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SAMEDI 31 AOÛT 2019 france| 11
A Paris, Griveaux
sous la menace
du dissident Villani
Le député et mathématicien devrait
annoncer sa candidature contre la tête
de liste LRM le 4 septembre
E
n cette rentrée, Anne Hi
dalgo a de quoi se frotter
les mains. Les macronis
tes de la capitale, qui en
tendent déloger la maire socia
liste de Paris lors des élections
municipales de mars 2020, ne
cessent de se déchirer. Au point de
donner l’impression d’avoir en
clenché la « machine à perdre ».
Depuis la désignation de Benja
min Griveaux comme candidat
officiel de La République en mar
che (LRM), début juillet, le préten
dant malheureux à l’investiture
du parti présidentiel, Cédric Vil
lani, n’a eu de cesse de dénoncer
une procédure « viciée ». Laissant
planer le doute sur ses intentions,
le député de l’Essonne semble
plus que jamais prêt à se lancer
dans une candidature dissidente.
« Sa décision est mûrie, réfléchie et
arrêtée », indique son directeur de
campagne, Baptiste Fournier, en
précisant que le mathématicien
la dévoilera publiquement le
4 septembre, dans un endroit du
14 e arrondissement de Paris,
après l’avoir annoncée au préala
ble à ses équipes samedi.
Tentative de rabibochage
Si certains de ses proches jugent
encore « prématuré » d’affirmer
avec certitude qu’il se présentera,
la plupart assurent que les dés
sont déjà jetés. Et que cet
« homme libre et déterminé » a
déjà opté pour une échappée en
solitaire, sans étiquette partisane.
De quoi compromettre un peu
plus le début de campagne de
M. Griveaux, déjà affaibli par la
révélation, mijuillet, de propos
insultants tenus en privé contre
ses adversaires. Conscient qu’une
candidature de M. Villani affaibli
rait considérablement ses chan
ces de conquête, l’exporteparole
du gouvernement tente de le dis
suader de se lancer dans une ini
tiative concurrente.
Après avoir échoué à trouver un
terrain d’entente lors de leurs dis
cussions estivales, M. Griveaux a
envoyé une lettre de trois pages à
l’élu de l’Essonne, le 23 août, dans
laquelle il lui propose de « copilo
ter » sa campagne. Une ultime ten
tative de rabibochage, interprétée
comme un « aveu de faiblesse ». « Il
se retrouve obligé de courir après
Villani, après l’avoir ignoré pen
dant plusieurs semaines! », persi
fle un élu LRM de la capitale.
Seul rayon de soleil dans ce ciel
ombragé : ces derniers jours,
M. Griveaux a enregistré le soutien
de l’ancien candidat à l’investiture,
Mounir Mahjoubi, et de la maire
exLes Républicains du 9e arron
dissement, Delphine Bürkli.
Mais pour l’heure, son offre en
direction de M. Villani reste sans
réponse, a indiqué M. Griveaux,
jeudi 29 août, lors d’un point
presse consacré à la présentation
de son programme en matière
d’éducation. Face aux journalis
tes, ce dernier a joué la sérénité,
sourire forcé à l’appui, disant tout
faire pour « rassembler » et vou
lant croire à la possibilité d’un dé
nouement heureux. « Je suis cer
tain que nous pouvons arriver à ce
que nos convergences, qui sont
bien plus nombreuses que nos di
vergences, l’emportent à la fin. »
Voilà pour l’affichage. Car en
privé, son entourage ne doute pas
de la volonté de M. Villani de par
tir à la bataille en solo.
En attendant l’annonce offi
cielle, le camp Griveaux et les res
ponsables de LRM font tout pour
décrédibiliser sa probable candi
dature. « Villani est irresponsable
de semer la division », maugrée
un soutien de M. Griveaux ; « il
n’est pas correct de faire cela,
après avoir signé un engagement
à soutenir le candidat désigné »,
s’agace un autre.
Même tonalité dans l’entourage
du chef de l’Etat. « Il y a des règles,
il doit les respecter », jugeton,
avant de dépeindre « quelqu’un
d’autocentré, qui a un parcours
politique sinueux, de Bayrou à Hi
dalgo, puis Macron ». Manière de
faire passer l’ancien soutien
d’Anne Hidalgo en 2014, élu dé
puté sous l’étiquette LRM trois
ans plus tard, pour un homme
« déloyal », prêt à tout pour assou
vir son ambition. Quitte à faire
perdre sa propre famille politi
que. « Moi je respecte le mouve
ment et ses règles », a souligné
M. Griveaux, jeudi. Avant d’assé
ner : « Etre candidat à Paris, c’est
une aventure collective et pas une
aventure individuelle. »
« Si on perd Paris, on perd Paris! »
Des attaques, qui laissent officiel
lement de marbre l’élu de l’Es
sonne. « Il reste fidèle au président
de la République et à l’ADN d’En
marche !, à ses débuts, mais ne se
sent aucunement tenu d’être loyal
à un appareil politique », indique
un de ses proches, expliquant
que, pour cette raison, M. Villani
ne devrait pas donner suite à la
main tendue de M. Griveaux. Ses
soutiens façonnent une image
d’« homme libre », en dehors des
partis et des clivages, qui souhai
terait établir un « dialogue di
rect » avec les Parisiens, en rêvant
que les ingrédients ayant permis
à M. Macron d’accéder à l’Elysée
permettront à leur champion de
ravir la capitale. « C’est quelqu’un
d’exceptionnel et je suis convain
cue qu’il sera maire de Paris », es
time la députée LRM, Anne
Christine Lang, en voyant « un
parallèle entre les attentes des Pa
risiens à son égard et la manière
dont le pays était en adéquation
avec Macron en 2017 ».
