très claires aujourd’hui, alors qu’elles
étaient en réalité très confuses au
moment des faits.Quelle condamnation
espérez-vous ?
G. A. : Je n’aime pas parler de verdict
avant que le procès ait débuté. Nous
verrons bien. C’est déjà un véritable
progrès de voir un homme si puissant
renvoyé devant un tribunal. Quelque
chose a évolué avec le mouvement
#MeToo. La peur a changé de camp :
elle est passée des victimes à ceux qui
ont des choses à se reprocher. Entre
Harvey Weinstein, Bill Cosby, R. Kelly ^1 ,
Jeffrey Epstein ^2 ..., je n’ai jamais connu
une époque où autant d’hommes riches
et célèbres doivent répondre en même
temps de leurs actes !Avez-vous l’impression d’avoir
déjà gagné la bataille de l’opinion ?
G. A. : Quand j’ai commencé ma car-
rière, il y a plus de quarante ans, les
victimes étaient les grandes oubliées
des tribunaux. Les médias tendaient
plus facilement leurs micros aux accu-
sés pour qu’ils se défendent. Et elles
devaient souvent faire face à l’incré-
dulité même des procureurs, qui refu-
saient tout simplement de prendre leur
affaire au sérieux. Aujourd’hui, c’est
une tout autre époque. Nous sommes
à l’heure de l’empowerment : les femmes
prennent le pouvoir en refusant de se
taire et en dénonçant leurs agresseurs,
qu’il s’agisse de célébrités ou de leurs
patrons...Vous avez révélé avoir vous-même
été victime de viol dans
les années 1960. Cet événement
a-t-il influencé votre manière
d’exercer le métier d’avocate ?
G. A. : Cela m’a rendue meilleure, car je
sais ce que c’est d’être une femme qui
se demande qui va la croire. Je l’ai vécu
moi-même. Surtout quand l’agresseur
est quelqu’un de célèbre. Dans moncas, il s’agissait d’un médecin. Qui va
écouter une jeune femme que personne
ne connaît ? Les femmes ne sont pas
crues, car ce sont des femmes, tout
simplement. « Pourquoi étiez-vous là ? »,
« N’étiez-vous pas un peu séduite ? » On
nous pose des questions auxquelles les
hommes ne sont jamais soumis.Quelle est la prochaine bataille
juridique pour les droits
des femmes aux États-Unis ?
G. A. : Je m’engage beaucoup pour
remettre en question les délais de pres-
cription dans les affaires d’agression
sexuelle et de viol. Il s’agit de périodes
définies arbitrairement par la loi, qui
jouent toujours contre les victimes.
Beaucoup de femmes ont été victimes
d’abus quand elles étaient enfants et
se retrouvent dans l’incapacité de por-
ter plainte à l’âge adulte. Nous avons
déjà réussi à faire changer ces délais
en Californie, dans le Colorado, dans
le Nevada et, cet été, à New York. Un
tsunami d’affaires va déferler devant
les tribunaux.En 2016, vous avez soutenu Hillary
Clinton lors de la campagne
présidentielle. Quel est aujourd’huivotre favori parmi les candidat·es à
la primaire démocrate ?
G. A. : Il est encore trop tôt pour le dire.
J’aimerais évidemment que ce soit une
femme, mais bon, parmi les démocrates,
à peu près tout le monde serait meilleur
que Trump ! Ce qu’il entreprend est
une véritable catastrophe. Il a nommé
plus d’une centaine de juges fédéraux
à travers les États-Unis : certains sont
incompétents, d’autres clairement
d’extrême droite. Et il veut remettre
en question le droit à l’avortement,
garanti par l’arrêt Roe vs Wade de 1973.
C’est extrêmement préoccupant.Vous n’êtes pas près de prendre
votre retraite !
G. A. : J’ai 78 ans et aucunement l’inten-
tion de m’arrêter ! Se battre contre les
injustices est bon pour la santé. Pour
moi, ce n’est pas un sacrifice, mais
une bénédiction. L’empowerment est
un sentiment puissant et contagieux,
vous savez... U- Le rappeur R. Kelly est visé par onze chefs
d’accusation pour agressions sexuelles, outre celles
de pédopornographie et d’esclavage sexuel. - Le banquier d’affaires Jeffrey Epstein, retrouvé
pendu dans sa cellule le 10 août, était inculpé
pour exploitation sexuelle de mineures et
conspiration liée à une exploitation sexuelle.
Gloria Allred à la sortie du tribunal de Manhattan, à New York, après l’audience, le 5 juin 2018,
de l’ancien producteur Harvey Weinstein où il a plaidé non coupable.© J. LANE/MAXPPPProcès W
einstein