0123
MERCREDI 18 SEPTEMBRE 2019 international| 5
Macron en Italie pour relancer
la relation entre les deux pays
Salvini évincé, Paris et Rome se rapprochent sur la question migratoire
rome correspondant
E
mmanuel Macron est de
retour à Rome, pour une
visite éclair de quelques
heures, dans la soirée du
18 septembre. Moins de deux se
maines après la naissance du
deuxième gouvernement de Giu
seppe Conte, formé de la coalition
du Mouvement 5 étoiles (M5S, an
tisystème) et du Parti démocrate
(centre gauche), et surtout l’évic
tion de Matteo Salvini (Ligue, ex
trême droite), ce geste illustre
autant le soulagement français
que la volonté, de part et d’autre,
de faire redémarrer la relations
entre les deux pays, en tournant
définitivement la page au sortir
d’une brouille historique.
La dernière fois que le président
français s’était présenté dans la
capitale italienne, c’était en jan
vier 2018, à quelques mois d’élec
tions législatives qui allaient être
marquées par la défaite histori
que de la formation la plus proeu
ropéenne du paysage politique
italien, le Parti démocrate (centre
gauche). Par la suite, l’arrivée au
pouvoir, au printemps 2018, du
gouvernement le plus euroscepti
que de l’aprèsguerre a durement
mis à l’épreuve la relation franco
italienne. Mais avant même le dé
but de cette expérience atypique,
les sujets de friction ne man
quaient pas.
Ainsi, à l’été 2017, en l’espace de
quelques semaines, Paris et Rome
s’étaient violemment opposés
sur les trois traditionnels sujets
de friction de part et d’autre des
Alpes : la gestion des flux migra
toires, la situation en Libye et la
politique industrielle, avec la me
nace française de bloquer le ra
chat par l’armateur italien Fin
cantieri des Chantiers de l’Atlanti
que, à SaintNazaire. Il avait fallu
un intense travail diplomatique
pour recoller les morceaux, avant
un sommet bilatéral à Lyon,
en septembre 2017, considéré de
part et d’autre comme celui de la
grande réconciliation. Cette dé
tente n’a été que passagère : fin
mars 2018, après un incident
frontalier, a eu lieu une première
convocation de l’ambassadeur de
France à Rome, Christian Masset,
au siège du ministère italien des
affaires étrangères. La Ligue et le
Mouvement 5 étoiles n’étaient
pas encore aux affaires.
Pour autant, l’arrivée aux affai
res de la coalition de la Ligue et
des 5 étoiles, en juin 2018, aura
marqué une escalade verbale iné
dite entre Paris et Rome. Tandis
qu’Emmanuel Macron dénonçait
en Matteo Salvini le symbole de
« la lèpre qui monte en Europe », la
Ligue et le M5S multipliaient les
attaques contre Paris, sur tous les
sujets. En février 2019, l’ambassa
deur de France a même été rap
pelé à Paris pour consultation. Un
geste sans précédent depuis la fin
de la seconde guerre mondiale,
qui faisait suite à la visite surprise
du numéro deux du gouverne
ment italien, Luigi Di Maio, à des
représentants du mouvement
des « gilets jaunes », dans les envi
rons de Paris.
« Le travail s’est poursuivi »
Passé cet épisode de tension ex
trême, les deux pays ont cherché
à trouver le chemin d’une sorte
de désescalade, sans jamais reve
nir à la normale. « Il ne faudrait
pas perdre de vue le fait que,
même durant les moments les
plus difficiles, les relations entre
les deux pays au niveau intermi
nistériel n’ont jamais cessé. Si l’on
prend l’exemple des coopérations
judiciaires, le travail s’est toujours
poursuivi, sans accroc », tempère
un diplomate français.
Durant cette période, un
homme, à Rome, aura porté à bout
de bras la relation entre les deux
pays : c’est le président de la Répu
blique, Sergio Mattarella, qui, mal
gré ses pouvoirs limités, n’a pas
manqué une occasion de manifes
ter son désaccord avec la ligne po
litique du premier gouvernement
Conte, dans la limite de ses préro
gatives institutionnelles.
En février, c’est lui qui a permis
la désescalade, en prenant langue
avec l’Elysée, après la crise liée à la
rencontre avec des « gilets jau
nes ». Début mai, sa visite, dans le
cadre de la commémoration des
500 ans de la mort de Léonard de
Vinci, a été un autre moment
d’apaisement, très apprécié à Pa
ris. Pour toutes ces raisons, l’étape
au Quirinal, par laquelle doit
commencer la visite d’Emmanuel
Macron, n’est pas uniquement
liée au protocole.
