les deux pays pourraient
    provoquer la mort de 125 millions de per-
    sonnes. L’autre conséquence de
    « l’après-guerre nucléaire » serait une
    forte diminution de la végétation dans le
    monde et de la vie marine provoquant
    famines et maladies. En outre, les nua-
    ges de suie provoqués par les incendies
    pourraient conduire à un « hiver
    nucléaire ». Neuf pays sont dotés d’une
    force de frappe nucléaire, mais seuls
    l’Inde et le Pakistan continuent à aug-
    menter leur puissance. L’hypothèse des
    chercheurs se fonde sur l’éventualité
    d’une guerre à l’horizon 2025 lorsque les
    arsenaux des deux pays totaliseront de
    400 à 500 a rmes nucléaires. Aux
    Nations unies, le Premier ministre pakis-
    tanais Imran Khan a appelé la commu-
    nauté internationale à soutenir son pays
    face aux décisions de New Delhi au
    Cachemire. Dans un discours inquié-
    tant, il s’est demandé : que doit faire un
    pays sept fois plus petit que son voisin et
    devant choisir entre la reddition ou le
    combat jusqu’à la mort pour sa liberté?
    Depuis la partition, les deux pays se sont
    déjà livrés à trois guerres. —J. H.-R.


Inde-Pakistan :
une destruction
mutuellement assurée

LE MEILLEUR DU
CERCLE DES ÉCHOS

Les « likes » vont-ils tuer
les réseaux sociaux?

La course aux « likes » sur Twitter,
Facebook ou encore Instagram produit
de nombreux effets pervers qui menacent
la pérennité de ces plates-formes. Mais les
choses sont peut-être en train de changer,
explique Ryan Holmes, PDG de Hootsuite.

CERVEAU DISPONIBLE « Les “likes”
nous invitent à prêter attention à tout
contenu remarquable. Quand un sujet viral
croise notre fil d’actualité, il est également là
pour nous inciter à prendre en marche le
train. [...] Cette quête incite les utilisateurs à
passer plus de temps en ligne. Ce qui équivaut
à plus de temps de cerveau disponible
pour les annonceurs et donc plus de revenus
pour les plates-formes. Le problème est que
ce modèle a créé toutes sortes de
dysfonctionnements et de distorsions. »

SENSATIONNALISME « Le modèle du “like”
génère de la provocation et de l’antagonisme.
Si vous couplez cela aux algorithmes conçus
pour servir aux membres toujours plus de
contenus similaires à ce qu’ils aiment, vous
finissez par créer une boucle de rétroaction
positive vicieuse. [...]. On pourrait penser que
cela est bon pour le business, mais il en va
tout autrement. Quand les réseaux sociaux
en sont réduits au sensationnalisme, ils
perdent toute validité et toute crédibilité. »

RETOUR SUR INVESTISSEMENT
« La responsabilité de faire changer les choses
n’incombe pas seulement aux réseaux
sociaux, bien évidemment. Elle nous incombe
également. Il est temps de recalibrer
nos attentes concernant le retour sur
investissement proposé par les réseaux
sociaux. [...] Nous devrions en attendre plus :
des conversations pertinentes, des
informations fiables, un peu de divertissement,
des connexions humaines. Les réseaux
sociaux ont été créés avec ce but. »

a
A lire en intégralité sur Le Cercle :
lesechos.fr/idees-debats/cercle

Le 10 août, à Des Moines, dans l’Iowa, Elizabeth Warren participe à un forum sur la réglementation des armes
aux Etats-Unis. Photo Stephen Maturen/Getty Images/AFP


