ceux qui ont vécu des histoires d’horreur si
violentes qu’ils ont appris à ne pas parler,
à ne montrer aucune émotion. Ces violen-
ces et ces non-dits sont intergénérationnels
et c’était vraiment important d’entendre le
gouvernement les admettre. Depuis, on ex-
plose d’envie de dire des choses, mais à no-
tre manière. On nous donne enfin la li-
berté d’être sauvage»,explique-t-elle.
Bien qu’elle ait flirté avec le chant de gorge
traditionnel, son approche est malléable et
contemporaine. Belle tranche de révolte,
Arnaq, vec ses chœurs guerriers, ses riffsa
graves de guitare et sax dissonants est une
ode aux femmes autochtones disparues:
«Malgré cette Commission vérité et réconci-
liation au Canada, de nombreux problè-
mes persistent : il n’y a toujours pas d’eau
potable dans les éservesr , pas de psycholo-
gues dans les villages pour un peuple qui
souffre autant. En tournée, je vois à quel
point ce monde est figé dans ses clichés sur
la glace, la neige, les igloos... faisant
oublier la réalité humaine et notre poésie.»
CHARLINE
LECARPENTIER
ELISAPIEen concert au
Festival du bout du monde, presqu’île
de Crozon (Finistère), ce samedi.
ques(Contre vents et marées).Et
parfois à un genre de folk-pop ou
jazzy(Tes Gestes, Dans ses yeux) uiq
a encore fière allure. On ne peut que
constater,faceàcettesommede340
titres (dont nombre d’adaptations
de poètes, de Hugo à Cocteau), que
parmi les générations successives
d’artistes qui en auraient l’étoffe,
peu se sont attardés du côté de ce
Serge-là. Biolay a reprisDéjeuner de
soleil ur son album avec Melvils
Poupaud, mais c’est à peu près tout.
Un tribute pré-mortem de 2002 ali-
gnait les épouvantails Bénabar,
Bruel et autres Sanseverino, autant
dire que l’hommage digne de l’Ita-
lien reste à faire.•
SERGE REGGIANI, UNE VIE
D’ARTISTE offret 18 CDC
et 2 DVD: asque d’orC teVincent,
François, Paul et les autres
(Universal), 90€.
Elisapie,
du froid au show
«I
nterviewer un Inuit est plus stres-
sant que d’interviewer Neil Young,
nous confie Elisapie Isaac, chan-
teuse inuit, ex-journaliste et réalisatrice du
documentaireSi le temps le permet, ournét
en terre arctique.On est habitué à ne pas
en dire trop, à avoir presque une communi-
cation non-verbale, j’ai trouvé ça violent
par moments d’être là avec mon micro.» eC
soir d’avril, c’est nous qui la questionnons
sur le toit d’un hôtel parisien, nous instal-
lant au premier rang pour observer, mé-
dusées, les volutes de fumée noire qui
s’échappent de Notre-Dame.
Dès ses 15 ans, Elisapie a voulu être jour-
naliste et travaillait à la radio régionale
l’été.«J’ai toujours aimé poser des ques-
tions, être curieuse. Ça m’a permis aussi de
m’adapter à des situations stressantes car,
plus jeune, j’étais très timide.» 21 ans,A
elle quitte Salluit, village nordique de la
région du Nunavik, avec l’impression
d’étouffer: J’avais« besoin d’aller me per-
dre avec des artistes. J’étais si naïve. Pour
moi, Montréal, c’était comme dans les
films, je me disais u’il devait y avoir uneq
rue avec plein de musiciens.» lle en ren-E
contre effectivement assez vite. «C’était le
début des années 2000, tout le monde ne
faisait pas que de la chanson québécoise
ou francophone, c’était très orienté musi-
que world.»Elle se tourne vers la folk, qui
l’a accompagnée dès l’enfance –de Hank
Williams aux Everly Brothers, puis Neil
Young, Johnny Cash, Bob Dylan. «Cette
musique est devenue comme une thérapie
et comme un ADN car, pour la première
fois, on ne se sentait pas stigmatisés. Neil
Young ou Bob Dylan ne pensaient pas aux
Inuits dans leurs compositions, mais les
années 60 et 70 ont été révolutionnaires
pour tout le monde. Certains pensent que,
nous, les autochtones n’avons pas compris
ce mouvement... mais mon oncle avait les
cheveux longs et les gens fumaient du can-
nabis.» Son quatrième album, The Ballad
of the Runaway Girl,sorti à l’automne
dernier, est une célébration folk en lan-
gues inuktitut, anglaise et française, avec
quelques reprises de titres autochtones et
folkde cette époque qu’elle découvrait,
alors adolescente, dans la section inuit
des archives de la radio locale –dont le
groupe de son oncle, enregistré par CBC
en live. «En ce moment, l’art, la musique,
l’expression artistique sont plus que ja-
mais des outils pour les autochtones, car le
gouvernement du Canada a enfin de-
mandé pardon aux premières nations, à
ceux qui, comme mon oncle, ont été en-
voyés au pensionnat dès l’âge de 5 ans,
La chanteuse inuit, en concert dans le Finistère,
revient sur son parcours avant de se convertir
à la folk et évoque ses racines arctiques
et les difficultés de son peuple. LE-PIGEON
ACTUELLEMENT
AU CINÉMA
3URPDUHOHÀOP
SÉANCE ÉVÈNEMENT
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Libération Samedi3 e t Dimanche4 Août 2019 http://www.liberation.fr f acebook.com/liberation f t @libe u 25