Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1

12 |france SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2019


0123


Eliane Houlette visée


par une enquête


embarrassante


L’ancienne patronne du Parquet national
financier est soupçonnée de « violation du
secret de l’enquête ». Elle s’en défend

L


a magistrate Eliane Hou­
lette, qui a dirigé le Parquet
national financier (PNF) de­
puis sa création, en 2013, jusqu’à
son départ à la retraite fin juin,
a­t­elle transmis à un avocat des
informations couvertes par le se­
cret de l’enquête? C’est la ques­
tion aussi embarrassante que
sensible à laquelle tente de répon­
dre le parquet de Paris, qui a
ouvert, le 5 septembre, une en­
quête préliminaire pour « viola­
tion du secret de l’enquête ». Le
procureur de Paris, Rémy Heitz, a
pris cette décision à la suite de sa
saisine par le parquet général de
Paris, lui­même destinataire à
deux reprises d’éléments suscep­
tibles de mettre en cause
Mme Houlette.
Tout commence à la fin du prin­
temps, quand la section de re­
cherche de gendarmerie de Mar­
seille, chargée d’une enquête sur
de possibles emplois fictifs à la
mairie de Marseille, conduite par
le PNF, transmet des retranscrip­
tions d’écoutes où est évoqué le
nom de Mme Houlette. L’avocat
pénaliste Jean­Jacques Campana
échange alors avec le directeur gé­
néral adjoint des services de la
mairie de Marseille, Jean­Pierre
Chanal – qui était sur écoute.
L’avocat se targue d’entretenir
une relation privilégiée avec la
magistrate et rapporte des propos
qu’elle lui aurait tenus sur une
autre enquête concernant la mai­
rie et de possibles détournements
de fonds publics au Samusocial.
Le 10 juin, les magistrats du PNF
chargés de ce dossier décident de
transmettre ces retranscriptions
au parquet général de Paris, qui
convoque Mme Houlette pour
avoir des explications. Aucune
suite n’est alors donnée par la
procureure générale, Catherine
Champrenault.
Mais, dans un deuxième temps,
au cours du mois d’août et alors
qu’une information judiciaire a
été ouverte, la juge d’instruction
parisienne désormais chargée de
l’enquête sur les emplois fictifs de
la mairie de Marseille, transmet
un autre procès­verbal compor­
tant une nouvelle synthèse

d’écoutes au PNF. Cette fois, les
mêmes interlocuteurs semblent
notamment s’inquiéter de ce que
l’issue de l’enquête prétendu­
ment annoncée par Mme Houlette
ne se fasse attendre et envisage de
reprendre contact avec elle, mais
en vain. Le PNF en réfère une fois
de plus au parquet général qui
choisit cette fois de saisir le par­
quet de Paris pour procéder à des
vérifications et se procurer l’inté­
gralité des écoutes.

« Injurieux »
Interrogée, Mme Houlette a ré­
pondu au Monde, par l’intermé­
diaire de son avocat, Jean­Pierre
Versini­Campinchi. « Je ne com­
prends pas ce qui pourrait m’être
reproché. Toute ma carrière, j’ai
considéré que les avocats, en tant
qu’auxiliaires de justice, étaient
nos partenaires privilégiés. Au
PNF, nos enquêtes ne sont pas pro­
céduralement contradictoires. Il
est d’autant plus nécessaire de
pouvoir nous entretenir avec les
avocats des mis en cause comme
avec ceux des parties civiles. »
L’ancienne patronne du PNF
poursuit : « Imaginer qu’à de telles
occasions un membre du PNF ait
pu violer un secret de l’enquête est
injurieux. J’ai effectivement ré­
pondu à un appel de Me Campana,
ancien membre du conseil de l’or­
dre, avocat d’un mis en cause, qui
m’a sans doute interrogée sur le
sort procédural d’une enquête
dans laquelle un de ses clients était
impliqué. Les enquêtes sont suivies
par deux magistrats du PNF, et je
ne sais rien dans le détail de ces af­
faires. J’ignore évidemment ce qu’a
pu dire Me Campana à son interlo­
cuteur. » De son côté, Me Campana
assure que « Mme Houlette ne [lui]
a donné aucune information sur
quelque sujet que ce soit ».
L’affaire intervient alors que de
fortes tensions internes traver­
sent le PNF depuis des mois
autour de l’autoritarisme repro­
ché à Mme Houlette par une partie
de ses équipes. Un élément parmi
d’autres qui pourrait pousser
le procureur de Paris à dépayser
l’enquête.
j.­b. j. et simon piel

Monaco éconduit le juge d’instruction


français chargé de l’affaire Rybolovlev


L’Union syndicale des magistrats dénonce un « fait du prince »


