très satisfaisant. Les gros budgets peuvent
assez vite noyer les metteurs en scène. À
une époque, je devais faire un film qui s’ap-
pelait Cannabis. C’était un très beau scéna-
rio sur la naissance du trafic de haschich sur
la Côte d’Azur dans les années 80. Pathé et
Jamel [Debbouze] étaient dans l’équation.
Au départ, le budget était de 18 millions ;
pa r fait. P uis il tombe à 14 : pas de problème.
Un jour, je discute avec Sylvie Pialat, qui
devait produire le film, et je lui dis : « Bon,
ils ont dit 14, mais en fait on en aura 12.
Jamel va demander telle somme ; moi, nor-
malement, je demande telle somme, mais là,
si je veux parler à mon acteur d’égal à égal,
je ne peux pas demander dix fois moins
que lui. Donc ce sera tant. Les partenaires
vont prendre tant ; on ne pourra pas avoir
les techniciens au tarif syndical. Et puis toi,
tu vas demander de l’argent aussi, plus que
d’habitude, c’est normal c’est une grosse
Par pudeur, par modestie?
Un déficit d’imaginaire plutôt. Je ne sais pas
trop... Mais surtout par manque de moyens.
Pourtant, pour Trois Jours et une vie,
vous avez eu plus de moyens
que sur vos précédents films?
Non. On a tourné en sept semaines. L’avan-
tage de travailler avec des budgets où tu dois
toujours t’adapter, c’est que tu acquiers un
certain savoir-faire et tu parviens finale-
ment à gérer ta prod au figurant près. C’est
production. À l’arrivée, j’aurai moins de
moyens pour tourner que sur Cortex qui est
un petit budget. Alors à quoi bon? » Sylvie
était en colère, mais elle savait que j’avais
raison. Et ça se voit dans les gros films!
Les charges, les salaires des acteurs : c’est
énorme ce que ça coûte. Et tu n’as plus rien
pour tourner. Le gros budget peut être un
piège. C’est également fascinant de voir que
les metteurs en scène qui passent à de gros
budgets reviennent rarement à des produc-
tions plus petites. Dès qu’un type monte une
marche, il ne tourne pas pendant cinq ans
plutôt que de faire un film sur le même mo-
dèle économ ique que ceux de ses débuts. On
les connaît les cinéastes qui ont fait des pre-
miers films mortels avec très peu d’argent,
puis qui, après être montés en gamme en
termes de production, n’en sont plus jamais
redescendus. Ce n’est pas ce dont j’ai envie.
Et vous n’avez jamais voulu monter
votre société de production?
En France, quand les réalisateurs montent
leur boîte de prod, les films deviennent
moins bien. Avec ma manière de travailler,
quand je tourne un film, j’embarque tout le
monde dans un projet de cinéma. Le fait que
je ne sois pas producteur fait que je suis avec
eux. Si j’étais le producteur, j’aurais l’im-
pression d’être malhonnête. Aujourd’hui,
je suis salarié, comme mon assistant. Il y
a certains films où j’étais moins payé que
mon assistant, parce qu’il fallait que je le
fasse, coûte que coûte. Si tu commences à
être coproducteur tu deviens le patron, le su-
périeur de tes équipes. C’est sans doute un
peu romantique comme vision, mais bon...
Nicolas Boukhrief
et Pierre Lemaitre
Margot Bancilhon, Charles Berling
et Pablo Pauly
INTERVIEW