Investir, le Journal des Finances / N° 2379 / 10 août
04 / ÉVÉNEMENT
Laguerrecommercialefaittanguerlesmarchés
ImportationsaméricainesdeChine
WashingtonmenacePékin
denouveauxdroitsdedouane
Source
:Bloomberg.
Le 1
er
septembre
2019
Actuellement
250 Mds$
+3 00 Mds$
taxésà
25 %
taxésà
10 %?
CoursduCac 40
LaBoursecorrigeet rebondit
Août Sept. Oct. Nov. Déc. Janv. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août
2019
5.327,
Objectif
denos
gérants
9août
Dollar-yuan,échelleinversée
Pékinlaissefilerle yuanavantdele stabiliser
Janv.Fév.MarsAvr. MaiJuinJuil.AoûtSept.Oct.Nov.Déc.Janv.Fév.MarsAvr. MaiJuin Juil.Août
2018 2019
7,
7
6,
6,
6,
6,
7,
9août
EtatsUnis Chine
Tempête monétaire
et financière
Bras de fer Pékin riposte aux nouvelles menaces américaines en laissant fléchir sa devise. Les actions et les
obligations ont reculé, tout comme le pétrole et certaines devises émergentes. Les gérants restent sereins.
T
otale. Commerciale,
monétaire, la guerre
e n t r e l e s d e u x
géants économiques
est devenue totale.
Le 1
er
août, le prési-
dent américain a décidé d’appli-
quer dès le 1
er
septembre une
nouvelle taxe de 10 % sur 300 mil-
liards de dollars d’importations
américaines en provenance de
Chine. Cette mesure viendrait
s’ajouter aux 250 milliards de dol-
lars de marchandises chinoises
déjà soumises à une taxe de 25 %.
La liste des produits concernés
inclut un grand nombre de biens
de consommation, une catégorie
que l’administration américaine
avait épargnée jusqu’à présent.
RIPOSTE CHINOISE
La réaction de Pékin ne s’est pas
fait attendre. Les autorités ont
annoncé réduire leurs importa-
tions agricoles du continent nord-
américain et, surtout, ont engagé
une dévaluation de près de 2 % en
une séance du yuan, la devise chi-
noise. Le Trésor américain a
immédiatement dénoncé ce geste
qui s’inscrit en violation des enga-
gements du G20 de ne pas prati-
quer de dévaluation compétitive.
La Chine a ainsi été inscrite sur la
liste des pays « manipulateurs de
devises » par Washington. En signe
d’apaisement, elle est intervenue
mardi pour mettre fin, au moins
provisoirement, à la baisse de sa
devise. Elle a fixé comme cours
pivot la valeur de 6,9996 yuans
pour 1 $, soit sous la barre de 7 $.
Puis, jeudi, c’est le seuil de 7,
qui a été ciblé (7,0136 vendredi),
démontrant que Pékin veut vérita-
blement stabiliser sa devise autour
de 7 yuans pour 1 $.
Les marchés avaient vivement
reculé avant cette accalmie, tout
comme les marchés obligataires,
poussant les rendements des obli-
gations d’Etat de plus en plus en
territoire négatif.
Les prix des matières premières,
comme le pétrole, ont aussi
reculé, signe de la perte de con-
fiance des investisseurs. Ceux-ci
tablaient, jusqu’à ces derniers
événements, sur la poursuite
d’une négociation longue et diffi-
cile, et non pas sur une décision
aussi brutale, après la « trêve »
conclue entre les présidents
Trump et Xi Jinping lors de leur
rencontre en marge du G
d’Osaka, en juin. Les deux pays
avaient d’ailleurs repris leurs
négociations à Shanghai au début
de la semaine dernière. La
prochaine réunion est toujours
prévue début septembre à
Washington. Selon Larry Kudlow,
conseiller économique de la Mai-
son-Blanche, Donald Trump sou-
haite toujours un accord. La
crainte de provoquer une réces-
sion américaine est dans tous
les esprits.
RÉCESSION AMÉRICAINE
Tous les rebondissements sont
donc encore possibles. Les
experts n’ont jamais été naïfs, ils le
sont encore moins aujourd’hui.
Ils ne cessent d’alerter sur la fra-
gilité d’un éventuel accord entre
les deux puissances car le blocage
n’est plus uniquement commer-
cial, mais essentiellement straté-
gique. Les Etats-Unis ne veulent
pas laisser la Chine devenir le lea-
der mondial dans les technolo-
gies. La preuve : Washington
aurait reporté la décision d’octroi
de licences autorisant les entre-
prises américaines à reprendre
leurs échanges avec Huawei
Technologies.
