Première N°499 – Septembre 2019

(Nancy Kaufman) #1

Oui, juste après le festival de Berlin,
pour la promo du film de Gus Van
Sant...
OK. Merde, alors... aucun souvenir. Et
qu’est-ce que j’ai fait là-bas?


C’était le moment où tous les
journalistes vous demandaient
si vous alliez accepter le rôle du Joker.
Et vous noyiez le poisson, vous faisiez
semblant de ne pas savoir du tout
de quoi on vous parlait... C’est amusant
de mener la presse en bateau ou,
au contraire, est-ce que c’est le pire
aspect du métier? Esquiver la même
question du matin au soir...
C’était quand, tu dis? Juste après Berlin?
Non, non, je ne menais personne en bateau!
À l’époque, je ne savais vraiment pas si


j’allais accepter le rôle. Je n’ai pris ma
décision que quelques semaines plus tard,
je crois. D’ailleurs, même quand j’ai fini pa r
dire oui à Todd Phillips, je n’étais toujours
pas sûr que c’était une bonne idée!

À quel moment vous êtes-vous dit que
vous aviez pris la bonne décision?
Bah, jamais, en fait, et c’est ça qui est bien.
Il ne faut pas avoir ce genre de certitudes.
J’ai accepté le rôle parce que j’avais envie
de prendre le risque, de tenter l’expérience.
Ce sont les conversations que j’ai eues avec
Todd qui m’ont convaincu. Il avait l’air
déterminé à proposer quelque chose d’au-
dacieux, à tourner le film de façon un peu
expérimentale et il était dans une position
où il n’avait de comptes à rendre à personne.
Ça a été un long processus pour moi. Je me
suis beaucoup interrogé. J’ai même forcé
Todd à me faire passer une audition. J’ai
voulu qu’on auditionne le rire.

Racontez-nous...
Si je ne trouvais pas le rire du Joker,
autant laisser tomber tout de suite! J’ai ap-
pelé Todd pour lui demander de passer à

« SI JE NE TROUVAIS PAS LE RIRE

DU JOKER, AUTANT LAISSER

TOMBER TOUT DE SUITE!  »

la maison : « Je vais essayer le rire devant
toi, comme ça si ça ne marche pas, on sera
fixés. » Il est venu, et c’était atrocement em-
barrassant, parce qu’il était sur le canapé en
train de me regarder, et j’ai mis un quart
d’heure à sortir ce putain de rire. Lui me
disait : « Tu sais, c’est pas grave si t’y arrives
pas. Tu as déjà le rôle. » Mais je voulais le
faire. Pour être sûr. Ça a été un des moments
déterminants.

Il y en a eu d’autres?
Dans le script, il y avait deux scènes où
Joker dansait. Donc ce chorégraphe,
Michael Arnold, est venu travailler avec
moi, et ça m’a un peu embêté parce que,
normalement, j’aime pas trop, euh...

Travailler avec des gens?
Voi l à! (Il explose de rire.) Il a commencé à
me parler du « vocabulaire de la danse », il
voulait m’enseigner ce vocabulaire, ça me
paraissait excessif pour deux petites scènes
de rien du tout, mais il m’a montré des
vidéos et j’ai complètement flashé sur l’une
d’entre elles : Ray Bolgier, The Old Soft
Shoe. Je me suis dit  : « Voilà, c’est ça. »

E N cOUVERTURE
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