Fou De Cuisine N°17 – Automne 2019

(lily) #1

T


remble, vieille Europe! Ton
monopole de production de vins
de qualité se confronte à une
concurrence de plus en sérieuse
dans l’hémisphère Sud. Ainsi,
après notre Vieux Continent,

l’Amérique du Sud est celui qui


produit le plus de vin... au monde.
C’est à la colonisation espagnole,

qui débute à la fin du XVe siècle,


que l’on doit l’implantation de


la vigne et son expansion dans


différentes régions ; à la même époque, la vigne est également


plantée au Brésil – dans une moindre mesure – par les Portugais.

Vins de messe développés par les missions jésuites ou produit


alimentaire indispensable aux colons : la viticulture se répand


rapidement en s’appuyant sur l’appropriation des terres et le


travail forcé des Indiens, et elle est encouragée par l’expansion


du marché local. L’essor des transports et du commerce mondial,
au XIXe siècle, voit naître les bases d’une véritable industrie viti-

cole moderne, et quelques pionniers implantent des cépages


français. Il faut dire que les conditions de culture de la vigne


sont particulièrement propices, en particulier sur les versants


des Andes : ensoleillement important, chaleur sèche mais sans
excès, vents rafraîchissants et grandes amplitudes thermiques

avec l’air froid qui peut descendre la nuit des montagnes. Si les


climats locaux rendent l’irrigation obligatoire, cette dernière est

grandement facilitée par les nombreux fleuves qu’alimente la


fonte des neiges et des glaciers.


Un continent producteur de vin


Si l’Argentine est de loin le plus gros pays producteur de vin


devant le Chili (qui l’a d’ailleurs précédée en notoriété), on
aurait tort d’oublier les autres vignobles : en effet, presque
tous les pays d’Amérique du Sud produisent du vin, y com-

pris l’Équateur, la Colombie et le Venezuela. Historiquement


important, le vignoble du Pérou a beaucoup diminué lors
de la crise du phylloxéra au XIXe siècle, mais il renaît depuis
quelques années sur la côte centrale, autour de Pisco. En Bolivie,

certaines zones d’altitude sont propices à la vigne, plantée à


plus de 2 000 mètres.


L’Uruguay propose des vins de qualité bien supérieure, soutenus
par une consommation locale importante et exigeante. Dans le
climat ensoleillé mais assez humide de la côte sud prospèrent
près de 10 000 hectares de vigne installée au XIXe siècle par des
émigrés basques. Différents cépages français s’épanouissent,
mais c’est le tannat, issu de Madiran, dans le sud-ouest de
la France, qui se taille la part du lion avec un petit tiers du

vignoble : il donne localement des vins plus tendres et plus


ronds, prêts à être bus jeunes, que les versions tanniques et


parfois austères rencontrées chez nous, à Madiran.


Autre surprise, le vignoble brésilien, dont peu d’amateurs

soupçonnent l’existence car rares en sont les vins exportés :


concentrés à l’extrême sud du pays, dans la province de Rio


Grande do Sul, les vignobles s’appuient sur des cépages inter-
nationaux mais aussi italiens – barbera, bonarda et trebbiano.
Difficiles à se procurer en France, certains vins élaborés par de
petits artisans peuvent pourtant s’avérer d’excellente qualité.

Le Chili, de la quantité à la qualité


Le Chili est l’un des principaux producteurs de vin en Amérique
du Sud. Vu depuis la France, ce bout du monde coincé entre
la cordillère des Andes et l’océan Pacifique, bordé au nord
par le désert d’Atacama, doit à son isolement des conditions
exceptionnelles : le phylloxéra, ce redoutable ennemi de la

vigne, n’est jamais arrivé dans le pays. Les vignes peuvent en


conséquence pousser sur leurs propres racines, évitant l’étape


du porte-greffe. Si l’on ajoute un climat très sain où les maladies
comme l’oïdium et le mildiou sont rares, on comprend pourquoi

le Chili est source de vins faciles d’accès et de bonne qualité,


avec des crus au fruité immédiat et intense, favorisé par les
grandes différences de températures entre le jour et la nuit.

Les vins chiliens, souvent bon marché, s’exportent facilement,


d’autant plus que la demande locale est peu soutenue. Revers


de la médaille, des rendements élevés et une production assez


prévisible, essentiellement centrée autour de vins issus des
grands cépages internationaux (merlot, cabernet, chardonnay,

sauvignon...) et manquant parfois de personnalité.


Des efforts importants ont été consentis depuis une vingtaine


d’années pour produire des vins plus identitaires : retour en
grâce du cépage local país (également appelé criolla chica en
Argentine) grâce à une nouvelle génération de petits producteurs
artisans ; montée en gamme avec des vins plus ambitieux, parfois

issus de joint-ventures avec de grands noms du vin européens


ou californiens ; identification du cépage carménère, pratique-


ment disparu à Bordeaux mais qui a survécu au Chili, confondu


avec le merlot ; extension du vignoble à de nouvelles régions et


vallées auparavant ignorées des producteurs de vin. Avec plus


de 1 400 kilomètres du nord au sud et 60 000 hectares plantés,


le vignoble chilien s’étend sur l’étroite bande de terre comprise


entre la côte et les montagnes. La première génération de bons


vins rouges chiliens a vu le jour dans la région de Maipo, à proxi-

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IN VINO VERITAS

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