aident à comprendre comment laisser derrière soi
une difficulté en explorant les solutions possibles,
et à s’approprier des stratégies pour sortir des
situations de crise.
Mais comment utiliser les contes? Et dans
quelle situation? « Le parcours proposé par ces
histoires, des premières mésaventures au dénoue-
ment heureux, peut être considéré comme une
transposition du processus d’individualisation,
explique Chiara Ripamonti, professeure à l’uni-
versité de Milano-Bicocca. Toutefois, le risque est
de confirmer les angoisses des enfants :
aujourd’hui, la crainte que quelque chose arrive
à leur mère, qu’elle ait un accident ou disparaisse,
est très fréquente. Car avec les médias, les enfants
sont exposés dès le plus jeune âge à des nouvelles
terrifiantes, qu’ils ont des difficultés à décoder. Et
si le conte ou le film interprété comme un par-
cours permettant de dépasser une crise se révèle
souvent utile, l’image de la mort de la mère et du
petit qui reste seul est parfois traumatisante et
peut accompagner un enfant toute sa vie ».
IL S’AGIT DE DIGÉRER LES ÉVÉNEMENTS
TRAUMATISANTS
Notamment si l’image de la mort de la mère
est liée à son vécu personnel. Pour Cassibba, il
s’agit de déterminer si le sentiment d’angoisse
associé au souvenir du dessin animé ne provient
pas plutôt d’un événement personnel douloureux,
qui, pour une raison ou une autre, a été associé
aux images. En effet, quand nous regardons
quelque chose, nous y mettons toujours un peu
de nous-mêmes et nous attachons à un détail ou
un autre selon notre sensibilité.
« L’image de la perte de la mère est une bles-
sure primaire, une angoisse qui appartient à cha-
cun d’entre nous et qui produit une souffrance
même en cours de thérapie, ajoute Barducci. Elle
fait vibrer une corde sensible et peut être liée à
d’autres deuils ou pertes, qui n’ont pas forcément
été “digérés” ou traités correctement. » Un jour
ou l’autre, nous devons tous nous confronter à la
solitude, et des images vues des années aupara-
vant restent parfois fixées comme le souvenir
d’un événement non métabolisé ; alors parfois
elles ressurgissent.
L’âge auquel nous avons vu le film la première
fois, ainsi que la situation dans laquelle nous
nous trouvions, comptent énormément. Autrefois,
on regardait les dessins animés dans le noir d’une
salle de cinéma ; aujourd’hui, c’est à la télévision
ou sur une tablette. Mais la force de l’impact
visuel reste la même. Ripamonti rappelle que les
images qui défilent, les couleurs et la musique
amplifient le vécu émotionnel par rapport à la
lecture. Si une personne proche de l’enfant lit un
conte de fées, il existe une médiation, c’est-à-dire
la possibilité de poser des questions, d’inter-
rompre la lecture ou de sauter un passage
effrayant. Barducci constate alors que le contenu
est transmis par une présence familière, s’ac-
quiert au travers d’un échange et se traduit donc
en images mentales. « Surtout, l’enfant a le temps
nécessaire pour digérer l’histoire. Or ce n’est pas
le cas pour les films, ajoute Ripamonti. Une
absence qui conduit parfois à mettre de côté cer-
taines émotions et sensations, qui ne sont pas
métabolisées à ces moments-là. »
Lorsque nous laissons seuls les enfants devant
la télévision ou un écran, nous ne savons pas
vraiment comment ils réagissent à l’histoire qu’ils
regardent. Et Colman rappelle que si le jeune est
stressé par ce qu’il voit, mais ne partage pas cette
Dans Le Monde de
Nemo, qui a remporté
l’Oscar du meilleur
long-métrage
d’animation en 2004,
Corail,
un poisson-clown,
est dévorée par
un barracuda en même
temps que les œufs
qu’elle venait de pondre.
Mais un œuf survit ; il
en sortira le petit Nemo,
ensuite accompagné par
son père dans la vie.
Le Monde de Nemo
© Walt Disney Pictures - Pixar, 2003 (capture d’écran).
BAMBI M’A TRAUMATISÉ!
(^80) VIE QUOTIDIENNE Psychologie