LIBÉRATION DE LA PROVENCE
mercredi 14 et jeudi 15 août 2019 / La Marseillaise III
Ils se sont unis pour la liberté
ÉDITORIAL
A
près cinq années d’une guerre atroce,
l’heure de la Libération de l’Europe
sonne le 6 juin 1944 avec le débarque-
ment de Normandie et celui de Provence,
le 15 août. Moins connu et moins média-
tisée que l’opération Neptune, l’opération
Dragoon sur les plages du Sud de la France
sera pourtant décisive pour vaincre les
armées de l’Allemagne nazie.
Dans les terres provençales, la résis-
tance n’a pas attendu pour s’organiser.
C’est bien la mise en commun des for-
ces civiles et militaires qui a permis de
tourner cette page sanglante et de sor-
tir de la nuit noire.
C’est un des enseignements de la
Libération dont on célèbre cette année
le 75e anniversaire : quand les femmes
et les hommes de bonne volonté, épris
de justice et de valeurs communes met-
tent de côté leurs différences et diffé-
rends, la victoire pour la liberté est pos-
sible. Cette leçon est toujours d’actuali-
té à l’heure où le nationalisme galope
dans tous les continents, des États-Unis
à l’Inde en passant par l’Europe.
Ceux qui ont le mieux témoigné de
cette union au-delà même des idéologies
sont les poètes. Citons ici Louis Aragon
et ses vers devenus célèbres, extraits de
son poème La Rose et le Réséda, la fleur
rouge et la fleur blanche :
« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas. »
Le poème est dédié à quatre résistants,
communistes, gaullistes, chrétiens,
athées, morts en résistants face au même
ennemi : Honoré d’Estienne d’Orves,
Guy Môquet, Gabriel Péri et Gilbert Dru.
Un autre poète et résistant, Missak
Manouchian a laissé un chant de paix
la veille de son exécution. Communiste
et chef FTP-MOI (la main-d’œuvre immi-
grée), il écrit le 21 février 1944 : « Le peu-
ple allemand et tous les autres peuples vi-
vront en paix et en fraternité après la
guerre qui ne durera plus longtemps.
Bonheur à tous. » Moins de quatre mois
plus tard, c’est le débarquement et le dé-
but d’une nouvelle espérance. Suivront
les années de la décolonisation car cette
lutte âpre et sanglante pour la liberté
concerne tous les peuples. C’est aussi
un des grands enseignements de cette
Libération. Il faudra d’autres batailles,
toutes aussi dures pour que les pays co-
lonisés par la France gagnent leur indé-
pendance.
La Marseillaise, née en 1943 dans la
résistance, sera toujours à leurs côtés.
Défilé de résistants à Marseille sur le Vieux-Port le 29 août 1944. PHOTO DR Françoise Verna