LIBÉRATION DE LA PROVENCE
X La Marseillaise / mercredi 14 et jeudi 15 août 2019
D
es combats acharnés et meur-
triers qui se finiront au corps à
corps, au couteau et à la grenade,
jusqu’à la reddition de l’amiral allemand
Ruhfus le 28 août... La Libération de
Toulon a été la bataille la plus violente
de toute la campagne de Provence.
À peine débarquée le 16 août, l’armée
française de de Lattre fonce vers le grand
port militaire dont il faut détruire les
batteries qui empêchent la flotte alliée
d’approcher. Le long des côtes du Var,
l’Occupant a également disséminé
600 000 mines et a bloqué les passes du
port avec les épaves des navires de la flotte
française sabordée le 27 novembre 1942.
Si les ordres de l’État-major d’Hitler sont
dès le 19 août d’évacuer les troupes vers
la vallée du Rhône, ils précisent égale-
ment qu’il faut tenir Toulon et Marseille
« jusqu’à la dernière cartouche ».
À l’arrivée des Français, Toulon est
donc un gigantesque camp retranché
avec 18 000 soldats, dont une bonne part
de SS, aviateurs et marins allemands à l’in-
térieur, puissamment défendu, notam-
ment par la batterie d’artillerie du Cap
Cépet. Mais l’avancée française est iné-
luctable.
Le fort du Coudon pris d’assaut
par les Français
Aux ordres du général de Larminat,
trois divisions françaises, soit 52 000 hom-
mes, la 3e Division d’Infanterie Algérienne,
la 1
ère
Division Française Libre et la
3 e Division d’Infanterie Coloniale qui
était stationnée avant-guerre dans la
ville, foncent vers Toulon. Le 19 août, les
Français ont contourné la ville pour pren-
dre Bandol. Les Allemands qui prati-
quent une défense sur plusieurs lignes
tentent de les arrêter aux Trois Solliès
(Solliès-Pont, Solliès-Ville et Solliès-
Toucas) et livrent une bataille acharnée
avant d’être battus. Simultanément, les
commandos d’Afrique attaquent les bat-
teries d’Hyères et tuent près de
200 Allemands au Golf Hôtel.
Les Français prennent également
d’assaut le fort du Coudon qui domine
la rade et coordonne les défenses. Cent cin-
quante Allemands y sont retranchés et
les combats se terminent à la grenade :
les occupants finissent par se rendre.
C’est de ce fort tout juste pris que les
commandos français vont porter secours
à un groupe de chars cer né par les
Allemands aux portes de La Valette en dé-
truisant les places fortes ennemies au
mortier. Seul le manque d’essence ra-
lentit la progression des soldats.
Le fort de Six-Fours qui bombarde
les troupes alliées est pris lui aussi et
l’armée française investit le camp re-
tranché de Toulon. Au terme de deux
jours de combat qualifiés par de Lattre
comme « l’affaire la plus dure de toute
la bataille de Toulon », à la poudrière de
Saint-Pierre au nord du mont Faron, des
centaines d’Allemands sont tuées. Dans
cette base fortifiée dont les entrées sont
protégées par des chars et des tireurs
d’élite, ils sont ensevelis sous les tun-
nels après l’explosion de leur stock de
munitions entreposé dans différentes
galeries percées sous la colline. Le reste
des troupes retranché dans Toulon se
rend le 26 août.
Reste l’amiral Ruhfus qui s’est retran-
ché dans la presqu’île de Saint-Mandrier-
sur-Mer avec ses dernières troupes : il
finit par accepter la capitulation dans
la nuit du 27 au 28 août, au même mo-
ment que la garnison de Marseille.
L’action de la Résistance joue
un rôle essentiel à la victoire
Dix-sept mille soldats allemands sont
faits prisonniers à Toulon et un millier
sont morts dans les combats. Les
Français comptent après la bataille
2 700 blessés ou tués. Les troupes colo-
niales ont payé le plus lourd tribut.
Aujourd’hui, des stèles et le mémorial
de la tour Beaumont rendent hommage
au sacrifice de ces hommes venus des
cinq continents pour libérer la ville.
Si à Draguignan les FFI ont pris le
contrôle de la préfecture du Var avant
l’arrivée des Alliés, l’action de la
Résistance toulonnaise coordonnée avec
les Français Libres a apporté sa part à
la victoire avec des résistants qui par-
ticipent à la prise de la ville et du fort de
la Croix Faron.
« Le rôle de la résistance locale dans la
décision de brusquer l’attaque de Toulon
et de Marseille est bien connu. Pour Toulon,
on sait l’importance de la liaison effec-
tuée par Sanguinetti au PC du général
de Lattre à Cogolin, le 18 août. Certes la des-
truction des quais et des ouvrages d’art, mi-
nés au préalable, ne peut être évitée, mais,
du moins, aucun des deux ports ne peut
être transformé en poche », raconte le pro-
fesseur d’université émérite Jean-Marie
Guillon. « Les renseignements et l’action
de la Résistance, en incitant à avancer,
ont un autre effet. Ils évitent aux villes de
subir des bombardements massifs et aveu-
gles à l’instar de ce que d’autres zones de
combat ont connu. Plusieurs localités
moyennes, Draguignan, Brignoles,
Cannes, etc., échappent ainsi à des des-
tructions considérables. »
Les FFI locaux vont d’ailleurs rejoin-
dre l’armée dès la fin de la bataille pour
compenser les pertes. « Le 9 septembre, lors-
que je quitte Toulon, mon régiment est
presque reconstitué », rapporte ainsi le
colonel Salan.
Les Allemands ont tout fait pour dévas-
ter le port et l’arsenal, mais dès la mi-
septembre, ils sont de nouveaux prati-
cables après de grandes opérations de
déminage. La Flotte Française Libre y fait
son entrée sous la pluie le 13 septembre
et deux jours plus tard, le général de
Gaulle reçoit un accueil triomphal dans
la ville. Il se servira de cet accueil lors de
sa tournée dans les villes libérées pour as-
seoir l’autorité du Gouver nement
Provisoire de la République Française
(GPRF) qui sera finalement reconnu le
23 octobre par les alliés, Grande-Bretagne
et URSS, mais aussi par les Américains
qui y rechignaient. Il permettra ainsi
aux Français d’être présents dans le camp
des vainqueurs lors de la capitulation
de l’Allemagne le 8 mai 1945.
M.B.
Bataille sanglante à Toulon
Les destructions ont été particulièrement intensives à Toulon comme en témoignent les dégâts dans le quartier du port. PHOTO ARCHIVES CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAR
Un millier de soldats allemands sont morts
dans les combats. Les Français comptent après
la bataille 2 700 blessés ou tués. Les troupes
coloniales ont payé le plus lourd tribut.