LeSoir - 2019-08-14

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Page 16Mercredi 14 août 2019Mad

P


rince est mort depuis trois ans, mais
ses héritiers se bousculent au portillon
de la cour pop. Après Janelle Monae
qui a enflammé Rock Werchter début juillet,
c’est au tour du Californien Anderson .Paak
de s’attaquer au Pukkelpop.
Véritable bête de scène, multi-instrumen-
tiste, joueur et mélangeur de genres musi-
caux, Anderson .Paak a certes des gènes
princiers, c’est pourtant un rappeur qui l’a
pris sous son aile. En 2015, Dr Dre l’invitait à
placer de la voix sur six titres de son album
Compton. Depuis, il l’a signé sur son label et
co-produit ses deux derniers disques.
C’est que Paak a une sensibilité hip-hop.
Dans ce flow qui rappelle celui de Kendrick
Lamar, dans sa manière de fusionner les
styles de musique noire – mais en les jouant
plutôt qu’en les samplant! –, et de par son
parcours personnel qui n’a pas été sans diffi-
cultés. Anderon.Paak a lui aussi connu la du-
reté de la rue. Pourtant, à la manière de ses
idoles Stevie Wonder et Curtis Mayfield, tout
en mentionnant ses problèmes intimes et les
maux de la société, il retire de ses expé-
riences une musique enjouée, funky et dan-
sante, véritable ode à la vie : « Je dois rem-
plir ce vide, a-t-il dit au Guardian. Il n’y a
personne dans le hip-hop aujourd’hui pour
une musique qui fait du bien, joyeuse sans
être cheesy. Ce n’est pas pour dire qu’il n’y a
pas de douleur dans mon histoire, mais il y a
aussi de l’espoir et de l’optimisme. »
Anderson .Paak a sept ans quand il voit
son père, alcoolique et toxicomane, battre sa

mère devant la maison familiale. Il ne le re-
verra plus. Sa mère, une orpheline de la
guerre de Corée adoptée par une famille de
Compton, fera quant à elle sept ans de prison
alors qu’il est adolescent pour ne pas avoir
déclaré les gains qu’elle avait gagnés au jeu.
Plus tard, alors qu’il a une vingtaine d’an-
nées, le musicien gagne sa vie en travaillant
dans une ferme de marijuana à Santa Barba-
ra... Avant de se faire virer et de perdre son
logement. Le voilà sans domicile fixe, avec
un nourrisson et une femme à charge...
C’est la musique qui le sortira de là. Ou
plutôt ses amis du collectif rap Sa-Ra chez
qui il dort à même le sol et qui le poussent à
se mettre sérieusement à la musique. «Ma
famille méritait mieux. Il fallait que je m’im-
plique vraiment ».Après un premier album
auto-produit, il se lance dans une série de
disques dont les titres font référence à des
plages de Californie : Venice, qui lui permet
de se faire remarquer à LA, Malibugrâce à
qui il percera à l’étranger et puis, les deux
derniers, Oxnardet Ventura, co-produits
avec Dr Dre. Des albums où hip-hop se mêle
au funk, au jazz, au r’n’b et à la soul. De quoi
faire de lui un des musiciens américains les
plus en vue. Mais c’est bien sur scène que le
talent du bonhomme prend tout son sens.
Jouant de tous les instruments, façon prin-
cière, et emmenant avec lui le public à se bai-
gner dans un bain de jouvence. A voir au
Pukkelpop ce dimanche à 18 h 30 sur la
Main Stage.
DIDIER ZACHARIE

Anderson .Paak


sur la voie princière


« Pas seulement de la douleur dans mon histoire, mais aussi de l’espoir et de l’optimisme. »
© CAROLINE HOREMANS

ROCK ET VARIÉTÉS


musiques


C


e duo hollandais a sorti en début d’an-
née The Weight (Kompakt) un superbe
album où l’electronica se nourrit de
jazz, de trip-hop, de funk, de musique de
film et de pop. Rencontre avec Harm Coolen
et Merijn Schotte autour de quelques chan-
sons avant leur prestation au Pukkelpop.
NICOLAS JAAR, « The Governor »
Merijn« On nous en parle beaucoup, mais
on n’a jamais beaucoup écouté Nicolas Jaar.
On vient plutôt du trip-hop, du jazz et de la
musique de film. On s’est d’ailleurs rencon-
trés alors qu’on sortait tous les deux d’une
école de cinéma. A l’origine, on était partis
pour devenir cinéastes, et puis, on s’est re-
trouvés autour de synthés et on s’est mis à
faire de la musique ensemble. Ce n’était pas
prémédité. Mais le cinéma est toujours pré-
sent dans notre musique. On aime les atmo-
sphères typiques des musiques de films. Il y a
quelque chose de très imagé là-dedans. »
MODERAT, « A New Error »
Harm« Merijn était plus porté sur l’electro
que moi. Je ne suis jamais sorti en club. Et
puis, on a vu Moderat dans un festival et
quand ils ont commencé par ce morceau, j’ai
eu une claque monstrueuse. Soudain, j’ai
compris! Ces basses! A partir de là, j’ai
écouté plus de musique électronique. Mode-
rat m’a vraiment ouvert l’esprit sur tout un
pan musical que je ne connaissais pas, des
choses comme Max Cooper, Nils Frahm, Jon
Hopkins... qui sont artistes electro pour qui
la mélodie est très importante. Mais, je ne
sors toujours pas en club. Je préfère traîner
en studio. »
TALKING HEADS, « Psycho Killer »
Merijn « On a beaucoup écouté Talking
Heads en faisant ce disque. On voulait lui
donner une couleur plus pop et funky en
même temps. Une sorte de funk blanc tout
droit sorti des années 70 comme le Bowie de
Station to Station aussi... Le premier disque
était plus franchement house, mais ça ne
nous intéressait pas de refaire cela. On a pris
plus de temps pour peaufiner le son, créer des
ambiances tout en gardant les chansons
dans un format pop. »
Weval se produira au Pukkelpop dimanche
à 18 h 45 au Castello.
DIDIER ZACHARIE

WevalVague electro


hollandaise


« On vient plutôt du trip-hop, du jazz
et de la musique de film. » © NICK HELDERMAN
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