D


es questions surgissent
autour de la manière
dont la principauté de
Monaco a décidé de renvoyer en
France un magistrat français qui y
était détaché. Le juge d’instruc­
tion Edouard Levrault, arrivé sur
le Rocher il y a trois ans, avait en
charge l’information judiciaire
ultrasensible dans laquelle il a no­
tamment mis en examen Dmitri
Rybolovlev, le milliardaire russe
propriétaire du club de football de
Monaco, ainsi que des personna­
lités proches du pouvoir local.
Nommés pour un mandat de
trois ans, les magistrats français
détachés dans la Principauté peu­
vent, conformément à la conven­
tion de 2005 signée entre la
France et l’Etat princier, être re­
nouvelés, ou pas, pour une pé­
riode de trois ans. M. Levrault
avait obtenu du côté français le
feu vert pour son renouvelle­

ment. Mais il a été informé au dé­
but de l’été par Laurent Anselmi,
le directeur des services judiciai­
res de Monaco, chargé de la politi­
que pénale, qu’il devrait faire ses
valises au 1er septembre. Malgré le
recours déposé par le magistrat
contre cette décision devant le
Tribunal suprême, la plus haute
juridiction à Monaco, la France a
pris acte du non­renouvellement
et choisi de le nommer au tribu­
nal de Nice, comme l’a révélé le
site Internet de L’Obs.

« Mis à mal la chaîne pénale »
A Monaco, on assure qu’il ne
s’agit en rien d’une remise en
cause de l’indépendance des
juges ou d’une mise à l’écart d’un
magistrat dont l’enquête déplai­
rait. « Le non­renouvellement d’un
magistrat détaché est un droit
souverain de la Principauté »,
explique au Monde une source

proche du gouvernement prin­
cier. Pourquoi est­ce tombé sur
M. Levrault et pas sur les cinq
autres magistrats français dont le
détachement a été renouvelé cet
été? « Le Prince et le gouverne­
ment souhaitent que la justice
passe en toute impartialité, y com­
pris dans l’affaire Rybolovlev, mais
l’attitude de M. Levrault a mis à
mal la chaîne pénale et il n’a rien
sorti dans cette affaire en trois ans
tandis que ses autres dossiers
n’avançaient pas non plus », af­
firme cette source.
Que le pouvoir exécutif décide
de décharger un juge en fonction
des actes qu’il fait ou pas dans le
contenu de ses dossiers ne sem­
ble déranger personne. Sauf le
Groupe d’Etats contre la corrup­
tion du Conseil de l’Europe qui re­
commandait dans son dernier
rapport d’évaluation de la Princi­
pauté en juillet 2017 « d’assurer la

transparence dans la nomination
des juges et procureurs à Monaco,
qu’ils soient détachés ou non (...) y
compris pour les renouvellements
et fins anticipées de détache­
ment ». La majorité des magistrats
en poste dans ce micro­Etat sont
des Français détachés.
A Paris, au ministère de la jus­
tice, on refuse le moindre com­
mentaire sur cette situation qui
semble davantage relever des
relations diplomatiques. Déjà en
décembre 2017, deux conseillers à
la cour d’appel de Monaco
s’étaient vu notifier leur non­re­
nouvellement en dépit d’évalua­
tions favorables de leur hiérarchie
française. L’Union syndicale des
magistrats dénonce de tels « faits
du Prince » à l’égard des magis­
trats détachés à Monaco « qui ne
pourront plus exercer à Monaco
en toute indépendance ».
jean­baptiste jacquin

Une journée de mobilisation


sous surveillance, samedi, à Paris


« Gilets jaunes », marches pour le climat et contre la réforme des retraites...


les forces de l’ordre craignent des débordements dans la capitale


C


omme un petit air de
déjà­vu. Le gouverne­
ment se prépare, pour la
première fois depuis la
rentrée, à un samedi intense, ce
21 septembre, sur le front des ma­
nifestations à Paris. Plusieurs évé­
nements simultanés sont organi­
sés, avec notamment un appel
des « gilets jaunes » à une mobili­
sation « historique » dans la capi­
tale, une tentative pour revenir
sur le devant de la scène pour ce
mouvement devenu étique.
Une « marche pour le climat et
contre l’inaction » est aussi orga­
nisée dans la capitale, du jardin du
Luxembourg (6e arrondissement)
au parc de Bercy (12e). Au même
moment, à l’appel de Force
ouvrière, un cortège défilera
contre la réforme des retraites de
Duroc (7e) jusqu’à la place Denfert­
Rochereau (14e).
Pour les « gilets jaunes », il n’y
aura pas de mot d’ordre unique.
Comme ils le font depuis des
mois, une partie d’entre eux tien­
nent à déclarer un parcours où les
plus pacifiques pourraient défi­
ler en sécurité, en accord avec la
préfecture. Ils ont proposé plu­
sieurs itinéraires convergents
avec la marche pour le climat, jus­
qu’ici tous refusés. « On veut cloi­
sonner les manifestations », assu­
me­t­on au ministère de l’inté­
rieur, où l’on rappelle que « la pre­
mière mission des forces de l’ordre

