Cahier du « Monde » No 23230 daté Mercredi 18 septembre 2019 Ne peut être vendu séparément
Troubles alimentaires :
des liens
avec l’addiction
Des travaux récents explorent la
dimension addictive de l’anorexie
et de la boulimie. Une approche
qui complète la conception
psychiatrique de ces troubles,
considérés comme des phobies
PA G E 2
Les grandes plates-formes
numériques capitalisent sur
les données personnelles. Pour
les analyser, ces géants ont aspiré
une partie des cerveaux de la
recherche académique. Celle-ci
accède au compte-gouttes à cette
manne, au risque d’y perdre son
indépendance. Ce savoir privatisé,
portant sur la marche de nos
sociétés, peut-il retrouver un usage
pour le bien commun? Enquête
laure belot
N
ombre de minutes pour s’en
dormir : sept. Nombre de réveils
dans la nuit : six. Minutes cu
mulées sans sommeil : trente
sept... Comme chaque matin,
Aurélie prend connaissance, sur son
téléphone portable, des « données » de sa
dernière nuit captées par le bandeau Dreem.
Positionné sur le front, cet outil peut tout à la
fois émettre des sons apaisants et mesurer
fréquence cardiaque, mouvements du corps,
activité électrique cérébrale, etc.
Souffrant depuis des années d’un sommeil
haché, cette informaticienne de 40 ans vient
de se porter volontaire pour partager avec des
équipes scientifiques ses quelque 500 nuits
suivies par cet outil. La startup conceptrice
du bandeau a lancé un appel mondial à pro
jets, et plusieurs laboratoires universitaires
(dont ceux d’Harvard et de Sydney) sont sur
les rangs. L’opération sera discutée lors du
World Sleep Congress qui se déroule du 20 au
25 septembre à Vancouver (Canada). « Nous
espérons que l’échantillon de 50 personnes
suivies à domicile sur des mois peut apporter
des éléments nouveaux pour des projets de
recherche fondamentale », explique Artemis
Llamosi, de la société Dreem.
Cet appel mondial d’une startup à partager,
pour les sciences et le bien commun, des don
nées privées d’utilisateurs est dans la lignée
de deux autres initiatives.
Au RoyaumeUni, les groupes de téléphonie
Orange et Telefonica participent avec l’Impe
rial College London au projet Opal (pour open
algorithms). « Nous avançons progressivement
pour vérifier la robustesse de la plateforme
afin de garantir la sécurité des données. Cinq
projets de recherche ont pour l’instant été choi
sis », explique YvesAlexandre de Montjoye,
un de ses initiateurs. Ce scientifique a été le
conseiller spécial de la commissaire euro
péenne Margrethe Vestager pour l’accès aux
données dans le secteur numérique.
Aux EtatsUnis, Facebook – éclaboussé par
le scandale Cambridge Analytica, où plus de
50 millions de profils d’utilisateurs ont été
récupérés illégalement et utilisés à des fins
politiques – est partie prenante du projet
« Social Science One ». L’objectif est de per
mettre à plusieurs équipes académiques
d’étudier « les effets des médias sociaux sur la
démocratie et les élections ». Le projet codi
rigé par Gary King, de Harvard, et Nathaniel
Persily, de Stanford, affiche de grandes ambi
tions, se voulant « un nouveau type de parte
nariat entre chercheurs universitaires et in
dustrie privée pour faire avancer (...) la com
préhension et la résolution des plus grands
défis de la société », annonce le site. Cepen
dant l’initiative patine. Des scientifiques
sélectionnés ont lancé, mardi 27 août, un ulti
matum à Facebook lui enjoignant de leur
fournir l’ensemble des données promises
avant la fin du mois de septembre, faute de
quoi ils arrêteraient le projet.
→L I R E L A S U I T E PA G E S 4 - 5
Données
numériques,
un bien commun
confisqué ?
Une utilisatrice d’Instagram devant un écran affichant toutes les données récupérées de son compte
personnel, à l’exposition « Museum of Me », à Rio de Janeiro, le 6 septembre. MAURO PIMENTEL/AFP
Quand des rats
et des hommes jouent
à cachecache
Une équipe allemande a montré
que, par pur plaisir, les rongeurs
peuvent jouer
alternativement
les rôles du chasseur et du traqué,
et parfaire leurs stratégies
PA G E 3
Entretien
Prévenir la maladie
d’Alzheimer
Avant la journée consacrée
à cette maladie neuro
dégénérative, le médecin
Philippe Amouyel revient
sur les stratégies de prévention,
« efficaces à tout âge »
PA G E 8