mercredi 14 août 2019 / La Marseillaise 11
SOS MÉDITERRANÉE
Après quatre jours
sur zone et autant de
sauvetages, l’« Ocean
Viking » quitte les eaux
au large de la Libye, à la
recherche d’un port sûr
pour ses 356 rescapés. Il
va faire face à une Union
européenne verrouillée.
J
e suis resté en mer quatre
jours avant d’être secouru.
Le fond du bateau s’est déchi-
ré le jour où on est partis. Au bout
de 24 heures, on n’avait plus de
nourriture, ni d’eau. On avait
tellement peur... On pensait tous
qu’on allait mourir. » Les mots de
ce jeune Soudanais de 17 ans,
partagés sur Twitter par
Médecins sans frontières (MSF),
laissent entrevoir le calvaire
vécu par les 356 personnes ac-
tuellement à bord de l’Ocean
Viking.
Mardi dans l’après-midi,
après quatre jours sur zone et
autant de sauvetages, le navire
affrété par SOS Méditerranée
et MSF a annoncé quitter les
eaux internationales au large
de Libye. Les associations in-
terpellent l’Italie et Malte dans
un communiqué : « MSF et SOS
Méditerranée ont officiellement
demandé aux autorités maritimes
maltaises et italiennes, (...) d’as-
surer la coordination et de les ai-
der à trouver un lieu sûr. » Pour
l’instant, seuls les gardes-côtes
libyens ont proposé un port de
débarquement aux rescapés :
Tripoli. Option évidemment re-
fusée par les ONG.
La quête sera difficile. Depuis
le 10 juin 2018, les ports italiens,
jusque-là en première ligne des
arrivées, sont fermés aux navi-
res des ONG de sauvetage en
mer. L’initiative de Matteo
Salvini, homme fort du gouver-
nement italien, dont il vient de
provoquer l’implosion, s’est dur-
cie le 5 août dernier avec un dé-
cret anti-migrants qui prévoitdes amendes jusqu’à un million
d’euros pour les ONG, avec mise
sous séquestre des navires.L’« Open Arms »
déjà en attente
L’Open Arms, de l’ONG espa-
gnole Proactiva, fait déjà les
frais de cette politique et attend
au large de Lampedusa depuis
près de deux semaines, avec
160 passagers à bord. Il n’a pas
pu compter sur Malte, à proxi-
mité immédiate de la zone de
sauvetage. Depuis la fermeture
italienne, l’île a vu le nombre
d’arrivées sur son territoire ex-
ploser. En pleine crispation, les
autoritésont proposé samedi à
l’Open Arms de n’accueillir que
39 de ses passagers... « Ni juste,
ni logique », pour l’ONG qui a
refusé. Mercredi dernier, Malte
s’était opposée à un plein de car-
burant pour l’Ocean Viking.Dernier rejet en date, celui
du gouvernement socialiste es-
pagnol. Il a refusé mardi une de-
mande d’asile pour 31 mineurs
de l’Open Arms, sous prétexte
d’une invalidité juridique.
La pression va monter avec
l’arrivée de tempêtes mercredi
en Méditerranée. Le Haut-
Commissariat des Nations unies
pour les Réfugiés a tiré mardi
la sonnette d’alarme : « Laisser
des personnes affronter une mer
démontée alors qu’elles ont fui
la guerre et la violence en Libye
leur infligera de nouvelles souf-
frances », déclare Vincent
Cochetel, son envoyé spécial
pour la Méditerranée centrale.
« Ces personnes doivent être im-
médiatement autorisées à débar-
quer et à recevoir l’aide huma-
nitaire dont elles ont tant besoin »,
estime-t-il.
En France, le gouvernementreste silencieux, malgré une
initiative lancée le 22 juillet pour
répartir les rescapés de la
Méditerranée entre pays euro-
péens volontaires. Interrogé, le
Ministère de l’Intérieur répond
évasivement : « Comme à cha-
que fois dans ces situations, la
France est à l’initiative et con-
tribue activement à la recherche
d’une solution de débarquement
et d’accueil des personnes secou-
rues à l’échelle européenne. Des
discussions sont en cours, sous
l’égide de la commission euro-
péenne. »
Mais l’heure tourne. « Nous
résistons, nous avons 160 rai-
sons de le faire. 160 êtres humains
qui ont le droit de débarquer
dans un port sûr », a twitté di-
manche Oscar Camps, fonda-
teur de Proactiva Open Arms :
« Honte sur toi Europe. »
Julie Le MestAUDE
Arsenic : 38 enfants
surexposés
Trente-huit enfants
surexposés à l’arsenic selon
le dernier bilan : 15 ans après
sa fermeture, le legs de la
mine d’arsenic de Salsigne
(Aude), alimente dans la
région la crainte d’une
pollution tenace et toxique.MALAISIE
Le corps de Nora
Quoirin retrouvé
Le corps de la jeune Franco-
Irlandaise disparue en
Malaisie, a été découvert
mardi, dénudé, au fond d’un
ravin dans la jungle, après dix
jours d’intenses recherches
ayant mobilisé des centaines
de personnes. PHOTO AFPFÉMINICIDES
Une femme
de 71 ans tuée
La victime a été tuée à coups
de couteau lundi soir à
Port-Vendres, au sud de
Perpignan. Son mari de
77 ans a été interpellé mardi.
Il s’agit du 88
e
féminicide en
France depuis le début
de l’année 2018.ITALIE
Débat repoussé
au 20 août
Le Sénat italien a repoussé
au 20 août toute décision sur
le sort du gouvernement de
Giuseppe Conte, qui viendra
s’exprimer ce jour-là devant
les parlementaires, mais ne
pourra pas être renversé par
un vote de censure.FRANCE & MONDE
L’« Ocean viking » lance
un appel à Malte et à l’Italie
Avant chacun des quatre sauvetages de ces derniers jours, MSF et SOS Méditerranée ont alerté
les gardes-côtes libyens. Les ONG n’ont jamais reçu de réponse. PHOTO AFPmercredi 14 et jeudi 15 août 2019
L’appel du maire
de La Seyne
pour l’accueil
des migrants
Face aux difficultés
rencontrées par l’Open
Arms et l’Ocean Viking,
Marc Vuillemot, maire de
La Seyne-sur-Mer, lance
un appel à la solidarité
aux maires des ports
français. « Comme vous,
j'assiste impuissant aux
trop longues attentes dans
les eaux internationales
des navires humanitaires »,
explique l’édile. Les ports
italiens et maltais sont
fermés mais l’épuisement
est compréhensible :
« ayant accueilli des
dizaines de milliers de
migrants, [ils] sont
désormais confrontés, (...)
aux difficultés d'assumer la
gestion sociale des réfugiés
le temps que les pays
européens s'entendent sur
la répartition de leurs
accueils, à une montée de la
xénophobie et une
désespérance des acteurs de
la solidarité. » Face à cela,
il appelle les ports
méditerranéens français à
se « porter volontaires pour
concevoir un dispositif
partagé », afin de
« soulager en partie les
ports sud-européens des
efforts qu'ils sont bien trop
seuls à devoir accomplir ».
La France aurait des
atouts pour une telle
mission : « Le littoral
méditerranéen français
s'étale sur 1000 km en
métropole et 700 en Corse.
(...) Nos villes ne manquent
ni de savoir-faire ni
d'expérience. »
Un pas vers une
réponse digne à la crise
européenne de l’accueil?
J.L.-M.