Les Echos - 19.08.2019

(avery) #1

20 // PME & REGIONS Lundi 19 août 2019 Les Echos


hésité. « C’est la madeleine de mon
enfance. J’ai adhéré tout de suite, j’ai
voulu marquer le coup », sourit
l’élu. « Quand j’ai su qu’il avait donné,
je lui ai dit que j’étais heureux d’avoir
réussi à convertir un communiste au
capitalisme », plaisante le PDG Geor-
ges Viana. Les deux hommes, qui
s’apprécient, s’en amusent encore.
Sauvée de la mort annoncée, l’entre-
prise, installée dans de nouveaux
locaux de 3.000 m^2 à Colombelles,
près de Caen, fait le choix du haut de
gamme pour séduire la clientèle.
L’origine locale des matières pre-
mières, le beurre d’Isigny AOP, est

mise en avant, de nouvelles recettes
sont imaginées grâce à l’apport d’un
pâtissier meilleur ouvrier de France,
Philippe Parc, sensibilisé par l’his-
toire. Chaque année, les ventes pro-
gressent (+ 28 % l’an dernier) et Jean-
nette affiche un chiffre d’affaires de
2,8 millions d’euros en 2018.
A ce jour, la biscuiterie tourne à
fond avec une ligne de production
flambant neuve. Deux tonnes de
madeleines (soit 80.000 pièces) sor-
tent des fours chaque jour. Avec
32 salariés, dont 6 ex-Jeanettes, un
magasin d’usine qui ne désemplit
pas, 450 épiceries fines en France

qui revendent ses gâteaux, sans
oublier l’Elysée qui sollicite l’entre-
prise pour les festivités du 75 e anni-
versaire du Débarquement ou pour
la Fête de la musique...
Directeur financier à Marseille
d’une filiale d’un grand groupe,
Julien Samama, un Caennais expa-
trié, « élevé à la madeleine Jean-
nette », avait, dès le début, mobilisé
ses réseaux pour venir en aide à
l’entreprise. Devenu membre du
comité stratégique et représentant
des 150 petits porteurs, le dirigeant,
même de loin, continue de s’enga-
ger pour la marque. « J’y crois pro-

fondément, l’avenir est au pre-
mium. » Mais la situation n’est
toujours pas solidement établie.
Les banques, historiquement mar-
quées par les dépôts de bilan suc-
cessifs, s’accordent pour financer le
matériel et seulement lui. La tréso-
rerie reste fragile. « On court mais
pieds nus, se plaît à résumer Geor-
ges Viana. Avec des chaussures de
sport, on pourrait courir plus
vite. » n

Philippe Legueltel
— Correspondant à Caen


E


lle a fait parler d’elle à tra-
vers toute la France.
Fabriquée à Caen (Calva-
dos), la madeleine Jean-
nette a fait irruption
voilà six ans à la une de l’actualité. Le
combat des salariés de l’usine Jean-
nette a ému de très nombreux Fran-
çais. Dans une usine occupée, les
« Jeannette », comme on les a très
vite appelées (sur les 37 employés, la
majorité était des femmes), vont
marquer l’opinion. Quand, le
18 décembre 2013, le tribunal de
commerce de Caen prononce la
liquidation de l’entreprise, qui a
compté jusqu’à 400 salariés, c’en est
a priori fini de cette madeleine née
en 1850. Depuis plus de quinze ans,
les dépôts de bilan se succèdent (
entre 1997 et 2011) et la survie de la
biscuiterie se pose une nouvelle fois.
C’était compter sans la volonté
d’un homme, Georges Viana. Candi-
dat à la reprise de l’entreprise, cet
ancien cadre venu de région pari-
sienne, t ouché par l’histoire et séduit
par l’aventure, se mobilise pour sau-
ver la marque. Pour emporter la
décision des juges, en 2014, il ima-
gine faire appel au financement
participatif. « C’était aussi un bon
moyen de convaincre les banquiers. Il
s’agissait d’une sorte d’étude de mar-
ché en live »,
se souvient-il. L’opéra-
tion, qui consiste à donner de
l’argent contre des madeleines (bap-


tisée « don contre don »), est un suc-
cès. En quelques semaines, plus de
100.000 euros sont récoltés, venus
de toute l a France. « Avant l’audience,
tout le monde nous disait que c’était
mort. Sans cet apport populaire, les
juges ne nous auraient pas attribué la
marque » , veut croire celui qui va
devenir le nouveau PDG.

