Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

LA FOIRFOUILLE


DE L’HISTOIRE


Septembre 1949

EMMAÜS POSE

SA PREMIÈRE PIERRE

© M. CHRÉTIEN – EMMAÜS INTERNATIONAL LÉGATAIRE UNIVERSEL DE L’ABBÉ PIERRE

« Tout a commencé parce que
la maison était trop grande. »
Voici comment le mouvement
Emmaüs raconte, à la pre-
mière page d’un vieux fascicule
aujourd’hui archivé à Roubaix
(Nord), sa propre naissance.
Il faut imaginer un pavillon de
deux étages style Empire dans la
banlieue est de Paris, à Neuilly-
Plaisance (Seine-Saint-Denis).
« Une bâtisse en ruine, dépeint
Brigitte Mary, bénévole d’Em-
maüs international, ex-respon-
sable du pôle mémoire. Le parquet
était complètement délabré. Elle
avait été occupée par les nazis. »

Drôle de retour-
nement : c’est
Henri Grouès,
ancien résistant
tout juste élu
député démo-
crate-chrétien
de Meurthe-
et-Moselle,
qui l’habite.
Déplacements
politiques
obligent, il lui
faut un lieu où
poser ses valises
chaque semaine. Et puis, écri-
ra-t-il, il trouve la maison « jolie
car en forme de cloître ». En 1947, il
l’achète. Aujourd’hui, on connaît
mieux l’heureux propriétaire sous
son pseudonyme de maquisard :
l’abbé Pierre.

Le refuge
Il habite alors la maison avec
sa consœur résistante, amie et
assistante parlementaire, Lucie
Coutaz. Les pieux colocataires,
esseulé·es dans le vaste édifice,
prennent une décision. « Quand
la maison sera réparée, lit-on
dans le fascicule, [...] il faudra

l’ouvrir à tous ceux qui veulent,
le dimanche, trouver un coin de
jardin ou une salle pour travailler,
prier ou se reposer. » C’est chose
faite dès 1948. Une quarantaine
de lits et un jardin potager sont
disponibles le week-end pour qui
le voudra. Mais, dans l’esprit de
l’abbé Pierre, ce cocon fait rapi-
dement sa mue.
Son dernier secrétaire en
date, aujourd’hui président
de la Fondation Abbé Pierre,
Laurent Desmard, explique :
« L’abbé Pierre, qui voyageait sans
cesse en Europe pour parler paix
dans le monde, s’est dit qu’il fau-
drait un lieu permettant aux jeunes
Européen·nes sans grand argent de
se réunir pour discuter et rêver, là
où leurs pères s’étaient entretués
pendant la guerre. » À l’été 1949, la
maison se transforme en auberge
de jeunesse. Au moment d’ins-
crire l’établissement au registre
national, il faut lui trouver un
nom. « Dans l’Évangile, explique
Laurent Desmard, après la cruci-
fixion de Jésus, deux de ses disciples
prennent la fuite vers un petit village
du nom d’Emmaüs. Sur leur route,
ils croisent un homme qui se joint à

On connaît cette asso laïque comme un bric-à-brac où donner et récupérer
des pépites de seconde main. Mais lorsque l’abbé Pierre, avec Lucie Coutaz,
crée Emmaüs en 1949, il n’est pas du tout question de ça. C’est une histoire
de grande maison et de grand cœur, dont on fête les 70 ans cet automne.

Par ALIZÉE VINCENT

La maison de
Neuilly-Plaisance,
en Seine-Saint-
Denis, achetée
en 1947, est
transformée
en auberge
de jeunesse et
abrite, deux ans
plus tard, les
compagnons
d’Emmaüs.

Free download pdf