SAMEDI 10 AOÛT 2019 sports| 15
Paris, grand favori d’une Ligue 1 en chantier
Les concurrents du PSG abordent la nouvelle saison, qui doit débuter vendredi 9 août, sans certitudes
O
n aimerait se dire que
cette nouvelle saison
de Ligue 1, dont le
coup d’envoi doit être
donné vendredi 9 août par un
choc Monaco- Lyon, ne sent pas le
réchauffé. Mais dans ce cham-
pionnat qui s’est trouvé un nou-
veau partenaire officiel, avec une
entreprise de livraison de repas
remplaçant un vendeur de cana-
pés, l’ogre du Paris-Saint-Ger-
main, titré six fois en sept saisons,
risque de ne laisser que des miet-
tes à ses adversaires.
D’autant que l’équipe de Tho-
mas Tuchel n’a guère brillé la sai-
son passée. C’est-à-dire, selon ses
standards, qu’elle n’a remporté
que la L1, laissant la Coupe de
France aux Rennais, la Coupe de la
Ligue aux Strasbourgeois, sans
même parler de la Ligue des
champions, quittée dès les huitiè-
mes de finale. Rassuré par la no-
mination du Brésilien Leonardo
au poste de directeur sportif, de
retour après un premier mandat
achevé sans gloire (2011-2013), em-
mené par sa flopée de stars
internationales, dont Kylian
Mbappé (33 buts la saison der-
nière) est devenu la tête de gon-
dole, le PSG entame la saison le
ventre presque creux, et l’esprit
un brin revanchard. Le Trophée
des champions remporté (2-1) face
à Rennes, le 3 août, était une mise
en bouche, et, si le PSG doit crain-
dre quelqu’un, c’est surtout lui-
même. Et plus particulièrement
sa méga star, Neymar Junior.
Des atermoiements du Brési-
lien, qui ne cache plus ses envies
de départ, pourraient dépendre la
viabilité du projet sportif et com-
mercial du club parisien, qui vi-
sera un neuvième titre national,
pour rattraper au palmarès Mar-
seille et se rapprocher du record
de Saint-Etienne (10).
Comme les Phocéens, les Verts
ne concurrencent plus le PSG que
dans les livres d’histoire. Sur le
terrain, c’est surtout la course au
podium, et à la qualification en Li-
gue des champions, qui va aigui-
ser les appétits des poursuivants.
Le surprenant dauphin lillois, qui
disputera la prestigieuse compé-
tition européenne cette année,
aura fort à faire pour rester com-
pétitif. Le club nordiste a vendu,
plutôt très bien, ses meilleurs
joueurs, dont l’attaquant ivoirien
Nicolas Pépé (22 buts, 11 passes
décisives la saison dernière), pour
80 millions d’euros, à Arsenal. Et il
va désormais miser, à ses risques
et périls, sur une flopée de suppo-
sées stars en devenir, comme le
Turc Yusuf Yazici, le Nigérian
Victor Osimhen, ou l’Américain
Timothy Weah.
Nouveau départ à Marseille
Tout aussi actif sur le marché des
transferts, l’Olympique lyonnais,
troisième l’an dernier, espère gri-
gnoter une meilleure part du gâ-
teau. Après le départ de l’entraî-
neur Bruno Génésio, les Gones
ont fait leur révolution à la mode
auriverde , avec l’arrivée d’une lé-
gende au poste de directeur spor-
tif, Juninho, et d’un novice en
tant qu’entraîneur, son compa-
triote Sylvinho. Le duo s’est sé-
paré de plusieurs joueurs-clés,
dont Ferland Mendy (Real Ma-
drid), Tanguy Ndombélé (Totten-
ham) et Nabil Fekir (Betis Séville),
mais a enregistré de solides ren-
forts comme Thiago Mendes (ex-
Lille), Joachim Andersen (ex-Sam-
pdoria) ou Jean Lucas (ex-Santos).
