Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

MLemagazine du Monde —7septembre 2019


quatrechambreséquipéesdematérield’enregistrement,let itre
MoneyCall,chanté par Madd,LaylowetShobee, metenévidence
le potentielduprojet. Réalisépar IlyesGriyeb, le clipdumorceau
va rapidement cumulerdes millionsdevues, déclenchantl’intérêt
desmaisons de disques.
Finalementsigné chez Universal, surlel abelBarclay/DefJam,
le projetSafar offre un castingrichedeneufnationalités (l’Amé-
ricainAmirObé,l’Italien Drefgold,l’Espagnol KaydyCain...). Six
figuresdu rapFrançaisfontpartiedel’aventure, dontLomepal,
Dosseh,HornetlaFrappe, Koba LaD...«Nous lesavons choisis
pour leurcompatibilitéartistique,leur sensibilitéauprojet et, bien
sûr,leur notoriété.Ils doivent jouer ici lerôle d’ambassadeurs »,
reconnaîtSqalli,touteninsistant surlefaitqu’en retour
Shayfeen, Issam,MaddouTagnepermettront d’ouvrir le monde
arab eaux Français.
Pendantdeuxans,Safar avanceraaurythmed’échangesde
fichiersnumériquesetderencontres concrètesàParis,sur scène
(à La Bellevilloise,auTrabendo) et en studio.«AvecLomepal,cela
aétéautant une accolade fraternelle qu’unecollaboration artis-
tique »,s’enthousiasme Shobee qui, po ur coécrireCiel,l’undes
nombreuxgrandsmoments de l’ album, ditavoir passédelongues
heures àparleravecleParisien(quidevraitl’inviter,le
17 novembre, surlascène de l’AccorHotelsArena). Tout n’ est
pourtantpas allé de soi. La faute surtoutaux obstaclesseméspar
la politique migratoire européenne.«Nousavons étévictimes de
troisrefus de visa,rappelle Sqalli.Cela prenait parfois des aspects
kafkaïens quitenaient du sabotage ».Sansêtreouvertementpoli-
tique,ce«voyage»,mêlan tsonsultracontemporainset échos
orientaux, dresse plusieurs parallèles (Babor,Caviar)entreles
espoirsdeces rappeurs et ceux desharragascherchantàtraver-
serlaMéditerranéeaupéril de leur vie.
Safar,ducollectif NAAR (NAAR/Def Jam/Barclay/Universal),
sortie le 13 septembre.

Makingof.Rivesetrimes.


ParStéphaneDavet


“SAfAR”, le “voyAge” eN ARABe,pour baptiser un album aux
allures de pont dressé entrerappeurs marocains et occidentaux, à
l’initiativeducollectif NAAR. Naar,le«feu» en arabe,mais aussi
l’acronyme de«Narrateand Reclaim»(«raconter etréclamer»),
une devise née d’unconsta texaspérédelapart du directeur artis-
tique et manageur MohamedSqalli et du photographe etréalisa-
teur Ilyes Griyeb(collaborateur régulier deMLemagazine du
Monde).«Jevoyais que l’esthétique arabe était envogue dans la
mode,lecinéma, la photo...»,se souvient le premier.«J’aid’abord
pensé quecela allait créer des opportunités pour les créateurs
arabes, jusqu’àceque je merendecompteque les Occidentaux
préféraient travailler seuls. »
Le clipdeTerritory,tournéenAlgérie par le duoélectro français
TheBlaze,etleplagi at subi au même moment par Griyeb,dont
lesphotosavaient étédétournéespar le rappeuranglaisSkepta,
poussentles deux Pari siensd’origi ne marocaineàpublierune tri-
bune,enj uin 2017,sur lesite Medium–«Et si on laissaitenfinles
artistesarabesracont er eux-mêmesleur(s) histoire(s) ?» –età
créerNAARdanslafoulée. Paspoursebattr econtre«l’appro-
priation culturelle,préciseMohamed Sqalli,mais pour plus deréci-
procité».Familiersdumilieu de la musique,les deux garçonsen
font la tramedeleurpremierprojet.
D’autant que bouillonneauMarocunescène rapqui ne rêveque
d’export.«Quelques pionniers–Don Bigg, H-Kayne...–avaient été
très populaires sans vraiment sefaireconnaîtreàl’étranger,rap-
pelle ledirecteurartistique,mais, depuis les années 2010,une
générationconnectée en permanenceàInternet peut rivaliseravec
les meilleurstopliners[créateurs de mélodie]et beatmakers inter-
nationaux. »En septembre2017,NAARorganiseune résidencede
huit jours dans unevilladeCasablanca, entrequelquesrappeurs
français–Laylow, Dosseh...–etdes figuresde l’électrisante scène
trap de la ville,liées en particulierauduo vedetteShayfeen
(ShobeeetSmallX). Dèsledébut de cettesession,produitedans


Lesrappeurs Issam (à gauche), au Maroc,
et Laylow(àdroite),enFrance, tous deux membres
du collectif NAAR, auteur de l’albumSafar.

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Ilyes Griyeb
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