Le président français se rendra
ensuite au palais Chigi, pour abor
der avec le président du conseil,
Giuseppe Conte, les dossiers poli
tiques du moment. Avec lui, les
derniers mois ont été difficiles,
mais la diplomatie française sem
ble disposée à donner sa chance à
« Conte II », en passant par pertes
et profits les tensions accumulées
avec « Conte I ».
Avec le départ de Matteo Salvini,
les positions de Paris et de Rome
sur la question migratoire se sont
considérablement rapprochées. A
la veille d’une réunion décisive des
ministres de l’intérieur, qui doit se
tenir à Malte, le 23 septembre, les
deux pays semblent d’accord sur
un système de répartition auto
matique des demandeurs d’asile
débarqués dans les ports italiens,
dans l’attente de l’épineuse ré
forme des accords de Dublin, qui
sera un des dossiers prioritaires de
la Commission européenne. De
même, en matière budgétaire, les
intérêts de Paris et de Rome sont
trop proches pour que les deux
gouvernements ne tentent pas
d’unir leurs efforts. Paris et Rome
ne seront pas trop de deux pour
obtenir un peu de souplesse de la
part de l’Allemagne et, plus large
ment, de l’Europe du Nord.
jérôme gautheret
L’extrême droite autrichienne espère se
maintenir au pouvoir malgré les scandales
Le FPÖ veut tourner la page Strache, sans critiquer l’exdirigeant, populaire au sein du parti
graz (autriche) envoyé spécial
I
l n’a pas fait le déplacement,
mais il était dans toutes les tê
tes et dans tous les discours.
L’ancien chef du Parti de la liberté
d’Autriche (FPÖ, extrême droite)
HeinzChristian Strache fut le fan
tôme du congrès du parti orga
nisé, samedi 14 septembre, à Graz,
pour tourner la page du « scandale
Ibiza », du nom de l’île où l’exvice
chancelier s’est laissé filmer à l’été
2017 en train d’accepter de l’argent
de ce qu’il pensait être une oligar
que russe proche de Vladimir Pou
tine. Publiée en mai dernier, la vi
déo a conduit à la chute du gouver
nement de coalition que le FPÖ
formait avec les conservateurs du
chancelier Sebastian Kurz, à la dé
mission de M. Strache et à la con
vocation d’élections anticipées
prévues dimanche 29 septembre.
Pour ce scrutin, M. Strache a été
remplacé au pied levé par un autre
cadre du parti, Norbert Hofer, un
ingénieur aéronautique au dis
cours un peu plus policé, qui avait
été à quelques milliers de voix de
remporter l’élection présidentielle
de 2016 face à un écologiste,
Alexander Van der Bellen. Seul
candidat à la tête du parti, M. Hofer
a été élu avec un objectif qui fait of
fice de programme de campagne :
rester au pouvoir en coalition avec
les conservateurs. « Nous avons
traversé une phase difficile, mais
nous sommes de retour », a clamé
le nouveau chef de l’extrême
droite autrichienne, avant de se
lancer dans un savant exercice
d’équilibrisme consistant à tour
ner la page Strache, sans critiquer
un exdirigeant qui reste très po
pulaire au sein du parti.
« Electorat très stable »
« Tu as réussi beaucoup et je sais
combien ces heures ont été difficiles
pour toi », s’estil adressé à celui
qui s’était abstenu de venir à Graz,
tout comme sa femme, candidate
à une place éligible sur les listes du
parti. Sans jamais condamner les
propos tenus dans une vidéo qu’il
a qualifiée de « piège fomenté par
des criminels, des escrocs », M. Ho
fer a estimé que le parti peut s’in
carner dans « beaucoup de visa
ges », manière d’avertir M. Strache
qu’un retour à la tête du parti sem
ble exclu.
Cette posture permet au FPÖ
d’espérer ne pas trop souffrir dans
les urnes. Bien qu’une autre affaire
- la nomination contestée d’un
proche de M. Strache dans une so
ciété de casinos – a agité l’été, les
sondages lui donnent autour de
20 % des voix. C’est moins qu’aux
législatives de 2017, où M. Strache
avait obtenu 26 %, mais c’est loin
d’être un effondrement.
« L’électorat du FPÖ est très sta
ble », rappelle Patrick Moreau, spé
cialiste de l’extrême droite autri
chienne au CNRS, d’autant que ces
scandales « n’ont pas bouleversé les
Autrichiens », car « tous les partis
ont des financements occultes et
qu’il y a plutôt une sensibilité pro
russe généralisée ».
