Elle N°3843 Du 16 au 22 Août 2019

(Tina Sui) #1

ISABELLE VAUTIER/VISUAL VIA STARFACE ; LAURENT ZABULON, ALBAN WYTERS/AB


ACA ; PROD.


16 AOÛT 2019


ELLE.FR 35


j’ai découvert le théâtre, j’ai eu une révélation, comme quand on
tombe amoureuse et qu’on a des papillons dans le ventre », dit-elle,
sincère. D’où cette envie irrépressible de monter à Paris et de tenter
le Conservatoire. « Pour me sentir légitime, il fallait que j’aie une for-
mation solide. Et j ’avais envie d’ être dans une école
publique, car je ne me voyais pas payer pour
apprendre un métier. L’Éducation nationale, c’est la
force de la France, profitons-en », ajoute-t-elle.
Une punchline qui tombe à pic pour parler de son
nouveau film, l’hilarant et particulièrement réussi
« La Vie scolaire ». Zita y joue le rôle de Samia, CPE
prenant son métier très à cœur – personnage ins-
piré par le cousin CPE de Mehdi –, propulsée dans
un collège réputé « difficile » de Saint- Denis. Là-
bas, comme a pu le constater l’actrice, qui a suivi
pendant une semaine la vraie équipe péda-
gogique du collège Federico García Lorca, où a
été tourné le film, « le collège remplit d’autres fonc-
tions que le collège. J’ai assisté à des entretiens
avec des élèves qui avaient des problèmes graves,
et je sentais que tant qu’ils étaient dans l’établisse-
ment, ils avaient un cadre, ils se sentaient protégés
par l’équipe pédagogique. Le collège assure aussi au moins un
repas par jour à certains enfants que leur famille, trop pauvre, ne peut
nourrir suffisamment, comme on le voit dans le film ». Dans cet univers
réaliste, que l’humour et la générosité des deux metteurs en scène
parviennent à rendre haut en couleur, touchant et loufoque, Zita/
Samia est un bloc de professionnalisme, de douceur et de sérieux.
« Pour que les autres personnages existent, il fallait que je tienne le
mien, analyse-t-elle. Samia a une mission : celle de ne pas laisser des
élèves de côté, et, pour cela, elle tient son rôle de CPE. Moi, Zita, je
tiens mon rôle de Zita. Je peux rire entre les prises, mais je fais mon
travail. »

S’agissant du casting, elle dit aussi être heureuse qu’il
soit « très métissé ». Elle-même a demandé aux réalisateurs que
le personnage qu’elle incarne, au départ algérien, devienne guade-
loupéen-algérien. « Ils ont dit oui. » Un rappel de son propre métissage
franco-jamaïcain, qui lui avait valu déjà, pour le film de Philippe Faucon
« Fatima », d’interpréter la fille du personnage principal, une femme de
ménage marocaine. « Enfant, j ’allais tous les ans visiter ma grand - mère
maternelle à Londres. En Jamaïque, elle était secrétaire, et, quand elle
a émigré, elle n’a trouvé, à cause de sa couleur de peau, qu’une place
de couturière dans une usine. Même si l’immigration maghrébine en
France n’a pas la même histoire que l’immigration jamaïcaine en
Angleterre, je leur ai trouvé plein de points communs. À Marseille,
aussi, j ’ai grandi dans le quar tier populaire du Panier, où on entendait
parler l’arabe et le comorien. » Le cinéma, selon elle, rend-il assez
compte des métissages? « Clairement, non. Dans le cinéma français,
il n’y a pas assez d’acteurs asiatiques, noirs, métis, maghrébins. Pour-
tant, je suis contre les quotas. Ce peut être très blessant car ils réduisent
l’acteur à sa couleur de peau et pas à son talent. Par fois, en inter view,
on me pose des questions qui me réduisent à cela. Mais c’est très
intime, la peau. On ne peut pas en parler comme ça. »
Qu’elle interprète une jeune fille gauche et naïve dans « Plan cœur »,
la série romantique de Netflix, ou une junkie dans « La fête est finie »,
le film de Marie Garel-Weiss, Zita Hanrot a l’art de préparer ses
rôles, de soigner les détails, de disparaître derrière ses personnages.

Moins Deneuve qu’Al Pacino, lui dit-on en plaisantant. « Je voudrais
tellement être Al Pacino! soupire-t-elle sur un ton ému et comique à
la fois. Je voudrais avoir son aisance, sa façon de diriger un film par
sa proposition d’acteur. » En attendant, elle s’est lancée dans une
autre aventure, la réalisation, dont elle rêvait depuis
l’âge de 17 ans, mais qu’elle avait retardée
jusqu’alors : « parce que je savais que ça allait trop
me plaire ». Elle a ainsi présenté son premier court-
métrage à Cannes, « La Maman des poissons »,
financé par les Talents Adami. L’histoire, à la fois
drôle et émouvante, de quatre cousins/cousines
obligés d’écrire un discours pour l’enterrement de
leur grand-mère et qui ne trouvent pas les mots. En
ce moment, inspirée par Rohmer et aussi par « Call
Me by Your Name », de Luca Guadagnino, elle
écrit un nouveau scénario. « J’aime beaucoup les
actrices, surtout les sensuelles, comme Béatrice
Dalle dans “37°2 le matin“ ou Laura Dern dans
“Sailor et Lula“ et j’adore les filmer. « Mais, avant
tout, elle s’apprête à par tir en vacances dans le Sud
avec son compagnon, Ambroise Sabbagh, acteur
et réalisateur comme elle, juste après avoir terminé
le tournage de « Rouge », le deuxième film de Farid Bentoumi
aux côtés de Sami Bouajila et Chiara Mastroianni. « Je sors d’un
an de travail très intense, alors je me pose un peu » confie-t-elle, avant
de disparaître. Mais on lui fait confiance, Zita Hanrot la déterminée
ne lâchera rien. ■

ELLE MAG / RENCONTRE


J’AIMERAIS


TELLEMENT ÊTRE


AL PACINO! JE


VOUDRAIS AVOIR


SON AISANCE,


SA FAÇON DE


DIRIGER UN FILM.


ZITA HANROT



  1. Zita le 3 mai 2018 au
    défilé Chanel 2018/2019.

  2. Avec Moussa Mansaly
    et Alban Ivanov dans « La
    Vie scolaire ». 3. Avec
    Leïla Bekhti en 2018.

  3. Entourée de Sabrina
    Ouazani et de Joséphine
    Draji dans la série « Plan
    cœur ». 5. 2016, Zita
    reçoit le césar du meilleur
    espoir féminin.


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