« Dans l’émotionnel »
Fondateur de la plate-forme Bulb in
Town (lancée en 2013 et devenue
depuis Tudigo), Alexandre Laing n’a
rien oublié de cette époque qui aura
marqué son entreprise. « C’était une
première sur une TPE-PME. La
crainte de la disparition de Jeannette
et la sauvegarde d’un savoir-faire ont
joué. Cela a aussi montré la puissance
de c e mode de financement » , se r emé-
more-t-il. Contrairement à ce qui
était attendu, l’opération pour sau-
ver la madeleine made in Norman-
die explose les compteurs.
Pour aller p lus loin, une deuxième
opération est menée, cette fois sous
forme d’investissement participatif,
de l’argent contre des actions. La
campagne est un succès avec plus de
300.000 e uros récoltés. « On n ’est pas
dans u ne logique financière mais dans
l’émotionnel. Les personnes s’atta-
chent à l’entreprise et non pas aux
titres obtenus en échange de leur enga-
gement », observe Alexandre Laing.
Parmi les donateurs, Gérard Lene-
veu, le maire communiste de Giber-
ville, commune de la communauté
urbaine de Caen-la-Mer, n’a pas

Madeleine Jeannette, le goût de la revanche


La biscuiterie du Calvados, en liqui-


dation en 2013, a survécu grâce


au combat de ses ex-salariés,


la volonté d’un repreneur


et le succès de ses crowdfunding.


6
Demain L’A rbre
aux hérons de Nantes

LES CITOYENS INVESTISSEURS


SÉRIED’ÉTÉ
1/ 10

La biscuiterie affiche maintenant un carnet de commande bien rempli. Photo DR

Da tes clefs


1850 Création
de la Biscuiterie
Normande
1900 Médaille
d’argent à l’exposition
universelle
1930 Naissance
de la marque Galette
de Caen
1986 Rachat
par Gringoire-Brossard
2015 Les salariés ra-
chètent la biscuiterie

Vi ncent Charbonnier
— Correspondant à Lyon


Fini le bio au menu du groupe
agroalimentaire espagnol Ebro
Foods. Sa filiale lyonnaise Panzani
est entrée en négociations exclusi-
ves avec le suédois Midsona AB
pour la cession de toutes ses activi-
tés bio réunies au sein d’Alimenta-
tion Santé, sur la base d’une tran-
saction évaluée à 57 millions
d’euros. Coté à la Bourse de Stoc-
kholm, le groupe suédois est spé-
cialisé dans les aliments bio, les
aliments de santé et soins person-
nels. Ses ventes se sont élevées à
271 millions d’euros en 2018 avec
525 personnes. Il ambitionne de
devenir un acteur majeur de l’ali-
mentation bio en Europe.
Alimentation Santé et ses filia-
les Celnat, Vegetalia et Satoki ont
enregistré un chiffre d’affaires de
35 millions en 2018, dont 23 mil-
lions pour la plus importante Cel-
nat (65 salariés). L’entreprise
auvergnate, rachetée en jan-
vier 2016 par Ebro, s’est spéciali-
sée dans la transformation de
céréales et légumineuses en flo-


AU VERGNE-
RHÔNE-ALPES


Le groupe espagnol
Ebro Foods négocie la
vente de ses activités
bio au suédois Mid-
sona. Notamment le
fabricant de flocons
de céréales Celnat.


machines à sous (contre 41 millions
d’euros en 2011). Pour tenter d’inver-
ser cette tendance, B arrière a décidé
de réagir en faisant appel cet été à
des start-up pour l’aider à innover.
Réservé à celles qui ont déjà réalisé
une levée de fonds et disposant d’un
produit ou d’un service prêt à être
testé, le programme entend aller
au-delà des casinos.
Le but est en fait de redéfinir les
métiers historiques du groupe que
sont, outre le jeu, l’hôtellerie, le
bien-être ou encore la restauration,
mais également ses activités plus
récentes telles que le gaming ou
l’e-sport, en forte croissance chez
Barrière, à destination de ses clients
mais aussi de ses collaborateurs.
Avec un chiffre d’affaires de 1,2 mil-
liard d’euros en 2018, la force de
frappe du groupe est de taille avec
18 hôtels, 33 casinos, plus d e
120 restaurants et bars, 15 spas, et

près de 3.000 spectacles proposés
par an. « Ces jeunes pousses seront à
nos côtés p our améliorer notre trans-
formation et apporter des réponses à
nos grands défis. Grâce à l’intelli-
gence artificielle, nous entendons
mieux anticiper les comportements
de nos clients », précise Samuel
Katz, manager de Barrière Innova-
tion, l’accélérateur de start-up du
groupe.
Deux jeunes entreprises ont déjà
répondu présent. « Nous ne sommes
pas dans l’urgence mais il y a une
prise de conscience d’une nouvelle
clientèle, plus jeune et avec de nouvel-
les attentes », développe le respon-
sable. En septembre, Barrière va
accélérer sa chasse aux start-up.
Pour elles, le groupe met gratuite-
ment l’ensemble de ses ressources
pour conduire un test de trois à six
mois sur un ou plusieurs de ses éta-
blissements. — P. L.