Environ 63 % des Autrichiens
considèrent que le scandale n’aura
pas d’impact dans les urnes, selon
un sondage publié dimanche
15 septembre. Et la ligne antiim
migration, très dure, qu’a prati
quée le gouvernement sortant, a
été globalement appréciée. Dans
ce contexte, rien n’exclut donc que
les conservateurs, crédités d’envi
ron 25 % des voix, acceptent de
s’allier à nouveau avec l’extrême
droite. Leur chef de file, Sebastian
Kurz, a posé deux conditions pour
reformer une coalition : le vote
d’une loi interdisant les mouve
ments identitaires et le maintien à
l’écart du gouvernement du nu
méro deux du FPÖ et exministre
de l’intérieur Herbert Kickl.
Incarnant la ligne autoritaire
d’un parti fondé par d’anciens na
zis, M. Kickl est accusé par ses op
posants d’avoir profondément re
manié les forces de police et de
renseignement pour fragiliser no
tamment la surveillance des mi
lieux identitaires. Devant les ca
dres du FPÖ, samedi, l’intéressé a
fait allégeance à M. Hofer, tout en
multipliant les provocations anti
immigration et antiislam, sous
des hourras nettement plus nour
ris que ceux réservés au tout nou
veau chef du parti. « Kickl parle à la
base du FPÖ avec un discours anti
élite et en faveur d’une Autriche eth
niquement homogène, Hofer est
plus souriant et défend une ligne de
droite conservatrice pour laquelle
tout le monde peut voter. Et ça mar
che plutôt bien », souligne Rein
hard Heinisch, chercheur à l’uni
versité de Salzbourg. Pour l’ins
tant, M. Hofer refuse de se plier
aux exigences des conservateurs
et exclut d’éloigner ce nu
méro deux et sa sulfureuse ligne
politique.
jeanbaptiste chastand
Cet article est le premier de Jean
Baptiste Chastand en tant que
correspondant en Autriche.
La France veut
donner sa chance
à « Conte II », en
passant par
pertes et profits
les tensions
accumulées avec
« Conte I »
La Chine ravit à Taïwan
les îles Salomon
L
es îles Salomon sont devenues, lundi 16 septembre, le
sixième allié diplomatique de Taïwan à rompre avec Tai
pei depuis l’arrivée au pouvoir de la présidente Tsai Ing
wen, en 2016. Intervenant un peu plus d’un an après le bascule
ment du Burkina Faso, en juin 2018, dans l’escarcelle de la Répu
blique populaire de Chine, cette nouvelle désertion ne laisse
plus que seize alliés à la République de Chine, le nom officiel de
Taiwan, dont cinq microEtats du Pacifique. Situées à l’est de la
PapouasieNouvelleGuinée et peuplées de 650 000 habitants,
les îles Salomon étaient le plus important de ces Etats du Pacifi
que alliés à Taipei.
Outre le Burkina Faso, le Panama, la République dominicaine,
le Salvador, et Sao ToméetPrincipe ont tous décidé de reconnaî
tre Pékin au lieu de Taipei lors des trois années écoulées. Le rallie
ment des îles Salomon, après trentesix ans de relations, devrait
être présenté comme une victoire diplomatique par la Républi
que populaire de Chine, qui s’apprête à fêter les 70 ans de l’éta
blissement de son régime, le 1er octobre prochain.
Réponse chinoise à la victoire, à Taipei, en janvier 2016, du Parti
progressiste démocratique aux législatives et de sa représen
tante aux présidentielles, la pêche aux alliés à laquelle se livre la
Chine reste relativement mesurée : Pékin veut appliquer suffi
samment de pression pour pénaliser Mme Tsai et son parti à l’ap
proche des élections de janvier 2020, sans toutefois mettre Tai
pei au pied du mur, de crainte que son gouvernement ne se lance
dans une campagne de reconnaissance aux Nations unies sous
un autre nom que celui de la République de Chine, ce qui serait
synonyme pour Pékin d’une déclaration d’indépendance.
« Diplomatie du dollar »
L’ONU a éjecté la République de Chine au profit de la République
populaire de Chine en 1971. Pékin s’était abstenu de ravir des al
liés à Taiwan sous la présidence de Ma Yingjeou (20082016), le
prédécesseur de Tsai Ingwen, car son parti, le Kouomintang, dé
fend l’appartenance de principe de Taïwan à la Chine. Le ministre
des affaires étrangères taïwanais, Joseph Wu, a accusé, lundi, la
Chine « d’attaquer le gouvernement de Taïwan avant les élections
présidentielle et législatives, afin de les
influencer », et de pratiquer une « diplo
matie du dollar ». La défection des îles
Salomon fait suite à la remise, vendredi
13 septembre, au gouvernement d’un
rapport d’enquête diligenté par le pre
mier ministre de l’archipel, Manasseh
Sogavare, élu en avril, sur les bénéfices
d’un changement d’alliance au profit
de la Chine. Les ministres qui en furent
chargés ont effectué une tournée des
pays du Pacifique alliés à Pékin avant de
se rendre en août en Chine. Le rapport
argue que les îles Salomon « sont appe
lées à tirer de grands avantages si elles
changent leur alliance et normalisent leurs relations diplomati
ques avec la République populaire de Chine ».
