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Photo A24
CINÉMA L’OF F IC I E L
Détournant le genre avec virtuosité,
Ari Aster révolutionne une fois encore
le film d’horreur avec son deuxième
long-métrage “Midsommar” : la
balade ensoleillée en Suède d’une fille
au cœur brisé qui vire au cauchemar
sous psychotropes.
Du sang au soleil
Par Virginie Beaulieu
“Un Magicien d’Oz pour per-
vers”, c’est ainsi qu’Ari Aster,
réalisateur new-yorkais de
32 ans, résume son film, très
attendu après le succès public
et critique de Hérédité l’an née
dernière. Chef de file avec son
compatriote Jordan Peele (Us,
Get Out) de l’elevated horror,
qu’on pourrait traduire par
“film d’horreur de luxe”, Aster
suit donc les traces des auteurs
les plus brillants du genre
horrifique, de Stanley Kubrick
(Shining) à Roman Polanski
(Rosemary’s Baby).
Décors d’une beauté
impeccable, interprétation de
haut vol, scénario implacable
et obsessionnel (chez Aster le
deuil tient une place centrale),
musique entêtante, humour
décalé et réalisation d’esthète :
rien ne manque à Midsommar.
Au centre du film, le person-
nage de Dani, joué à fleur de
nerfs par l’incroyable Florence
Pugh, une étudiante améri-
caine dont le petit ami Chris-
tian est en train de s’éloigner
inexorablement au moment
où une tragédie familiale la
frappe de plein fouet. Chris-
tian projette avec d’autres amis
thésards d’aller étudier les
rituels païens d’une petite com-
munauté en Suède, rituels qui
n’ont lieu que tous les 90 ans,
et Dani en pleine déprime se
greffe malgré eux au voyage.
Le cinéaste commence
donc par tordre un des pre-
miers préceptes du genre en
choisissant de dérouler son
intrigue non pas dans une nuit
menaçante mais sous le soleil
pastel permanent de juin :
celui des fêtes traditionnelles à
l’ambiance de mariage aseptisé
du solstice d’été suédois avec
couronnes de fleurs, blouses
brodées, danses folkloriques,
jolies maisonnettes et festins
bucoliques. Aster rend ainsi
hommage au classique film
d’épouvante The Wicker Man
de Robin Hardy (1973), avec
Christopher Lee en gourou
qui orchestre le culte cruel
d’une secte sur une petite île.
Le soleil n’empêche pas
l’horreur. Enivrée de drogues
psychédéliques, Dani, poussée
à bout émotionnellement et
séduite par le hårga, la reli-
gion païenne (imaginaire) des
locaux aussi souriants qu’in-
quiétants, finit par participer
à des cérémonies perturbantes
et violentes jusqu’à un climax
hallucinatoire. Les premières
projections du film ont désta-
bilisé et ravi plus d’un critique
aux États-Unis, notamment
parce qu’Ari Aster, qui a écrit
ce film pour digérer une rup-
ture difficile, a mis la relation
amoureuse déliquescente de
Dani et Christian et le chagrin
au cœur de son film d’horreur.
Le couronnement de cette
“reine de la fête” enragée est
aussi au bout du compte celui
de son créateur, avec ce coup
de maître aussi séduisant que
terrifiant.
“MidsoMMar”, d’ari aster avec
Florence Pugh, Jack reynor, Will
Poulter... sortie le 31 Juillet.