Le Monde + Magazine - 31.08.2019

(Kiana) #1
MLem agazineduMonde—31 août 2019

PourMarionMazauric,dirigeanted’Audiablevauvert,qui
triomphecetteannéeavecCrépuscule,deJuanBranco(plusde
100000exemplaires),«lapresse ne fait plus forcément vendre
et les envois de livres aux journalistes deviennent assez impro-
ductifs.Ilyaparmi les blogueurs et sur Instagram d’excellents
critiquesdelivres. Est-ce qu’ils ou elles sont légitimes?Mais en
fait, c’est qui, c’est quoi êtrecritique littéraire?Moi, je ne vois
que des prosélytes qui aiment les livres et en parlent!»Ilfaut
aussipréciserquelescommentairesdésagréablessurInstagram
sontrares.Peuderisquesd’ylireunephraseassassinetelle
que :«Iln’y apas d’objet plus mal conçu qu’un livre

nationalesdelalibrairie;deslibrairiescommeMollat,à
Bordeaux(89600abonnés,unrecord,plusquelaFnac),carton-
nent...Tapezlehashtag#bookstagrametvousobtiendrezplus
de34millionsd’occurrencesliéesàlal ittérature.Contre20mil-
lionsil yauna n.Selonunsondageréaliséen2018parl’institut
I+CpourLivres Hebdo,leslibrairesestimentque,danslamoti-
vationd’achat,lesréseauxsociauxconstituentlefacteurdontle
rôlealep lusprogresséenunan.Touteslesmaisonsd’édition
ontcréédescomptesetrecrutéàtourdebrasdejeunesgens
qui,armésdeleursmartphone,sesontmisàphotographierfré-
nétiquementlesauteurs,lescouverturesdeslivres,parcourant
lessalonslittéraires,leslibrairiesetpostant,postant,postantàun
rythmeeffrénésurleréseausocialàlongueurdejournée.
AlbinMichel,qui ,avec52400abonnés,arriveent êtedevant
Gallimard,estallédébaucherchezPublicissonnouveaudirec-
teurmarketing,MickaelPalvin.«J’ai été recruté pour réin-
venter et dynamiser la relation entre la maison et les lecteurs
àtraverslenumérique,confie-t-il.Instagramest davantage
dans le graphique et l’esthétique queTwitter et produit une
interactivité bien supérieureàFacebook. Les formats des cou-
vertures de livres sont également plus adaptésàInstagram.
Ce n’est pas un hasard si, excepté les Éditions de Minuit,
presque tous les éditeurs se sont misàillustrer leurs couver-
tures par une photo. »MêmeGallimardetsaprestigieuse
collection«Blanche»,grâceàunb andeauillustré.
Logiquement,d’autres bookstagrameuses sont entréesdans La
danse.Onusedufémininpuisqueseulement10%descomptes
consacrésàlal ittératureenFrancesontgéréspardeshommes.
Riend’illogique:lesfemmesachètentdavantaged’ouvrages
queleshommes.Lescomptessesontmultipliés:derrièrelittle-
prettybooks(35800abonnés)secacheFiona,unebibliothé-
cairequin’apas30ans.Sadernièrerecommandation?LaVie
rêvée des chaussettes orphelines,deMarie Vareille.Derrièrecla-
rine_bouquine(14800abonnés),ClarineBaudin,25ans,quivit
auPuy-en-Velay.Lorsqu’elleétaitétudianteenécoledejour-
nalisme,desprofsl’avaientdégoûtéedelalectureenl’obli-
geantàliredesouvragesqu’ellen’aimaitpas.Devenuejourna-
listefree-lance,elles’yestremiseavecPhilippeClaudelet
Murakami.Quandellechoisitd’acheterunlivre,c’estparce
qu’unautrecomptelittérairesurleréseausocialenditdubien.
«Jesuis maraboutée,confie-t-elleensouriant.Toute mon éner-
gie va dans Instagram. Il est mon seul maître. »
Quantaucompteagathethebook(14200abonnés),ilappar-
tientàAgatheRuga,latrentaine,unedentistedeChalon-sur-
Saône.«Instagramaété ma fac de lettres »,dit-elle.Créatrice
duGrandPrixdesblogueurslittéraires,en2017(décerné,cette
année-là,àVéroniqueOlmipourBakhita),auteured’unpre-
mierroman,elleavusan otoriétéflamber.Sapremièrepubli-
cation,unselfieavecsonfuturmari,publiéenmars2012,
n’avaitrécoltéaucun«like».Sesrécentspostsapprochentou
dépassen ttouslabarredesmille.
Vulacroissanceexponentielledunombred’abonnésdecesins-
tagrameuses,leséditeurssesontmisàlesdraguer.Pasduflirt
timidedecollégiens,maisdurentre-dedansquiafficheclaire-
mentlacouleur.Invitationsàdesbrunchs,àdesdéjeuners,àdes
apéritifsauchampagne,àdesdîner s;invitationsàdessalons
littéraires,àdesrencontresavecdesécrivain(e)s...Commele
résumeSophieCharnavel,patronnedeséditionsPlonetdes
PressesdelaRenaissance,«notre cibleànous tous, ce sont les
prescripteurs. Les journalistes, les libraires, mais bien sûr aussi,
désormais, les influenceuses sur les réseaux sociaux. Ces femmes
sont de très grandes lectrices. Elles touchent un public plus jeune,
qui ne lit pas la presse mais qui pour autant achète des livres.
Elles constituent une passerelle entre les éditeurs et le public. »


“Onnousdemande


parfoisdeq ueldroitnous


parlonsdeslivres.Je


répondsquej’aiunpoint


devuedel ecteur,pasde


journaliste.C’estcomme


lecomptoirdubistrot,


l’envieded irej’aime


biencelivreetv oilà


pourquoi.”


CômeGrévyducompteInstagramstudiolitteraire

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