Elu en avril, M. Sogovare a reconnu avoir été pressé de tous
bords de rejoindre Pékin, en vue de bénéficier d’une plus grande
aide pour des infrastructures comme l’ont fait le Vanuatu, un al
lié de longue date de Pékin, ou la PapouasieNouvelleGuinée. La
Chine, selon Reuters, aurait promis, entre autres, d’égaler la do
tation annuelle de Taïwan pour le développement, budgétisée à
8,5 millions de dollars (7,7 millions d’euros) pour 20192020.
Pékin est ouvertement à la manœuvre dans le Pacifique, où il
s’agit pour la Chine non seulement de damer le pion à Taïwan,
mais de renforcer sa présence face aux EtatsUnis et à leurs alliés.
« Ce n’est pas juste les EtatsUnis qui sont visés, mais l’Australie et la
NouvelleZélande, dont les îles du Pacifique sont le pré carré », es
time la professeure June Teufel Dreyer, de l’université de Miami.
« Canberra, Wellington et Taipei doivent se demander quel sera le
prochain domino qui tombera. »
brice pedroletti
DANS LE PACIFIQUE,
IL S’AGIT, POUR PÉKIN,
DE DAMER LE PION
À TAÏWAN ET
DE RENFORCER
SA PRÉSENCE FACE
AUX ÉTATSUNIS
G O L F E A R A B O - P E R S I Q U E
Une frégate saoudienne
entretenue par la France,
identifiée au large du
Yémen
Des navires vendus par la
France à l’Arabie saoudite et
aux Emirats arabes unis par
ticipent au blocus maritime
du Yémen, révèlent, mardi
17 septembre, le site Media
part, ainsi que la cellule inves
tigation de Radio France, en
partenariat avec Lighthouse
Reports et Disclose. La main
tenance d’un de ces navires
est, de surcroît, assurée par
Naval Group, une entreprise
dont l’Etat français est action
naire majoritaire. Le Yémen
est en proie à un conflit san
glant. L’état de famine est ag
gravé en partie par le blocus
naval imposé par la coalition
internationale menée par
l’Arabie saoudite.
A U S T R A L I E
Pédophilie : le cardinal
Pell dépose un dernier
recours
Le cardinal George Pell, qui fut
l’un des prélats les plus puis
sants du Vatican, a formé,
mardi 17 septembre, devant la
plus haute juridiction austra
lienne, un ultime recours con
tre sa condamnation pour pé
dophilie, a annoncé la Haute
Cour d’Australie. L’exsecré
taire à l’économie du Saint
Siège, 78 ans, avait été débouté
le mois dernier, par la Cour
suprême de l’Etat de Victoria
(sud), de l’appel contre sa con
damnation, en mars, à six ans
de prison pour l’agression de
deux adolescents, en 1996 et
en 1997, à Melbourne. – (AFP.)
É Q U AT E U R
Quito enquête sur la
publication de millions
de données personnelles
sur Internet
Le gouvernement équatorien
enquête sur la publication des
données de millions de per
sonnes sur Internet, qui
auraient été soustraites à des
sociétés publiques par une en
treprise privée, du temps de
l’exprésident Rafael Correa
(20072017). L’entreprise de sé
curité informatique VPNMen
tor a indiqué avoir trouvé les
données personnelles de plus
de 20 millions de personnes –
l’Equateur compte 17,3 mil
lions d’habitants – sur un ser
veur non sécurisé, localisé à
Miami (EtatsUnis), qui appar
tiendrait à la compagnie équa
torienne Novaestrat. – (AFP.)
« Tu as réussi
beaucoup et
je sais combien
ces heures ont
été difficiles »,
a lancé Norbert
Hofer à son
prédécesseur
L’ex-premier ministre Matteo Renzi
crée un groupe centriste
Lundi 16 septembre au soir, l’ancien premier ministre Matteo
Renzi a informé l’actuel président du Conseil, Giuseppe Conte, et
les présidents des deux Chambres de sa décision de créer au
Parlement un groupe centriste indépendant du Parti démocrate,
qui soutiendra l’action du gouvernement. Dans un entretien ac-
cordé mardi à La Repubblica, l’ancien secrétaire du PD affirme
que « ce qui me pousse à partir, c’est l’absence d’une vision d’ave-
nir ». Selon les proches de l’ancien président du Conseil, 30 parle-
mentaires (20 députés et 10 sénateurs) auraient décidé de le sui-
vre dans son aventure centriste.