Version Femina N°905 Du 4 Août 2019

(Amelia) #1
version femina

S’amuser,


la meilleure des


thérapies


Faire la fête, c’est devenu presque une obsession,
toutes générations confondues. Que signifie cette envie
irrésistible de lâcher prise? Pourquoi, encore plus que jamais,
se déhancher sur Abba nous fait autant de bien?

C


haque été, après le départ de ses enfants en colonie
de vacances, Karine a un rituel : organiser une
« boum d’été ». « Je loue des spots, une boule disco,
je demande à mes amis d’apporter de quoi grigno-
ter ou boire, et on danse toute la nuit dans mon jardinet.
C’est l’extase! » Une playlist années 80, une « choré » impro-
visée sur Dalida, du rosé glacé, de la bonne humeur... il en
faut peu, parfois, pour être heureux! Si les fêtes comme le
31 décembre perdent du terrain – le caractère « imposé » en
rebute plus d’un –, les petites fiestas entre amis ont le vent
en poupe. Qu’est-ce que cela traduit de notre société?

L’opium du peuple?
Cette envie de s’éclater répond bien sûr à un « évident besoin
de communion », comme le souligne le sociologue Michel
Maffesoli*. « A longueur d’année, chacun est derrière son
écran, dans sa bulle... On n’a qu’une envie : se reconnecter
à la vraie vie dans un grand bain collectif. » Mais il y voit
surtout une sorte de « retour du refoulé ». « Plus on est dans
la contrainte, la rigueur, comme en ce moment, plus on a
besoin de se défouler. Prométhée, l’homme de
science, celui qui nous guide vers le progrès, est
en quelque sorte remplacé à ces moments-là
par son “frère opposé”, Dionysos, le dieu du vin
et des excès. » « J’ai un souvenir récent de fête,
raconte Yvan, 39 ans. Il était minuit passé, nous
étions sur le départ, quand, soudain, on entend
Daddy Cool, de Boney M. On s’est regardés, on
s’est souri et on est retournés illico danser
jusqu’à 4 heures du matin! En se disant : “on
aura le temps d’être raisonnables, ça fait trop de bien.” »
Plus les temps sont durs, plus on aime festoyer. Pour oublier,
pour communier, et aussi pour célébrer ce que l’on ne pourra
pas nous enlever, quoi qu’il arrive : l’amitié. « Mon plus beau
souvenir de fête, c’est un barbecue que j’avais organisé après
la mort de mon amie d’enfance, raconte Elise, 42 ans. Durant

sa maladie, comme on se
relayait auprès d’elle à l’hôpital,
j’avais lié connaissance avec
certains de ses copains que
j’avais juste croisés jusque-là
lors de soirées – c’était une
fêtarde! Cela devait être un
simple dîner pour partager des
souvenirs autour de notre
amie... et c’est parti en caca-
huète! On a sorti les cotillons,
les cornes de brume, des dégui-
sements un peu too much qui traînaient dans la cave, et on
a déliré jusqu’à 3 heures du matin. Mes voisins et mes enfants
s’en souviennent encore! Ça nous a fait un bien fou et ça a
scellé notre amitié. Nous n’avons jamais perdu le lien. »

Le père Fouettard devient DJ pour ses enfants
Faire la fête, c’est retrouver ses amis, mais aussi... s’autoriser
à devenir quelqu’un autre. Depuis quelques années, avec la
tendance cosplay (déguisements à la japonaise
comme dans les mangas), on assiste à un retour
des grandes fêtes costumées. Ces carnavals à
l’échelle privée permettent de transgresser les
limites de son « moi ». « Avec mon mari, on
adore les soirées à thème », raconte Ariane. De
la soirée Houellebecq, où elle était tout de noir
vêtue et harnachée de bottes à talons aiguilles,
façon dominatrice, à la thématique Proust, où
elle figurait la duchesse de Guermantes, elle est
passée par toutes les identités! « Ce que je préfère, pourtant,
ajoute Ariane, ce sont les nuits d’été au château de Vaux-le-
Vicomte. J’ai l’impression de jouer dans un film d’époque – les
hommes sont magnifiques en costume de marquis! »
La fête, c’est également l’occasion de cultiver les liens intergé-
nérationnels, comme chez Alexandra. « On a pris l’habitude

« Plus on est
dans la rigueur,
comme en ce
moment, plus
on a besoin de
se défouler »

Par Valérie Josselin

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. A CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

Dossier

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