Le Monde + Magazine - 31.08.2019

(Kiana) #1
Ci-contre, «Alo Wala », de
la sérieMy Rockstars,2015.
Àdroite, photoextraite
de la sérieHandprints.

Certains modeuxs’arraChent ses vêtementsexCentriques.
Lescélébrités sefont tirer le portrait dans son riad de Marrakech.
Lesmarques destreet wear réclament sa griffekitschàsouhait.
Àpartir du 11 septembre, Hassan Hajjaj, créateur maroco-
britannique de 58 ans,expose quelque 300 clichésàlaMaison
européenne de la photographie (MEP), ainsi que,àl’invitation de
la RATP,une trentaine d’images dans lesrames du métroparisien.
Un mix d’Orient et d’Occidentqui fait valser les catégorisations
souventétanches de l’art, de la mode et du design.L’air de rien,
le hip-hopeur quasi sexagénaireainventéune nouvelleforme de
post-colonialisme,hauteencouleur et décontractée.
Au début des années 2000,les sourciers de l’art ontcommencé
às’intéresser aux artistes du monde arabe.Eti ls on tmis la main
sur lui.Portépar les galeriesRose Issa Projects etTheThirdLine,
Hassan HajjajcommenceàconquérirLondres et Dubaï. En 2016,
sesGnawa Bombs, blousons en soieréversibles, ornés d’uncôté
de broderies traditionnelles et de l’autredeportraits, lancésavec
le créateur Amine Bendriouich,font sensation chezColette, àParis.
L’année suivante, il photographie l’acteurWill Smith et signe
la couvertureduNewYork Magazineavec larappeuse Cardi B.
Depuis, ilaimmortalisé Madonna, grimée en beautéberbère,
Jessica Alba etGadElmaleh.ÀlaMEP,toutefois, Hassan Hajjaj s’est
gardédemontrer descélébrités, autrement«lemusicien gnaoua
ou la jeune fille au henné seraient passés inaperçus».Car son but
estdet oucheravant tout l’homme ou lafemme ordinaire, d’origine
arabe ou africaine,qui«peut s’identifieravec des images qui ne
représentent pas que des jeunes blonds».
N’allezd’ailleurs pascomparer Hassan HajjajàAndy Warhol, ni
son riad de Marrakech, où ilexpose de jeunes artistes, àlaF actory
de l’artiste américain. Il préféreralesobriquet AndyWahloo
(«rien», en arabe)que luiavait trouvéfeu le chanteur RachidTaha.
«Cetype d’étiquettevient de l’Ouest, où les gens quicontrôlent l’art
ont besoin de mettreunnom qu’ilsconnaissent sur des cultures
qu’ils neconnaissent pas,dit-il, dupe de rien.Comme si pour être
pris au sérieux ilfallait êtreune déclinaison d’un artiste occidental
mort.»Plus qu’une filiationavec le pape du pop art, ses clichés
portent l’héritage des maîtres maliens de la photo, MalickSidibé et
Seydou Keïta. Leshommes en djellabas au motif de camouflage
posent ainsi sur unfond de nattes de plastique tressé.Quant aux
femmes, elles s’affichent crânement,faço nbadass, sur des scooters.


Sa vie ne s’estpas toujours déclinée enTechnicolor.Lorsque,àl’âge
de 12 ans, en 1973,Hassan Hajjaj quittesaville natale de Larache,au
Maroc, pourrejoindreson pèreàIslington, un quartier du nordde
Londres, l’adotombe de haut. Dans les années 1970-1980,lac apitale
britannique n’arien d’un eldorado pour les immigrés. Chômage de
masse,inégalités sociales et discrimination signent la fin de l’Étatpro-
vidence. Hassan Hajjaj n’estpas unfort en thème.Iln ’a pas de boulot
fixe. De jour,ilc hine des fripes dans les marchés aux puces. De nuit, il
court les soirées underground et les boîtes de nuit clandestines,sym-
pathisantavec DJ,designers et artistes. Àforce de fricoteravec la
mode,ill anceen1 984 son label alternatif,RAP (Real ArtisticPeople),
et ouvreàCovent Garden une boutique de fringuesrecyclées et cus-
tomiséesfaço nhip-hop. Àpeu près dans les mêmesannées, il se met
àlap hotographie.Unpasse-tempstout d’abord, que le jeune homme
«tropeffrayépar les galeries et trop ennuyépar les musées»se garde
alors de montrer.Lac rise de 1990 fragilise sa petiteaffaire.
C’es tàMarrakech que Hassan Hajjaj trouvematièreàrebondir.
Ce parfaitLondonien, amateur de cuisine indienne et dereggae,
découvresoudain sesracines marocaines.Tout, alors, le passionne.

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Hassan Hajjaj (×2)
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