Fort d’un exercice 2018-2019 bou-
clé avec un chiffre d’affaires de
309 millions d’euros, soit 7 % de
mieux qu’en 2017-2018, l’OL s’of-
fre une saison de transition. Il
reste un sérieux candidat pour la
place de dauphin, mais qui
avance sans repères.
Manière de voir le verre à moitié
plein après une saison ratée, Mar-
seille n’est engagé cette année
dans aucune compétition euro-
péenne qui pourrait troubler son
championnat. Ce quatrième exer-
cice de l’ère Frank McCourt est ce-
lui d’un nouveau départ, avec l’ar-
rivée d’un coach jeune et réputé, le
Portugais André Villas-Boas, an-
cien de Chelsea et de Porto. Cham-
pion des projets, l’OM fait surtout
comme il peut. En témoigne le re-
crutement de l’Argentin Dario
Benedetto, ex-Boca Junior, 29 ans,
sans expérience en Europe et pro-
pulsé tête d’affiche d’un mercato
marseillais limité par les contrain-
tes du fair-play financier.
L’autre inconnue, grande com-
me son rocher, s’appelle l’AS Mo-
naco. L’addition aurait pu être
plus salée pour le club de la prin-
cipauté, passé tout près de la relé-
gation en mai dernier (17e), après
une saison marquée par le limo-
geage en octobre, puis le retour
en janvier, du coach portugais
Leonardo Jardim. En chute libre
depuis son titre en 2017-2018,
l’ASM paie l’addition de plusieurs
campagnes de recrutement ra-
tées, avec pour conséquence un
effectif professionnel pléthori-
que, comptant plus de 64 joueurs
sous contrat. Les départs pro-
grammés de Radamel Falcao,
Rony Lopes ou Djibril Sidibé
(prêté à Everton) allégeront un
peu la barque, mais la fragilise-
ront aussi sur le terrain.
Derrière ces grosses écuries ex-
posées à des vents contraires, les
habituels seconds couteaux peu-
vent donc avoir les crocs. Ce sera
le cas de Saint-Etienne, cin-
quième la saison dernière, qui
s’est renforcé avec des joueurs ex-
périmentés, comme l’Algérien
Ryad Boudebouz ou le Péruvien
Miguel Trauco. Vainqueur de la
Coupe de France 2019, son pre-
mier trophée depuis quarante-
huit ans, Rennes avance décom-
plexé, dans la foulée de son en-
traîneur Julien Stéphan.
Brest et Metz, les inconnues
Montpellier s’appuie aussi sur un
effectif relativement stable et s’est
adjugé les services du Nîmois Téji
Savanier, meilleur passeur de Li-
gue 1 l’an dernier, qui manquera
toutefois le début de saison à
cause d’une blessure au genou.
L’OGC Nice, septième la saison
dernière, se trouve, lui, dans une
situation paradoxale. En passe
d’être racheté par le milliardaire
anglais Jim Ratcliffe, le club est
presque riche, mais pas encore.
En attendant que la transaction
soit effective, ce qui ne sera pas le
cas avant le 15 août, les hommes
de Patrick Vieira ont vécu une
préparation qui a tourné au vinai-
gre, avec 14 buts encaissés en
deux matchs, contre Burnley
(Premier League) et Wolfsburg
(Bundesliga). Les Niçois devront
recruter vite et bien pour éviter
de s’écraser dans les profondeurs
du classement.
Parmi ceux qui ne savent pas à
quelle sauce ils vont être mangés
figurent logiquement les deux
promus. Brest, absent de L1 de-
puis 2013, se reposera largement
sur Gaëtan Charbonnier, auteur
de 27 buts et 6 passes décisives en
Ligue 2 l’an dernier. Après le dé-
part de Jean-Marc Furlan, Olivier
Dall’Oglio aura pour mission de
faire aussi bien qu’à Dijon, qu’il
avait fait monter en 2016 et
maintenu dans l’élite pendant
deux saisons.
