VIE QUOTIDIENNE Les clés du comportement
DOCTEUR TÉTINE ET MISTER TOTOTTE
Melbourne, et ses collègues. Les chercheurs ont
mesuré un certain nombre de variables physiolo-
giques chez des bébés endormis, à différents ins-
tants de leurs six premiers mois – période où se
produisent la très grande majorité des morts
subites du nourrisson. Leurs résultats suggèrent
que la succion de la tétine accroît l’activité du sys-
tème nerveux dit « sympathique », chargé d’accé-
lérer le métabolisme en cas de besoin. En consé-
quence, il y aurait moins de risque qu’un
ralentissement général de l’organisme se produise
et débouche sur une mort subite.
Plusieurs travaux indiquent que la tétine est
aussi un excellent antidouleur. Les bébés sont
souvent soumis à des examens pénibles, comme
un prélèvement sanguin. Ce qui les fait aussitôt
fondre en larmes! Grâce à des tests sur des nour-
rissons de 2 mois, Rosemary Gates Campos, de
l’université de Californie à San Francisco, a mon-
tré que la tétine réduit alors la durée des pleurs
et le rythme cardiaque, qui a tendance à s’embal-
ler lors de ces procédures. Les tests ont même
révélé que cet ustensile est plus efficace que deux
autres méthodes visant à calmer le bébé : l’emmi-
toufler dans un tissu doux et le bercer. Le nour-
risson s’endort en outre plus facilement après
l’intervention douloureuse lorsqu’il a une tétine.
Il est parfois utile d’adjoindre à celle-ci un peu
de boisson sucrée, connue pour son effet analgé-
sique. Ipek Akman, de l’hôpital universitaire
Marmara, à Istanbul, et ses collègues en ont donné
à des nourrissons de 24 heures qui venaient de
subir une intervention médicale, en leur proposant
ou non une tétine ensuite. Résultat : les bébés qui
avaient reçu à la fois l’eau sucrée et la tétine
étaient ceux qui éprouvaient le moins de douleur
- ce qu’on mesurait par l’analyse de leur expres-
sion faciale et par la durée des pleurs.
Attention toutefois à ne pas donner trop de
sucre et à ne pas recourir à n’importe quel pro-
duit sucré. Le miel, en particulier, est déconseillé
chez les enfants de moins d’un an, car il aug-
mente le risque de botulisme (une maladie para-
lytique rare et grave provoquée par une bactérie
dont on trouve parfois des spores dans le miel).
TESTER LA TÉTINE POUR TENTER LE TÉTON
Autre bienfait, la tétine pourrait aider les
enfants prématurés à démarrer l’allaitement, qui
est recommandé par l’Organisation mondiale de
la santé. En effet, ces bébés sont moins doués pour
la succion que ceux nés à terme et peinent davan-
tage à téter le sein de leur mère. Deux chercheurs
turcs, Vildam Kaya et Aynur Aytekin, ont alors
montré que si on leur donne une tétine pendant
quelques minutes avant les repas, ils apprennent
plus vite à téter : ils y parviennent en 123 heures
en moyenne, contre 168 heures dans le groupe
contrôle. En outre, après seulement 48 heures de
pratique, ils obtiennent un meilleur score de suc-
cion, déterminé en évaluant divers paramètres,
comme la façon dont ils s’accrochent au sein ou le
confort de la mère. Ce serait d’autant plus béné-
fique qu’en accélérant le développement de ce
réflexe, la tétine stimulerait la sécrétion d’hor-
mones gastro-intestinales. Elle rendrait également
l’enfant plus éveillé et plus actif avant la tétée.
Loin d’être aussi diabolique que certains le pré-
tendent, la tétine a donc de sérieux atouts. Mais
son bilan n’est pas tout rose pour autant. Son
influence sur l’allaitement, notamment, est
contrastée. Si elle semble le favoriser chez les pré-
maturés, ce n’est pas forcément le cas chez tous les
bébés : en passant en revue les travaux sur le sujet,
la chercheuse australienne Ann Callaghan a
constaté que les mères qui donnent une tétine à
leur enfant l’allaitent moins longtemps que les
autres et recourent davantage à des compléments.
Cela pourrait s’expliquer par le fait que les bébés
aient moins envie de téter, leur réflexe de succion
étant satisfait par leur marotte, ce qui conduirait
leur mère à se tourner vers d’autres types d’alimen-
tation. La tétine plutôt que le téton, en quelque
5 FOIS
PLUS DE RISQUES
de devenir fumeur quand on a eu une tétine étant bébé.
Source : Helenice Feirrare et al., European Addiction Research, 2015