A


la fin de son second mandat, à
l’été 2000, Bill Clinton aurait,
selon les confidences orales
d’un de ses conseillers, réuni ses plus
proches collaborateurs à la Maison-
Blanche. Il voulait leur exprimer ses
regrets, sinon ses excuses. L’Affaire
Monica Lewinski, et le processus
d’« impeachment » qu’elle avait déclen-
ché, ne lui avait pas permis de se consa-
crer à ses responsabilités internationa-
les, comme il aurait pu et dû le faire.
Que dire aujourd’hui, alors qu’une
nouvelle procédure d’ impeachment – la
troisième dans l’histoire – menace
l’improbable locataire de la Maison-
Blanche? Le mardi 1er octobre, le con-
traste n e pouvait ê tre plus grand entre l es
images en provenance de Pékin et celles
venues de Washington. A Pékin, la Chine
célébrait triomphalement avec un faste
martial, le soixante-dixième anniver-
saire de la création de la République
populaire, et ce en dépit des gros nuages
venus de Hong Kong. A Washington, les
Etats-Unis s’e nfonçaient un peu plus
dans les méandres de l’« Ukrainegate ».
L’affaire Monica Lewinski avait éclaté à
un moment où l’Amérique était sans
rival dans un monde devenu unipolaire.
Tel n’est plus le cas aujourd’hui, à l’heure
de la montée en puissance de la Chine et
du retour de la Russie.
Faut-il voir dans « l’affaire Zelenski » l a
grandeur ou la faiblesse de la démocra-
tie, la force ou la paralysie d’un système
fondé sur l’équilibre des pouvoirs? Un
peu des deux sans doute. La tentative du
président Donald Trump de faire chan-
ter un allié : « Vous n’aurez pas mon aide
militaire, si vous ne m’aidez pas à affaiblir
la c andidature de mon principal rival » e st
tellement hors norme, qu’elle justifie
pleinement la p rocédure qui a été lancée.
En ce début d’o ctobre 2019, l’« Ukrai-
negate » a déjà affaibli deux personnes :
Donald Trump, qui en se démenant avec
la violence d’un animal blessé aggrave
sans doute son cas, et Joe Biden, même
s’il n’a rien à se reprocher personnelle-
ment dans l’affaire.
Une seule personne semble avoir jus-
qu’à présent clairement profité de


LE REGARD
SUR LE MONDE
de Dominique
Moïsi


LE LIVRE
DU JOUR

La communication
financière, instrument
de la stratégie

LE PROPOS Arrestation de Carlos
Ghosn, rumeurs de rapprochement
entre Carrefour et Casino,
manipulation boursière sur le titre
Vinci : au cœur des moments forts
de la vie des entreprises se trouve
un acteur discret et pourtant
central, la communication
financière. Loin de se réduire à une
démarche marketing de
recrutement de nouveaux
actionnaires, la « com-fi » ne peut
plus se limiter à une relation de
spécialistes à spécialistes. Jean-Yves
Léger, consultant et enseignant,
constate que ses cibles s’élargissent
avec la porosité croissante des
publics. Client, salarié, actionnaire,
syndicaliste peuvent n’être parfois
qu’une seule et même personne.

L’ INTÉRÊT Avant d’être une bible
sur les techniques de
communication à l’heure du « hors-
médias » et sur une réglementation
de plus en plus volumineuse,
l’ouvrage de cet ancien « dircom »
(BSN, LVMH) et consultant (Euro
RSCG/Havas) offre une réflexion
nourrie sur ce qui est un
instrument à part entière

de la stratégie de l’entreprise,
sur ses objectifs et sur ses modes
d’organisation. Les frontières
entre les différents métiers
de la communication disparaissent
quand il s’agit de séduire
les générations Y, millennials,
et autres Xennials.

LA CITATION « Une bonne
communication financière doit aussi
faire partager une vision non
financière de l’entreprise : c’est une
des perspectives à développer pour
l’avenir. » —Laurent Flallo

La Communication financière
De Jean-Yves Léger, Pearson,
227 pages, 25 euros.

Aux Etats-Unis,


le moment Warren


l’« Ukrainegate » : la candidate démo-
crate Elizabeth Warren. Elle bénéficie de
plus du retrait (momentané ou non)
pour des raisons de santé, de son rival à la
gauche du parti, Bernie Sanders. Il con-
vient bien sûr de rester très prudent.
L’auteur de ces lignes s’e st gravement
trompé, en ne voyant pas venir la victoire
de Donald Trump en 2016. Et la campa-
gne ne fait que commencer. Je serais
pourtant tenté d’écrire dès à présent, que
si j’ignore qui sera le prochain président
des Etats-Unis, ce ne sera pas Donald
Trump. L’évolution de l’opinion publi-
que est bien sûr fluctuante par essence.
Mais on peut penser que des tendances
lourdes commencent à émerger. Dans
un sondage publié il y a quelques jours,
Elizabeth Warren devance pour la pre-

mière fois Joe Biden. Le Parti démocrate,
sentant la vulnérabilité nouvelle de
Donald Trump, est-il e n train de se rallier
à une candidate qui par son énergie, son
apparence physique (en dépit de ses
soixante-dix ans) fait presque paraître
vieux le locataire de la Maison-Blanche,
contrairement à Joe Biden qui le rend
presque jeune? Plus troublant encore
pour Donald Trump, le Parti républicain
qui le suivait fidèlement, parfois en « se
bouchant le nez », commence à donner
l’impression de vouloir le déserter. Et si
Donald Trump était en train de devenir