Champion de L2, le FC Metz a su
garder ses joueurs, ce qui est à la
fois rassurant et inquiétant, signe
qu’ils n’étaient pas forcément sur
les tablettes de clubs plus ambi-
tieux. Autre équipe qui risque de
boire la tasse, Dijon a enregistré
neuf départs. Pour sa cinquième
saison en Ligue 1, le club a donné
les clés à Stéphane Jobard, dont
c’est le premier poste en tant
qu’entraîneur principal. Dans
une L1 où chacun cherche encore
son modèle, la lutte pour le main-
tien aura au moins le mérite
d’être indécise.p
lætitia béraud
et erwan le duc
Les bancs du championnat de France parient sur l’international
Christophe Galtier, à Lille, est le seul entraîneur français à la tête d’un grand club visant le podium cette saison
E
n trente-deux ans de règne
à l’Olympique lyonnais,
jamais Jean-Michel Aulas
n’avait fait confiance à un entraî-
neur étranger. Trop « risqué » ,
mais aussi une affaire de « convic-
tion » , arguait le patron de l’OL,
avant de changer son fusil
d’épaule. Pour la seconde fois de
son histoire, après le Yougoslave
Vladimir Kovacevic en 1981-1982,
un coach étranger – le Brésilien
Sylvinho – va s’asseoir sur le banc
des Gones. Une « mini-révolu-
tion » pour la formation rhoda-
nienne, une habitude pour les
grands clubs de Ligue 1.
A l’orée de la nouvelle saison,
qui débute vendredi 9 août, on
retrouve l’Allemand Thomas
Tuchel à Paris, le Portugais
Leonardo Jardim à Monaco, son
compatriote André Villas-Boas
fraîchement arrivé à Marseille, et
donc le novice Sylvinho à Lyon.
Seul Lille, surprenant deuxième
la saison passée, hisse encore un
pavillon tricolore sur son banc,
confié à Christophe Galtier.
« Vous me parlez du Real Ma-
drid? Ah non, des clubs anglais? » ,
ironise Raymond Domenech.
Président de l’Union nationale
des entraîneurs et cadres techni-
ques du football (Unecatef), le
syndicat des entraîneurs, l’ancien
sélectionneur des Bleus (2004-
2010) insiste : la France est logée à
la même enseigne que tous les
grands championnats euro-
péens : « La mode est à l’entraîneur
étranger. » Et en comparaison
avec la Premier League anglaise et
ses huit coachs locaux (neuf en
comptant le Nord-Irlandais
Brendan Rodgers) sur vingt équi-
pes, la L1 serait même à envier.
Le Français s’exporte mal
Il n’empêche. Le recours aux tech-
niciens venus d’ailleurs n’est pas
forcément bien vu par les repré-
sentants des locaux. D’autant que
les entraîneurs français ne sont
guère mieux lotis à l’export. Hor-
mis Zinédine Zidane, de retour au
Real Madrid, et si l’on considère
que la deuxième division an-
glaise, où officie Sabri Lamouchi,
à Nottingham Forest, n’est pas
tout à fait l’élite, les bancs des
principaux championnats euro-
péens sont vierges de techniciens
tricolores. Après le licenciement
de Claude Puel par Leicester, en fé-
vrier, c’est la première fois depuis
1996 qu’aucun coach français
n’entraînait en Angleterre, en Al-
lemagne, en Espagne ou en Italie.
Là où la filière portugaise, par
exemple, s’exporte en masse.
« On n’a pas de réseau ni d’iden-
tité collective » , analyse Raymond
Domenech. Les agents des coachs
français ne boxent pas dans la
même catégorie que les poids
lourds, capables de dénicher rapi-
dement un club européen à leurs
poulains. Et difficile de définir les
caractéristiques d’un technicien
hexagonal, là où « les Espagnols
ont réussi à s’approprier le beau
jeu, les Italiens la science tactique
et les Portugais l’image de
meilleurs vendeurs, capables de
faire progresser les pépites » , cons-
tate l’ancien coach des Bleus.
