Marseillaise - BouchesRhoneVar - 2019-08-14-15

(Ron) #1

LIBÉRATION DE LA PROVENCE


II La Marseillaise / mercredi 14 et jeudi 15 août 2019


Un journal au cœur des combats


A


vant-hier, déjà quotidienne, on la
réclamait sous la mitraille, du fond

des couloirs transformés en abris, derrière


les persiennes closes et elle se distribuait,


grâce aux femmes, malgré le danger des


balles et la peur du boche. Hier matin,


tandis que les premiers éléments de l’ar-


mée de la Libération défilaient sur la


Canebière, elle était littéralement enle-


vée des mains de ceux qui la diffusaient. »


Ce reportage publié dans le numéro


du 24 août 1944 montre que les évène-


ments racontés dans ce numéro spécial,


votre quotidien La Marseillaise les a vé-


cus au premier chef, en tant que témoin


mais aussi en tant qu’acteur. Né dans la


clandestinité à Aix-en-Provence en no-


vembre 1943, le journal est alors l’organe


provençal du Front National pour la


Libération de la France qui rassemble


de nombreuses organisations de la


Résistance autour du Parti Communiste
clandestin.
« L’initiative, ici en Provence, fut prise
par un tout jeune homme qui venait à
peine d’acquérir le titre d’avocat : Pierre
Brandon. Et il s’y mit, de tout son cœur,
avec sa haine des nazis et tout son amour
de la France. Il rédigea seul, de bout en
bout, le premier numéro de
La Marseillaise », rappelle Marcel
Thomazeau, résistant, déporté au camp
de Mauthausen et ancien directeur du
journal La Marseillaise. « Pour réaliser
ce véritable exploit, il s’appuya sur une
cohorte de jeunes imprimeurs résistants,
organisés au sein même d’un infâme jour-
nal collaborateur, Le Petit Marseillais.
Ces typographes et linotypistes courageux
préparaient, ligne après ligne, dans le
plus grand secret, le texte et les titres de
plomb qui, rassemblés et imprimés chez

M. Tournel, devenaient La Marseillaise. »
Le premier numéro annonce même à
une population exsangue l’imminence
d’un futur débarquement sur les côtes
de Provence. Neuf mois plus tard, c’était
chose faite.
Durant cette période, les résistants
qui animaient le journal ont payé le prix
fort pour leur engagement, celui de leur
vie. Mala Kriegel a été abattue durant
les combats de la Libération le 27 août
1944 à Saint-Antoine, dans les quartiers
Nord de Marseille, alors qu’elle distri-
buait le journal avec des camarades juste
après avoir été arrêtée par les Allemands ;
le typographe Jean de Bernardy, avait
déjà été tué les armes à la main le 16 juin
1944 à Saint-Antonin-sur-Bayon ; Léon
Paranque a été tué au combat par
Wehrmacht dans le Var, quatre jours
après le débarquement de Provence.

Ce prix du
sang payé, à la Libération de
Marseille le Front National s’empare des
locaux et du matériel du journal colla-
borationniste Le petit Marseillais.
La Marseillaise est alors dans ses murs,
une réquisition confirmée par la justice
en 1947, et elle y est toujours. Les com-
battants sont redevenus journalistes ou
ouvriers du livre, s’engageant dans l’aven-
ture de la reconstruction du pays, des
conquêtes sociales et contre les guerres
coloniales. Un tel héritage de résistance
porte les générations d’aujourd’hui qui
font vivre La Marseillaise à s’engager
dans les combats actuels, sociaux ou en-
vironnementaux, locaux et globaux.
M.B.
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