  • en dépit de la fidélité de sa base — une
    machine à perdre pour le Parti républi-
    cain dans son ensemble?
    Il y a une semaine encore, la majorité
    des commentateurs avertissait le camp
    des démocrates. La procédure
    d’« impeachment » est sans doute justi-
    fiée au niveau du respect des principes
    démocratiques, mais politiquement elle
    constitue un trop grand risque pour le
    parti. L es Américains dans l eur majorité,
    disaient-ils, ne verront en elle qu’une
    manœuvre politicienne, une analyse
    confortée par les tout premiers sonda-
    ges. Mais tel n’est plus le cas aujourd’hui :
    l’opinion publique s’est renversée.
    L’affaire est devenue bien plus spectacu-


laire, avec de nouveaux rebondisse-
ments chaque jour, comme peut l’être
une série télévisée à laquelle ses specta-
teurs deviennent malgré eux addictifs.
Qui savait quoi, qui faisait quoi, bref,
quelle est l’étendue du scandale? Con-
trairement au « dossier russe », l’affaire
ukrainienne, en effet, paraît simple.
Et un sentiment domine aujourd’hui :
nous ne sommes qu’au tout début de
l’affaire et son rythme va s’accélérer de
manière inexorable. La question n’est
pas encore de savoir si le président en
place sera contraint à la démission,
comme a pu l’être Richard Nixon en
1974, mais si Donald Trump peut survi-
vre politiquement en 2020.
Reste la personnalité et les options
politiques et plus encore économiques
de celle que Donald Trump appelle
« Pocahontas », Elizabeth Warren. N’est-
elle pas trop radicale, trop à « gauche »
dans sa vision du capitalisme? Autre-
ment dit, comment une candidate, dont
la pensée économique semble parfois
proche de celle de Thomas Piketty, pour-
rait-elle devenir président des Etats-
Unis? Cette radicalité n’est-elle qu’une
simple posture, l’expression d’un popu-
lisme de gauche, destinée à lui faire rem-
porter les primaires au sein d ’un parti qui
s’est gauchisé au fil des années? Va-t-elle
se « recentrer » une fois sa nomination
acquise? En fera-t-elle la preuve par le
choix d’une personnalité beaucoup plus
modéré et accessoirement beaucoup
plus jeune, sur son « ticket » démocrate?
Ce changement de cap n’est pas si simple.
A un p eu p lus d’un a n des présidentiel-
les de 2020, nombre d’électeurs améri-
cains se trouvent potentiellement con-
frontés à un dilemme cornélien.
Doivent-ils mettre en danger l’économie
libérale, et leurs intérêts personnels, en
élisant une femme qui promet, entre
autres, d’augmenter de manière specta-
culaire les impôts des très riches? Ou
doivent-ils se résigner à mettre en dan-
ger l’avenir de la démocratie aux Etats-
Unis en acceptant la réélection d’un
homme si manifestement incapable
d’exercer de manière sereine et compé-
tente les fonctions présidentielles? S’il
n’y a plus rien à espérer de Donald
Trump, y a-t-il tout à craindre d’Eliza-
beth Warren? Pour l’Amérique, comme
pour le monde, le risque Warren est sans
doute moins grand que celui d’une
deuxième présidence Trump.

Dominique Moïsi est conseiller
spécial de l’Institut Montaigne.

La procédure d’« impeachment » lancée contre Donald Trump


est un tournant dans la campagne pour la prochaine présidentielle


américaine. Jusqu’à présent, Elizabeth Warren, candidate à la primaire


démocrate, est celle qui en tire le meilleur parti.


La question n’est pas
encore de savoir si le
président en place sera
contraint à la démission
mais si Donald Trump
pourra survivre
politiquement en 2020.
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