Première N°499 – Septembre 2019

(Nancy Kaufman) #1
Après La Confession (tirée du Léon Morin, prêtre de Béatrix Beck) et Un ciel

radieux (basé sur le manga de Jiro Taniguchi) Nicolas Boukhrief adapte une

nouvelle œuvre littéraire. En transposant sur grand écran Trois Jours et une vie,

le roman noir de Pierre Lemaitre, il s’affirme un peu plus en artisan de cinéma

refusant les effets de marque comme les effets de mode.

u PAR GAËL GOLHEN & FRANÇOIS GRELET u PHOTO ROMAIN COLE

TEMPÊTE

SOUS UN CRÂNE

INTERVIEW

Nicolas Boukhrief

adapte Pierre Lemaitre

N


icolas Boukhrief
a commencé par
faire les choses dans
l’ordre. Il a d’abord
été un passeur (en
tant que membre
éminent de la
rédaction de Star fix)
avant de mettre les
mains dans le cam-
bouis. D’abord en
devenant assistant
de Zulawski, l’une de ses idoles, puis en
tournant un premier film au parfum
autobiographique, Va mourire. Après,
il coécrit l’excellent Assassin(s)
de Kassovitz, et enchaîne sur
son second long, Le Plaisir
(et ses petit tracas), un
film à sketches façon La
Ronde, très cul, très
fantaisiste, et à redé-
couvrir, mais qui
reste un bide sé-
vère. C’est là que
Boukhrief in-
verse le cours
de l’histoire

et quitte les rives de l’auteurisme pour se
réinventer en artisan avec Le Convoyeur.
Suivront six longs métrages, dont un pour
la télé, majoritairement situés sur le terri-
toire du genre. Des films « prototypes » que
ce soit dans leur économ ie, leur casting, leur
sujet et parfois leur esthétique. Si Trois Jours
et une vie ressemble aujourd’hui à un abou-
tissement c’est peut-être parce que, pour la
première fois, Boukhrief a accepté de jouer
vraiment la carte de l’artisanat, oubliant son
crédit de scénariste, donc d’auteur, et ne se
concentrant plus que sur la mise en scène.
Un déclic? Une révélation? Une libération?
Il fallait aller lui poser la question.

PREMIÈRE : Trois Jours et une vie est
un vrai film populaire. C’est même
le plus populaire que vous ayez réalisé
jusque-là. Pourtant, il n’y a pas
de stars au générique. On y croise
Sandrine Bonnaire, Charles Berling,
Philippe Torreton... mais dans des
seconds rôles. Comment avez-vous
géré cette contradiction?
NICOLAS BOUKHRIEF : Facilement, la tête
d’affiche c’est Pierre Lemaitre. Entre le mo-
ment où Pierre m’a contacté pour adapter

son livre et la fin du tournage, Au revoir là-
haut de Dupontel est sorti et il est devenu
encore plus connu du grand public. C’est un
peu comme Grangé, dans un tout autre re-
gistre. Dès le début, tout le monde savait que
cette histoire chorale, située à deux époques
différentes, ne pourrait pas s’appuyer sur
des « têtes d’affiches ». On était donc plutôt
libres. Pour le casting, j’ai tout de suite dit à
Lemaitre que je ne prendrais pas d’acteurs
qui ne lui conviendraient pas. Inversement,
s’il choisissait des acteurs qui ne m’allaient
pas, je pouvais y opposer mon veto. Concrè-
tement, il connaissait Philippe Torreton
qu’il tenait à me présenter. Mais dans le
rôle de l’ouvrier – qui a finalement échu à
Berling – on le connaît par cœur, ça ne me
paraissait pas très intéressant. Par contre,
en médecin de province, rongé par un se-
cret, c’était différent et ça devenait excitant.
C’est comme ça qu’on a travaillé ensemble.

Comment définiriez-vous son univers
de romancier?
C’est du ressenti et des personnages très
humains, très réels, toujours porteurs
d’émotions, avec un fond bien français. Ça
pose certaines contraintes : par exemple, je
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