Reste à savoir le sort qui serait
réservé au mathématicien, s’il se
lance. Au sein de LRM, certains
assurent qu’en cas de dissidence,
il sera « automatiquement ex
clu », en application de l’article 33
des statuts du mouvement.
D’autres, au sein de l’exécutif et
de la majorité, estiment qu’il se
rait préférable de ne pas se pres
ser, afin de voir si M. Villani est
mieux placé dans les sondages.
Auquel cas, le candidat investi
courrait alors le risque de se faire
« débrancher », au profit de son ri
val... Des conjectures fragiles, en
l’état. Seule certitude : M. Macron
ne souhaite pas intervenir pour
démêler ce panier de crabes. « Il
n’appellera pas Villani, ce n’est pas
son boulot de faire ça », assure un
proche du président.
En attendant le 4 septembre, les
mises en garde se multiplient
pour tenter de changer le cours
d’une histoire, qui semble déjà
écrite. « Cédric est mathémati
cien, mais il faudrait qu’il soit bon
calculateur. La division, c’est
l’échec », a prévenu le président
de l’Assemblée nationale, Richard
Ferrand, lundi, sur Europe 1.
En privé, l’optimisme n’est guère
de rigueur chez les macronistes,
pour qui cette campagne « partie
de travers » a peu de chances de
mener à la victoire. « On ne peut
gagner Paris qu’en rassemblant et
en élargissant. Là, on se divise et on
se rétrécit... », se désole un député.
Certains, jugeant une candidature
dissidente inéluctable, commen
cent même à intérioriser le scéna
rio d’une défaite. « Si on perd Paris,
on perd Paris! Ce n’est pas le seul
enjeu du quinquennat, s’agace un
ténor du parti. Cela ne voudra pas
dire qu’on ne pourra pas gagner la
présidentielle de 2022. »
alexandre lemarié
Benjamin
Griveaux
en campagne
électorale
à Paris,
le 29 août.
CHRISTOPHE
ARCHAMBAULT/AFP
Au sein de LRM,
certains
préféreraient ne
pas se presser
pour exclure
Villani du parti,
afin de voir s’il est
mieux placé dans
les sondages
benjamin griveaux ou cédric villani? De
vant un tel choix, de nombreux « marcheurs »
à Paris sont divisés. Candidat malheureux à
l’investiture de La République en marche
(LRM) début juillet, Cédric Villani doit annon
cer le 4 septembre ses « intentions ». Mais tout
laisse à penser que le député et mathématicien
a décidé de ne pas accepter la désignation de
Benjamin Griveaux et de faire dissidence.
Un tel choix risque de fracturer sur le terrain
les militants parisiens de LRM. « Je soutiens Cé
dric Villani depuis le début et s’il se présente je le
suivrai envers et contre tous », déclare Henri,
71 ans, « marcheur » dans le 17e arrondisse
ment. A l’inverse, Antoine Lesieur, référent
des Jeunes avec Macron à Paris et membre du
comité de campagne de Benjamin Griveaux,
affirme avoir « toujours soutenu » l’ancien por
teparole du gouvernement et assure « que
[son] organisation est pleinement rassemblée
derrière lui ».
« Villani a une vraie ambition pour Paris »
Pour Catherine, « marcheuse » de 50 ans dans
le 7e arrondissement, Villani est un « opportu
niste » qui fait passer « ses intérêts personnels
avant l’intérêt du parti ». « L’intelligence mathé
matique n’a hélas rien à voir avec le sens politi
que. Et encore moins avec la loyauté, la
preuve », estime la quinquagénaire, qui s’in
quiète déjà de « la division et [de] la fronde [qui]
sont le chemin vers la défaite ». Mickaël Pa
gnoux, militant des Jeunes avec Macron,
abonde : « J’ai soutenu Villani à titre personnel,
mais on ne peut pas gagner en étant divisés. Je
comprends sa frustration, mais une candida
ture dissidente n’est jamais bonne. »
Toutefois, les proVillani ne perdent pas es
poir et se réjouissent même de sa possible can
didature. « Griveaux est compétent mais il ne
rassemble pas et il n’arrivera probablement pas
à se sortir de tout ce qui le rend arrogant. Beau
coup de “marcheurs” de la première heure ne
veulent pas de lui, cela a déjà créé des tensions
en interne », assure Matthieu Gariel, militant
LRM parisien depuis 2016. Les soutiens du ma
thématicien s’insurgent contre les conditions
de désignation en juillet par la Commission
nationale d’investiture de LRM, qu’ils quali
fient de « choix bien mal inspiré » ou de « mas
carade » sur les réseaux sociaux.
« Marcheur » dans le 20e arrondissement, Ro
ger, 50 ans, prévient qu’il votera « pour Villani
s’il se présente car lui a une vraie ambition pour
Paris », contrairement à Benjamin Griveaux
dont il juge le programme « risible ». Certains
misent même à terme sur un retournement de
situation. « Lorsque Villani aura lancé sa candi
dature, j’espère que les élus qui avaient déjà
choisi Griveaux comprendront qu’il faut faire le
choix d’un rassemblement derrière Villani, le
seul qui puisse faire gagner LRM à Paris », es
time Matthieu Gariel.
minh dréan
Les « marcheurs » de la capitale divisés
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