Un argument que mettait en
avant Luis Fernandez en février.
« Ce n’est pas une question de sa-
voir-faire, mais de réseaux. C’est
simple, aucun entraîneur français
ne travaille avec un agent capable
d’avoir des connexions à l’étran-
ger. » La trajectoire récente de
l’ancien coach de l’OL, Bruno Ge-
nesio, en offre un témoignage
doux-amer. Sous la houlette de
l’influent agent Pini Zahavi, il a
failli se retrouver à la tête du New-
castle FC. Pour finalement s’enga-
ger avec le club pékinois Beijing
Guoan pour une pige de six mois
dans le championnat chinois.
Agents de joueurs et d’entraî-
neurs de L1, Christophe Hutteau
« regrette une certaine frilosité »
des présidents quand il s’agit de
donner sa chance à un jeune tech-
nicien français. « Il y a, en Ligue 2,
des entraîneurs qui n’ont pas eu
leur chance en Ligue 1 alors qu’ils
ont fait leurs preuves. On préfère
parfois tenter un coup avec un
coach étranger. » S’il ne remet pas
en question « la qualité des entraî-
neurs enrôlés, leurs compétences
ou leur palmarès » , il s’interroge
sur ce « phénomène de mode »
voulant que « l’herbe soit toujours
plus verte ailleurs ».
« En quoi est-ce un problème? »
Un accueil pour le moins sévère
qui ne plaît guère à Christophe Du-
garry. « En quoi est-ce un problème
que nos sept premières équipes
soient aujourd’hui entraînées par
un coach étranger? », s’est agacé le
champion du monde 1998 à la fin
de la saison passée. Pour le consul-
tant de RMC Sport, leur palmarès
parle pour eux, et « ils auront à
faire aux mêmes obligations de ré-
sultats » , à la différence de certains
coachs français « qui n’ont jamais
eu de résultats et qui ont réussi à re-
bondir une dizaine de fois, qui ont
fait tous les clubs de L1 ».
« Aucun
entraîneur
français
ne travaille avec
un agent capable
d’avoir
des connexions
à l’étranger »
LUIS FERNANDEZ
ancien coach du PSG
Kylian Mbappé,
à Shenzhen (Chine),
le 3 août. FRANCK FIFE/AFP
En passe d’être
racheté par
le milliardaire
anglais Jim
Ratcliffe, Nice est
presque riche,
mais pas encore
Après Paris, Monaco et Mar-
seille, Lyon a franchi le Rubicon
cet été. Reste Lille, donc, parmi
les cinq plus gros budgets du
championnat. Presque un com-
ble, au vu du projet du club nor-
diste, axé sur l’international.
Mais après le cinglant échec de
Marcelo Bielsa en 2017, le LOSC a
trouvé, avec Christophe Galtier,
un entraîneur capable de redres-
ser un navire mal embarqué – à
son arrivée, le club était 18e – et
de le mener jusqu’en Ligue des
champions. Un coach qui sait
aussi lâcher la main sur le recru-
tement, composante essentielle
de la politique de « trading » de
jeunes joueurs à fort potentiel
mis en place à Lille.
Or, tous les techniciens ne se
plient pas de bonne grâce à cette
reconstruction permanente.
« C’est son intelligence, souligne
Christophe Hutteau. Galtier est
dépourvu de cette mentalité
franco-française qui voudrait
tout verrouiller, rejeter tout ce
qui vient de l’extérieur, et décider
de tout. » p
clément martel
LES MATCHS
LA PREMIÈRE JOURNÉE
9 août
Monaco-Lyon (20 h 45)
10 août
Marseille-Reims (17 h 30),
Angers-Bordeaux,
Brest-Toulouse, Nice-Amiens,
Dijon-Saint-Etienne,
Montpellier-Rennes (20 heures)
11 août
Lille-Nantes (15 heures),
Strasbourg-Metz (17 heures),
PSG-Nîmes (21 heures)