Investir a interrogé huit gérants et
stratégistes qui refusent de céder
à la panique. Ils sont toutefois réa-
listes et n’espèrent pas une sortie
de crise rapide. La volatilité res-
tera ainsi de mise sur les marchés
financiers au cours des prochains
mois. Ils se sont déjà ressaisis en
fin de semaine.- PHILIPPE WENGER
Devises
Le yuan, outil de pression
à double tranchant
RÉCESSION - Pékin a mis la pres-
sion sur Washington mais s’est vite
ravisé. Pour combien de temps?
Cette riposte a pris la forme d’une
guerre des monnaies – la banque
centrale de Chine a laissé filé son
cours pivot au-dessus du ratio de
7 yuans pour 1 $ – pour donner un
coup de pouce à son commerce
extérieur et à son économie mais
aussi pour pousser la Maison
Blanche à faire preuve de sou-
plesse dans les négociations com-
merciales, mal « engagées ».
Effectivement, une baisse de quel-
ques points de pourcentage de la
devise ne peut que soutenir des
exportations chinoises qui man-
quent de tonus (le gain de 3,3 %
annuel de juillet n’est pas durable).
L’excédent courant n’est d’ailleurs
plus ce qu’il était, proche de 1 % du
PIB, contre plus de 10 % il y a une
dizaine d’années.
Mais cette arme monétaire est à
double tranchant. Pékin a mis en
place un contrôle des capitaux
pour éviter des fuites brutales en
cas de stress marqué des marchés
financiers. Le pouvoir craint en
effet un tel scénario déstabilisant.
C’est l’une des raisons qui font dire
à certains économistes que la ban-
que centrale chinoise n’est pas
entrée dans un véritable cycle de
dépréciation monétaire mais
qu’elle s’est contentée de laisser
les marchés de changes s’ajuster à
la baisse. « Nous nous attendons à ce
que les décideurs politiques chinois
maintiennent la monnaie relative-
ment stable autour des niveaux
actuels, et nous ne nous attendons
pas à une dévaluation active mas-
sive », estime ainsi Esty Dwek, res-
ponsable de la stratégie de
marché de Dynamic Solutions
(Natixis). D’autant plus que la
Chine affaiblit ses partenaires
régionaux – Asie du Sud-Est –, qui
doivent également faire fléchir
leurs devises pour éviter toute
récession. L’impact va au-delà de
l’Asie, dans le Pacifique. La banque
centrale néo-zélandaise a abaissé
ses taux directeurs de 50 points de
base, soit deux fois plus que ce qui
était escompté par les marchés.
Le dollar australien, lui, a aban-
donné près de 5 % depuis la mi-
juillet. Globalement, les devises
émergentes ont abandonné ce
qu’elles avaient gagné depuis le
début de l’année. Le yen, valeur
refuge par excellence, s’apprécie,
ce qui n’est pas forcément une
bonne nouvelle pour l’économie
nippone, qui navigue toujours
entre deux eaux. Idem pour
l’euro. - P. W.
Risque
Quelques belles sociétés
françaises concernées
EXPOSITION - A partir de la
base fournie par FactSet, nous
avons mis en évidence dix
sociétés du Cac 40 dont les
ventes réalisées en Chine et
aux Etats-Unis représentent
une part importante de leur
chiffre d’affaires global. Pour
autant, au moment de la publi-
cation des semestriels, les
groupes de luxe ont précisé
qu’ils ne constataient aucun
ralentissement en Chine pour
l’instant.
En ce qui concerne les autres –
énergie, services informatiques,
services aux entreprises –, ils
ont aussi publié des résultats
encourageants à fin juin.
Malgré tout, il est préférable de
bien surveiller ces valeurs,
notamment si aucun accord
s i n o - a m é r i c a i n n e d eva i t
déboucher d’ici quelques
mois. - J.L. M.
Les sociétés du Cac 40 les plus exposées aux EtatsUnis et à la Chine
Sociétés
% de chiffre d’affaires
aux EtatsUnis
% de chiffre d’affaires
en Chine
Conseil â Objectif
ATOS 13,6 11,2 ACHETER â 90 €
DASSAULT SYSTÈMES 25,3 8,5 ACHETER â 165 €
KERING 16,9 7,6 CONSERVER â 530 €
HERMÈS INTERNATIONAL 12,3 12,4 CONSERVER â 700 €
LEGRAND 9,6 9,2 RESTER À L’ÉCART
L’ORÉAL 24,7 8,3 CONSERVER â 270 €
LVMH 23,9 6,7 NEUTRE
PERNOD RICARD 13,7 8,4 ACHETER â 195 €
SCHNEIDER ELECTRIC 27,4 13,8 ACHETER â 90 €
SODEXO 40,4 10,1 ACHETER â 125 €
Source : FactSet.