Sandrine Kiberlain déménage. Au sens propre. En ce début
d’été, au mitan de la vie, elle s’apprête à quitter son appartement,
ses habitudes, les souvenirs de sa fille enfant. « La réalité a rattrapé
la fiction », laisse tomber l’actrice dans un sourire, évoquant à demi-
mot le film de Lisa Azuelos, « Mon bébé », où elle interprétait une
mère plus vraie que nature face à ses ados qui,
un à un, quittent le nid. « Heureusement que je
l’ai tourné avant le départ de ma fille, sinon, je
ne sais pas si j’aurais été capable d’y mettre
autant de légèreté comique. » Bien sûr, ce sont
des peines de paradis. Mais quand même,
« c’est très surprenant... oui, surprenant... »,
égrène-t-elle, perdue dans ses pensées, déli-
catement courbée dans sa longue robe d’été,
« faut s’adapter ». Et de conclure, drôlement :
« Surtout pendant une semaine! Ça paraît
court, comme ça, mais ça peut être très long.
Moi, j’ai rien compris. Tout change. Les
courses, par exemple, on les fait autrement,
voire on ne les fait plus. Les horaires : tout s’or-
ganisait autour d’elle, désormais, tout s’organise avec elle, mais dif-
féremment. C’est un autre quotidien qui commence. »
Sandrine Kiberlain déménage. Au sens figuré. Elle nous par-
donnera, on l’espère, cette facilité de langage – ringarde qui plus
est. Sur les photos shootées en Corse pour ce numéro de ELLE, on la
découvre plus téméraire, plus sensuelle. Plus osée? « J’aime bien ne
pas être dans le pléonasme : être glamour ou sophistiquée dans un
lieu naturel, ça passe, glamour sur glamour, c’est too much, et natu-
relle dans un cadre naturel, j’ai déjà beaucoup donné. » Entourée
d’une équipe qu’elle côtoie depuis des années, le maquilleur Chris-
tophe Danchaud, « avec qui [j’ai] fait ma pre-
mière couverture de ELLE il y a vingt ans! », et
le coiffeur John Nollet, ami fidèle, elle est allée
vers « des images que[j’]aime sur les autres :
les yeux charbonneux, les cheveux plus fous.
J’ai toujours souffert d’avoir l’air plus sage que
je ne le suis. Quand on avance en âge, on se
connaît davantage, on sait mieux ce qui nous
va, ce dont on a envie. Pareil pour la tenue...
j’ose être en culotte plus que quand j’avais
20 ans! » C’est la vie? « Non, c’est le Pilates »,
répond-elle du tac au tac, « Studio Rituel à
Paris, trois fois par semaine, où je retrouve ma
prof adorée, Verena, vous pouvez noter ».
Elle a ce recul amusé qui pique une allure plu-
tôt languide et élégante de lévrier (afghan) ; elle en joue d’ailleurs
régulièrement sur son compte Instagram, postant des images de ce
chien au poil long et soyeux comme autant d’échos à ses états
d’âme. Elle a aussi la générosité curieuse de la fille bien dans ses
pompes, apaisée. « Il y a des peurs qui tombent avec le temps. Je me
dis que j’ai de la chance, je peux encore faire ces photos,
UNE SAISON
AU ZÉNITH
SOLAIRE, BIEN DANS SA CINQUANTAINE, AUSSI À L’AISE DANS
LA COMÉDIE QUE DANS LE DRAME, L’ACTRICE PASSE
PROCHAINEMENT À LA RÉALISATION. UN NOUVEAU TERRAIN
D’AVENTURE, AU MOMENT OÙ SA FILLE QUITTE LE NID
ET OÙ ELLE RETROUVE VINCENT LINDON SUR UN PLATEAU DE
CINÉMA. CONFIDENCES D’UN JOUR D’ÉTÉ. PAR MARION RUGGIERI
SANDRINE KIBERLAIN
J’AI TOUJOURS
SOUFFERT D’AVOIR
L’AIR PLUS SAGE
QUE JE NE LE SUIS.
AVEC L’ÂGE, ON OSE
DAVANTAGE
ÈRIC GUILLEMAIN