018 R&F SEPTEMBRE 2019
L’ATTENTE A PARU
INTERMINABLE. 4 ans que Fidlar,
le groupe qui a réinsufflé un peu
d’excitation dans le garage punk,
n’avait rien sorti. Il y a bien eu,
pour patienter, des reprises
sympathiques de morceaux des
Beastie Boys (“Sabotage”) et de
Nirvana (“Frances Farmer Will Have
Her Revenge On Seattle”) et même
une nouvelle chanson balancée sur
YouTube au milieu de la masse. La
frustration est enfin soulagée grâce à
“Almost Free”, impeccable troisième
album dans lequel les Californiens
ont su, comme à leur habitude, se
réinventer. En attendant de les voir
exploser le Trabendo le 28 août,
on a pu discuter avec Zac Carper,
chanteur et guitariste de la bande.
Défoncé sur un canapé
ROCK&FOLK : Il y a eu 1460 jours entre
vos deux albums, on n’y croyait plus.
Zac Carper :Et encore, ça aurait pu être plus
long. En fait, les labels, les managers, tous les
gens qui travaillent dans la musique veulent
juste que tu sois en tournée parce que ça leur
rapporte plus d’argent et leur permet de t’avoir
plus longtemps sous contrat... Pendant ces 4 ans,
on a bossé tout le temps. Etre dans un groupe,
c’est ne faire que ça. Même quand tu ne bosses
pas, tu bosses. Il n’y a pas vraiment de pauses.
Et parfois, c’est dur à vivre.
R&F : Ça pourrait expliquer le titre de
l’album, “Almost Free”. On a l’impression
que vivre de la musique est une forme de
liberté. Ce n’est donc pas si simple?
Zac Carper :En fait, à la base c’était une blague
sur la quasi-gratuité de la musique avec Spotify,
le streaming, toutes ces choses. J’aimerais bien
baissant l’ampli guitare on se marrait aussi bien.
Quand on joue plus calmement, on groove davantage.
R&F : Tout semble avoir été joué ensemble
en studio, à l’ancienne!
Zac Carper :C’est bizarre parce que c’est
l’opposé. On a fait beaucoup de trucs sur ordinateur
parce qu’on tournait en permanence. On passait
nos vies dans des chambres d’hôtel à enregistrer.
Après, il y a eu un gros boulot de Ricky Reed,
notre producteur, qui a dû tout assembler. Un mec
génial, d’ailleurs. C’est le seul producteur qu’on
ait rencontré qui voulait travailler avec nous juste
parce qu’il nous kiffait! Tous les autres arrivaient
avec des idées toutes faites sur la direction
qu’on devait prendre. Lui, il a dit : “Je veux
faire un album de Fidlar, je vous adore !” et
nous on était là : “Mais pourquoi ?”
L’avenir du rock
R&F : Ricky Reed a surtout produit du rap
ou de la pop mainstream. Qu’est-ce que ça
implique pour vous qu’un groupe de rock
travaille avec ce genre de producteur?
Zac Carper :Je ne vais pas te mentir, l’avenir
du rock me paraît assez sombre! Mais je pense
que le fait que le hip-hop prenne de l’ampleur
est une bonne chose. Le rock a besoin d’évoluer,
putain. Il a besoin d’apprendre. Pour “Almost
Free”, on a beaucoup été inspiré par “Paul’s
Boutique” des Beastie Boys. Le rock a été telle-
ment énorme pendant si longtemps qu’il s’est
figé. Les rappeurs collaborent alors que les
groupes de rock détestent faire ça. Je n’ai jamais
compris pourquoi. Les choses évoluent et se
passent ailleurs. Par exemple, je trouve qu’il
n’y a pas plus punk rock qu’un gamin qui fait un
album sur son ordi. Tu sautes l’étape du studio,
l’étape du label, tu fais direct ce que tu as envie
de faire. Il n’y a pas plus punk rock que ça! ★
RECUEILLI PAR SACHA ROSENBERG
Album“Almost Free” (Mom + Pop)
Tête d’affiche
Que deviennent ces Californiens adeptes des bonheurs simples du punk?
Zac Carper revient sur un troisième album plus sophistiqué et sorti au cœur de l’hiver.
FIDLAR
Photo David Black-DR
L’album du loyer
Un dicton affirme que le troisième
album est celui de la maturité. C’est aussi
souvent celui de la postérité comme
“London Calling” des Clash, “Dookie”
de Green Day ou encore “Master
Of Puppets” de Metallica. Pour Fidlar,
le premier était celui de la fête, le deuxième
de la gueule de bois. Le troisième ?
Zac Carper : “Je ne sais pas encore.
Celui qui va peut-être enfin payer le loyer !”
“Ça me rendait dingue”
te dire qu’il y a un raisonnement plus profond
derrière ça... Mais après, s’il est vrai qu’aux USA
on n’est pas vraiment libre, on est presque libre.
R&F : En parlant de ça, dans “Thought
Mouth”, vous lâchez un “fuck America”
tonitruant. C’est la première fois que Fidlar
s’aventure sur ce terrain. Vous faites de la
politique maintenant?
Zac Carper :J’ai toujours pensé qu’on était
un groupe engagé politiquement sauf qu’au lieu
de parler des démocrates ou des républicains,
on parle des différentes classes sociales. On a
toujours appartenu à cette partie de la population
fauchée et mise de côté. C’est dur de se faire
entendre aux Etats-Unis. Les gens nous ont toujours
vus comme un groupe qui passe ses journées
défoncé sur un canapé et avec lequel tu fais la fête
mais, pour moi, quelque part on a toujours dit “fuck
you America”,sauf que nous on criait : “I drink
cheap beer, so what, fuck you !”
R&F : Le message passe toujours, mais
différemment. Notamment avec ce change-
ment radical de son. Beaucoup plus travail-
lé, beaucoup plus groovy. Fidlar essaierait-
il de se transformer en groupe sexy?
Zac Carper :Sexy, je ne sais pas. Mais je ne
pouvais plus continuer avec cette rythmique-là, pou
pou pam pou pou pam.Ça me rendait dingue...
Un jour, en jammant, on s’est rendu compte, après
des années à faire du punk très bruyant, qu’en