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D’ENTRÉEECOLE
D’ÉTÉSURRENDEZ-VOUSLeur texte a longtemps été appelé le
“Manifeste des 343 salopes”. Alice Schwarzer
les avait imitées dans [le magazine alle-
mand] Stern quelques semaines plus tard.
En 1975, Simone Veil, alors ministre de la
Santé, obtenait la légalisation de l’avorte-
ment. Le pacs suivit en 1999 et le mariage
pour tous quatorze ans plus tard.
“Une législation sur ces questions refl ète
toujours la fi n d’un débat social”, déclare
Caroline Mécary, une avocate qui repré-
sente des couples homosexuels devant les
tribunaux depuis vingt ans.
Ses interventions ont apporté une contri-
bution considérable à la législation. Elle ne
cesse de réduire en miettes les argumentsdes adversaires du progrès, entre autres
celui selon lequel cette future loi conduira
automatiquement à la légalisation de la ges-
tation pour autrui (GPA). “C’est absurde,
déclare-t-elle. Il n’y aura pas d’eff et domino.”
La réforme de Macron fera-t-elle des-
cendre dans la rue des milliers de catholiques
traditionalistes comme le mariage pour
tous en 2013 ? C’est exclu, pour Caroline
Mécary. À ses yeux, La Manif pour tous
est politiquement morte : “En étouff ant
les scandales de pédophilie, l’Église catholique
a perdu toute crédibilité sur les questions de
politique familiale.”
Les conservateurs, désorientés et sans
chef depuis les élections d’il y a trois ans,
sont tout aussi dépassés que l’Église sur
cette question délicate et ne trouvent pas de
ligne ferme. Le vote va à nouveau les diviser.
D’un autre côté, Macron doit tenir
compte des anciens conservateurs qui se
trouvent désormais dans ses rangs. Son
premier gouvernement comptait tout de
même quatre ministres qui avaient voté
contre le mariage pour tous. “Macron ne
va pas trop loin, mais suffi samment pour
achever de diviser les conservateurs”, ana-
lyse Caroline Mécary.
La société française est-elle vraiment
mûre pour cette réforme, mûre pour des
familles sans père fi nancées par les fonds
publics ? Selon les derniers sondages, une
nette majorité des personnes interrogées
est favorable à l’extension de la procréation
médicalement assistée à toutes les femmes.
Cependant, la moitié de ce groupe
déclare aussi : “Un enfant a le droit d’avoir
une mère et un père.” Une contradiction
qui donne une idée des failles culturelles
qui parcourent toujours la société. Et
qui vaudront probablement à Emmanuel
Macron un automne très chaud.
—Martina Meister
Publié le 12 août← Dessin de Medi,
Albanie.de la partenaire du couple lesbien qui n’a
pas porté l’enfant.
Après la naissance des deux garçons,
Amandine a dû faire une demande d’adop-
tion et prouver qu’elle “[s]’occupai[t] bien des
enfants”. La procédure a duré trois mois,
mais il arrive qu’elle traîne pendant un an et
demi. Un laps de temps pendant lequel une
relation peut se terminer, et la partenaire
qui n’a pas porté l’enfant n’a aucun droit.
Un long chemin. Avec la future loi, les
couples lesbiens devront faire enregistrer
leur volonté de maternité devant notaire
avant la PMA ; la fi liation de l’enfant sera
ainsi établie avant la naissance, on ne sera
plus obligé d’adopter. L’acte de naissance
comportera le nom des deux parents et un
renvoi à la “déclaration d’intention”.
La route vers cette loi a été longue. C’est
lentement que les Françaises ont conquis
le droit à disposer de leur corps et pro-
gressivement que le slogan “Notre ventre
nous appartient” a fait son chemin dans
la société.
Tout a commencé par la légalisation de
l’avortement. Marie-Louise Giraud, la der-
nière “faiseuse d’anges”, a été guillotinée
en 1943. En 1971, 343 Françaises célèbres
ont déclaré publiquement avoir avorté, ris-
quant au passage des poursuites pénales.
La réforme de Macron
fera-t-elle descendre dans
la rue des milliers de
catholiques traditionalistes?Cette fois, la France est prête?
● “Les enjeux sont de
taille”, résume The
Times. En annonçant
l’ouverture de la pro-
création médicalement assistée
(PMA) à toutes les femmes, le pré-
sident français prend le risque “d’ag-
graver de profondes divisions
religieuses et sociales”. Mais il entend
également “mettre fi n à l’inégalité
entre, d’une part, les femmes hété-
rosexuelles vivant en couple, qui
peuvent avoir accès à la PMA avec
une prise en charge par la Sécurité
sociale, et, d’autre part, les femmes
seules et les homosexuelles, qui
en aucun cas ne peuvent
en bénéfi cier”.
Cette loi, examinée au Parlement
à la fi n du mois de septembre, est
une promesse de campagne
d’Emmanuel Macron, et avant cela
de François Hollande. Mais,
comme l’évoque Quartz, si, “en 2013,
la France a adopté une loi autori-
sant les couples de même sexe à se
marier et à adopter”, devenant alors
“le treizième pays du monde à se
doter d’une telle loi [...] et l’un des
fers de lance de la défense des droits
LGBTQ, le législateur semblait en
décalage avec la plupart des Français.
Les citoyens sont descendus dans
la rue pour protester” et on a observé
“une hausse du nombre d’agressions
homophobes depuis la légalisation
du mariage homosexuel”.Le défi pour l’exécu-
tif sera donc de “faire
passer ce projet sans
déclencher une nou-
velle guerre civile idéologique comme
lors du débat sur le mariage pour
tous”, indique la Tribune de Genève.
Or, prévient encore, avec ironie, le
site américain féministe Jezebel,
“tout ce qui revient à traiter les
femmes comme des êtres humains a
de grandes chances de se heurter à
une forte résistance de la part de l’ex-
trême droite de Marine Le Pen, dont
l’histoire est jalonnée de mobilisa-
tions sur des questions liées aux droits
civiques”.
D’autant qu’en France la rentrée
s’annonce tendue pour le gouver-
nement : les réformes de l’assurance
chômage, de la fonction publique
ou encore des retraites sont égale-
ment à l’ordre du jour. Et, avec elles,
les mouvements de protestation.
“Les syndicats appellent déjà à de
grandes mobilisations. Les profes-
sionnels de la santé, les pompiers, les
employés des centrales nucléaires,
les cheminots et les avocats sont prêts
à battre le pavé”, alerte The Spectator.
Toutefois, rassure Quartz, “même
si les députés s’attendent à ce que ce
projet de loi déclenche des manifes-
tations, Édouard Philippe et ses par-
tisans pensent que, cette fois, la loi
devrait passer”.
—Courrier international