est de permettre aux manifestants
qui veulent défiler pacifiquement
de le faire en toute sécurité ».
La préfecture de police a égale­
ment rejeté toute demande pour
manifester dans les zones interdi­
tes par arrêté (les abords de l’Ely­
sée, de Matignon, du Sénat et
de l’Assemblée nationale, les
Champs­Elysées, la Tour Eiffel, No­
tre­Dame de Paris, ainsi que les
bois de Vincennes et de Boulogne).
Le 16 mars, alors que les « gilets
jaunes » les plus radicaux sacca­
geaient les Champs­Elysées avec
les black blocs, les plus pacifiques
avaient préféré rejoindre la mar­
che pour le climat organisée le
même jour. Ces dernières semai­
nes, les appels à la convergence en­
tre « gilets jaunes » et écologistes
se sont multipliés, mais parfois
aussi sur des mots d’ordre plus
radicaux. « Notre objectif est le
même : mettre hors d’état de nuire

ceux qui détruisent la planète et
nous empêchent d’y vivre digne­
ment », peut­on par exemple lire
sur la page Facebook « Désobéis­
sance écolo­Paris ».
A ce gymkhana de cortèges
contestataires, les autorités doi­
vent ajouter la gestion de la Jour­
née du patrimoine, avec l’ouver­
ture de nombreux bâtiments né­
cessitant une mobilisation subs­
tantielle des forces de l’ordre. Le
palais de l’Elysée ou le Palais Bour­
bon, deux cibles habituelles des
« gilets jaunes », ne seront ainsi
ouverts qu’à un public préinscrit.
La préfecture de police, où se situe
la salle de commandement qui pi­
lote l’ensemble du dispositif de
maintien de l’ordre, sera, elle, fer­
mée. Comme les Musées des Petit
et Grand Palais, ou l’Arc de triom­
phe, lequel avait été sérieusement
dégradé le 1er décembre.

Tactique offensive
Pour gérer ces événements, les
autorités s’apprêtent à utiliser les
grands moyens. Selon plusieurs
sources, des effectifs similaires à
ceux du 8 décembre, après le sac­
cage de l’Arc de triomphe, vont
être déployés dans la capitale, sa­
medi. En cas de débordements, le
préfet de police compte s’appuyer
sur la tactique offensive déjà ob­
servée lors du 1er­Mai 2019 : une
mobilité accrue des troupes, une
prime à l’initiative sur le terrain et

des groupes de policiers en civil
qui opèrent avec l’appui des uni­
tés de CRS, spécialisées dans le
maintien de l’ordre, pour réaliser
des interpellations.
Une stratégie arrêtée au terme de
nombreuses réunions, ces der­
niers jours. Cela fait quelque
temps que des signaux d’alerte ré­
sonnent dans les couloirs des di­
rections générales de la police et
de la gendarmerie nationale au su­
jet du samedi 21 septembre. Les
« gilets jaunes » ont coché ce jour
de longue date, avec des mots d’or­
dre qui rappellent ceux du
16 mars : textes appelant à l’insur­
rection, à une « nuit des barrica­
des », montages vidéo scandant
que « quand tout est interdit, on dit
que tout devient permis ». Les stra­
tégies des manifestants pro­dé­
mocratie à Hongkong font désor­
mais figure d’exemple.
Les forces de l’ordre ont par
ailleurs été surprises par le niveau
de violence observé à Nantes le
week­end dernier, et à Montpellier
le précédent, avec plusieurs bles­
sés dans leurs rangs et dans ceux
des manifestants. Si les services
n’ont pas repéré de signes d’une
intense mobilisation de la part des
membres de black blocs, ceux
qu’ils appellent désormais les
« ultra­jaunes » promettent, selon
eux, d’être au rendez­vous.
nicolas chapuis
et aline leclerc

Des effectifs
similaires à ceux
du 8 décembre,
après le saccage
de l’Arc de
triomphe,
devraient être
déployés

J U S T I C E
Faux « Le Drian » : sept
personnes renvoyées
en correctionnelle
Sept personnes, accusées
d’avoir usurpé l’identité du
ministre des affaires étrangè­
res, Jean­Yves Le Drian, pour
escroquer de riches personna­
lités, ont été renvoyées devant
le tribunal correctionnel, ont
indiqué, jeudi 19 septembre,
des sources concordantes. El­
les sont accusées d’avoir sou­
tiré plusieurs dizaines de mil­

lions d’euros à leurs victimes,
entre 2015 et 2016. – (AFP.)

M U N I C I PA L E S
Des candidats tirés au
sort avec Cédric Villani
Candidat dissident à la Mairie
de Paris et député LRM, Cé­
dric Villani a annoncé, jeudi,
qu’il comptait tirer au sort
« 30 à 50 » des 527 personnes
qui figureront sur ses listes
en mars 2020. Les Parisiens
intéressés pourront postuler
en octobre et novembre.

QUESTIONS POLITIQUES


DIMANCHE 22 SEPTEMBREÀ12H


GABRIELATTAL


SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DEL’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE


ALI BADDOU,CARINE BÉCARD,FRANÇOISE FRESSOZETNATHALIE SAINT-CRICQ
EN DIRECTSUR FRANCE INTER ET SUR FRANCEINFO(TV CANAL 27)

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©photo

:Christophe Abramowitz

TV canal 27
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