SEPTEMBRE 2019 R&F 021
LOUDER THAN DEATH, C’EST
UN GROUPE PUNK improbable
et furieusement addictif, qui
vient de livrer au monde un disque
impeccable. Au micro, King Khan,
Canadien exilé depuis plus de vingt
ans en Allemagne. Pour une histoire
d’amour qui a bien fini, avec mariage
et enfants à la clé. King Khan a croisé
Lou Reed, Alejandro Jodorowsky,
les Black Lips, il joue avec le Sun
Ra Arkestra, aime le doo-wop, se
travestir, se gratter les fesses et le
sexe avec son micro, il ressemble à
Sébastien Folin, le talent et la liberté
en plus. Et quand il n’enflamme pas
les clubs électriques tout autour du
globe, il compose des musiques de
films et de documentaires et s’occupe
de son propre label, Khannibalism.
Un stakhanoviste drôle, accueillant et
à la générosité presque déstabilisante
en ces temps de nombrilisme
mortifère. King Khan mérite
son trône underground!
La réalité, c’est le mythe
ROCK&FOLK : Comment doit-on vous
appeler? King? King Khan? Arish (son
prénom à l’état civil)? Comment?
King Khan :Je ne sais pas, en fait. Blacksnake
si ça vous convient (rires).
R&F : OK, mais on ne veut pas savoir d’où
vient ce drôle de sobriquet...
King Khan :Non, non, vous avez l’esprit mal
placé... A l’époque de mon premier groupe punk,
à Montréal, Spaceshits, quand je contactais les
clubs américains pour trouver des concerts, dès
que je disais qu’on était canadiens, on me
raccrochait au nez. Alors, très vite, avec une voix
la plus grave possible malgré mes 17 ans, je
disais : “Salut, c’est Blacksnake des Spaceshits...”
et là, on me prenait au sérieux. Et ça, je l’ai appris
grâce à Sun Ra. La réalité, c’est le mythe! C’est
à toi de créer ton propre mythe puis de l’imposer
comme l’unique réalité. Quand j’étais môme, les
artistes qui m’ont vraiment marqué, durablement,
pour toujours même, ce sont Little Richard, Bo
Diddley, GG Allin, des mecs comme ça, capables
de créer des personnages inoubliables. Indélébiles.
Et je trouve que ça manque cruellement dans le
rock’n’roll aujourd’hui! Quand tu te rends à un
concert, il faut que tu te demandes de quelle
planète vient le mec qui braille derrière son
micro. C’est primordial! Si je devais me présenter,
je dirais que je suis un punk sous ordonnance...
R&F : Votre album, en fait, n’est pas une
parodie, malgré les concerts dingues, vos
paroles... Ici, c’est véritablement l’amour
d’une musique instantanée, viscérale, pres-
que animale qui l’emporte?
King Khan :Sur ce disque, il y a des chansons
qui ont plus de 20 ans, comme “Born In 77”.
Elles étaient destinées à un projet qui n’a pas
abouti. Mais quand j’ai fait écouter ces titres aux
deux Magnetix, c’était reparti. Ils ont direct
compris le son et l’attitude que je voulais. En
fait, ce disque, c’est ma volonté de sonner
Cleveland, c’est-à-dire comme Rocket From The
Tombs, Dead Boys... Cleveland est une ville
moche, toxique, dure. Et je voulais que tout le
toxique en moi sorte avec ce disque. Bien sûr,
il y a beaucoup d’humour dedans. Parce que,
pour moi, l’humour et la musique sont les deux
armes les plus efficaces. L’un de mes héros est
Richard Pryor (humoriste américain décédé en
2005)! La puissance du mec! En quelques mots,
il pouvait mettre à terre n’importe quel trou du
cul arrogant, n’importe quelle autorité illégitime.
Pas une musique
pour ascenseurs
R&F : Votre disque réactive effectivement
cette fougue juvénile et indomptable.
King Khan :Mon ami Howie Pyro (musicien
punk culte de New York), après avoir écouté le
disque, m’a dit cette chose formidable : “Mec,
j’ai eu l’impression de redevenir le gamin que
j’étais quand j’ai découvert le punk !”C’est ce
que je veux que les mômes d’aujourd’hui ressen-
tent. Non, le punk n’est pas devenu une musique
pour ascenseurs! Il peut encore mettre le feu à
ton âme, t’élever, te révéler à toi-même! La
musique m’a sauvé la vie et nourrit ma famille.
Que demander de plus? Et ce disque, c’est du
pur rock’n’roll! Black Flag, Bad Brains, The
Germs, les compilations “Killed By Death”,
j’écris la suite, c’est tout... J’ai menti en fait. Si
je fais du punk rock, c’est avant tout pour maigrir.
Regardez moi ce bide!
R&F : Créer et jouer avec vos amis des
Magnetix, c’était une évidence?
King Khan :Je les connais depuis un concert
à Bordeaux en 1999. Cette nuit-là, j’ai dormi
chez eux et je leur ai demandé si je pouvais laver
mon string, celui que j’avais porté sur scène.
Ils ont accepté. C’est de cette façon que naissent
les amitiés les plus solides...★
RECUEILLI PAR JEROME REIJASSE
Album“Stop Und Fick Dich!” (In The Red)
LOUDER
THAN DEATH
L’extraterrestre canadien King Khana fondé ce groupe avec Fredovitchet les Magnetix,
experts français du garage punk. Le chanteur aux tenues de cuir et de plumes raconte l’histoire.
Tête d’affiche
Le roi
et ses héritières
King Khan est l’heureux père de deux
jeunes filles. Saba Lou, 19 ans, s’apprête à
sortir un deuxième album sur le label
familial après “Planet Enigma” en 2017 et
joue les vedettes américaines sur la tournée
du paternel. Elle ouvre, d’abord seule,
simplement armée d’une guitare et d’une
voix de sirène. Avant que deux amis ne
la rejoignent pour un morceau des
“Demoiselles De Rochefort” en mode bossa
nova. Sa petite sœur, Bella, 16 ans, a fondé
le groupe Bella And The Bizarre, très
influencé par les... Germs. Tel père...
“Laver mon string”
Photo Franck Alix-DR