cons bio. Sur les 8.000 à
9.000 tonnes de flocons produites
chaque année, 2.000 tonnes con-
cernent l’avoine. D’autres sont
fabriqués à partir d e blé, d’orge, d e
seigle, de riz, de sarrasin, de châ-
taigne, de petit épeautre et de
légumineuses, et sont commer-
cialisés seuls ou sous forme de
müesli, g ranolas, flakes, p orridge.

Trois silos
Leur transformation s’effectue
dans les deux unités de produc-
tion de l’entreprise à Saint-Ger-
main-Laval (Haute-Loire). Le
moulin le plus ancien de l’entre-
prise est spécialisé dans les len-
tilles et légumineuses, les farines
de blé et de seigle. Trois silos
situés en altitude g arantissent par
ailleurs une meilleure conserva-
tion des céréales et légumineuses
transformées. De leur côté, Vege-
talia et Satoki présentent une
large gamme de produits végéta-
riens biologiques et de substituts
de viande à base de plantes.
La cession d’Alimentation
Santé devrait être bouclée avant le
1 er octobre 2019, après consulta-
tion des représentants du person-
nel. En se désengageant du secteur
bio, Ebro Foods (2,65 milliards
d’euros de chiffre d’affaires)
entend conforter son positionne-
ment de leader mondial dans les
produits frais et d’épicerie salée,
en particulier dans les pâtes ali-
mentaires avec les marques Pan-
zani, Lustucru en France et Garo-
falo en Italie. Ebro Foods est aussi
le plus grand négociant au monde
de riz.n

Céréales : Celnat


change à nouveau


de propriétaire


Le groupe Barrière fait appel aux start-up


Dans l’immense salle de jeux du
casino de Deauville (Calvados), la
table de poker électronique sur-
prend. Entièrement tactile et dotée
de technologies de pointe, elle peut
accueillir dix postes de jeu. Avec
elle, le joueur n’a p lus de cartes dans
les mains. Ces dernières, jointes en
triangle sur la table, cachent les
images dématérialisées qui arri-
vent comme par magie. Seuls les
pouces les font glisser, comme sur
un é cran tactile. Une n ouvelle f açon
de pratiquer qui déroute encore.
« Le lieu, solennel, peut impression-
ner. Nous sommes là p our rassurer e t
initier d e nouveaux p rofils de joueurs
qui arrivent d’Internet et qui vont
pouvoir découvrir une expérience de
jeu différente », explique Christine
Bonneau, la directrice des jeux de
table du casino de Deauville, le fleu-
ron du poker traditionnel dans le
groupe Barrière et qui garde, dans
une salle dédiée, ses tables de jeux
classiques.

Un marché « fragile »
Arrivée en juillet du casino de La
Baule, la table de Texas Hold’em
Poker électronique, d’un coût de
120.000 euros, complète un ensem-
ble de jeux déjà passés à l’ère du digi-
tal, comme le black jack ou la rou-
lette, sans oublier les historiques
machines à sous sur un espace de
2.000 m^2 face à la mer. « Avec cette

NORMANDIE


Po ur capter de nou-
veaux joueurs,
une table de poker
électronique vient
d’être installée au
casino de Deauville.

A Deauville, il y a la possibilité de jouer au poker, au black jack ou à la roulette en version digitale.
Photo Damien Meyer/AFP

diversité de jeux, nous modernisons
nos espaces. Le marché reste très fra-
gile et il nous faut être très volontaris-
tes et surprendre nos clients », ajoute
David Parré, directeur général du
Resort Barrière Deauville-Trouville.
Comme d‘autres grands acteurs
du jeu, l e groupe f rançais, dirigé p ar

Dominique Desseigne, cherche à
changer l’image de ses casinos qui
attirent moins d e clients. Leurs pro-
duits bruts des jeux (PBJ), l’équiva-
lent d’un chiffre d’affaires pour une
entreprise, sont en baisse constante
depuis 2008. A Deauville, il atteint
les 39 millions d’euros, dont 30 mil-
lions d’e uros issus des seules

Ces dernières années,
les casinos attirent
moins de clients.
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