L’Officiel Paris N°1036 – Août 2019

(Darren Dugan) #1
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Photo Andrew Cooper/CTMG 2018


CINÉMA L’OF F IC I E L

SUR LES TRACES


DU RÊVE


HOLLYWOODIEN


Élégie fantasmée et poignante de Quentin Tarantino à la


ville de son enfance, “Once Upon a Time... in Hollywood”


est aussi un jeu de l’oie, où Leonardo DiCaprio, Brad Pitt et


Margot Robbie se cherchent dans les lieux emblématiques


de la ville du péché. Visite guidée.


Par Julien Welter

LA PLAYBOY MANSION
Bien qu’investie en 1971 seulement par Hugh
Hefner et ses Playboy bunnies, la célèbre maison de
style néogothique/Tudor en bordure de Beverly Hills
est fantasmée par Quentin Tarantino comme lieu
de bacchanales dès 1969. Dans Once Upon a Time...
in Hollywood, on y croise donc Mama Cass et Steve
McQueen, mais sûrement pas ses antihéros Rick et
Cliff... Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) est en effet
un acteur TV dont la renommée, déjà pas fabuleuse,
chancelle dangereusement vers la ringardise. Quant
à son inséparable doublure, le cascadeur Cliff Booth
(Brad Pitt), il ne pense même pas à se lamenter sur
son sort tant qu’il peut jouer avec sa chienne ado-
rée, Brandy, lauréate du seul prix accordé au film à
Cannes cette année : la Palme Dog de la meilleure
interprétation canine. Parmi les happy few du manoir,
vous verrez en revanche Sharon Tate (Margot Rob-
bie), actrice en pleine ascension et incarnation d’une
jeunesse qui s’apprête à jeter le vieil Hollywood à la
poubelle. Elle a bien sûr vraiment existé, contraire-
ment aux deux autres qui sont vaguement inspirés de
Burt Reynolds et de son meilleur ami, le cascadeur
Hal Needham.

CIELO DRIVE
“Dire que je suis à une putain de fête, à une piscine
près de tourner avec Roman Polanski !”, se lamente
Rick Dalton, entre deux whiskys. L’acteur fané est en
effet le voisin de Sharon Tate et de son époux Roman
Polanski (le comédien polonais Rafal Zawierucha),

alors considéré comme l’un des cinéastes les plus en
vue après le triomphe de Rosemary’s Baby. Si loin, si
proche : leurs parcours respectifs (les séries western
moisies d’un côté, les oscars de l’autre) ne semblent
jamais être appelés à se croiser, à moins que...
Tout le monde garde en mémoire les assassinats du
8 août 1969, qui ont eux aussi marqué la fin d’une
époque considérée comme la plus insouciante. Ils
ont été commis dans la villa louée par les Polanski
(aujourd’hui démolie) au 10050 Cielo Drive, une
impasse d’un quartier chic peuplé de créatifs à l’ouest
de L.A. Tarantino passe cependant l’essentiel de son
film à imaginer une autre histoire, une contre-histoire
du rêve hollywoodien : de quelle manière – et dans
quel univers parallèle – nos deux figurants que sont
Rick Dalton et Cliff Booth pourraient tout de même
rencontrer les Polanski?

LE BRUIN
Ils auraient une chance, aux alentours du Sunset
Strip. Par exemple au Bruin. Ce palais du cinéma,
situé dans le quartier Westwood de Los Angeles et
inauguré en 1937, est toujours en activité (aujourd’hui
rebaptisé Fox Bruin Theater). Il donne lieu à l’une
des scènes de recréation fétichiste les plus émouvantes
d’un film qui n’en manque pas, entre pastiche de séries
TV et déluge de panneaux publicitaires et d’enseignes
d’époque, réelles ou factices. Sharon Tate se rend au
Bruin pour s’admirer elle-même dans Matt Helm règle
ses comptes, une parodie US de 007 avec Dean Mar-
tin. Tandis que Margot Robbie scrute, sans dialogues
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