Libération - 03.08.2019

(Axel Boer) #1

IV u ibération L Samedi3 e t Dimanche4 Août^2019


Camilla Parker Bowles :


de l’ombre de Diana


à la lumière de Windsor


Comme Sarah
Ferguson, l’épouse
du prince Charles,
a retrouvé sa
légitimité après
une période
délicate.

C


harles a rêvé et Ca-
milla a plongé au
cœur d’un long cau-
chemar. Le prince a
rêvé d’être un tampon hygiéni-
que, voire une boîte entière de
tampons hygiéniques. Camilla
a trouvé l’idée saugrenue mais
en même temps«formidable»,
et puis le monde s’est écroulé.
En janvier 1993, le prince Char-
les, héritier du trône britanni-
que, est séparé depuis quelques
mois de la princesse Diana. Le
couple n’est pas encore divorcé,
mais la guerre est bien engagée.
The People, uotidien à scan-q
dale, sort alors un enregistre-
ment datant de 1989, quand
Charles et Diana étaient encore
mariés. Il s’agit d’une conversa-
tion téléphonique tardive et
très intime entre Charles et sa
maîtresse, Camilla Parker
Bowles, laquelle est aussi en-
core mariée de son côté. Le
scandale est immense, Camilla
se terre et Diana apparaît plus

que jamais comme une victime
désarmée. En 1995, dans une
interview explosive et un batte-
ment de paupières historique,
Diana confiera avoir su que son
prince finalement peu char-
mant avait une liaison.«Nous
étions trois dans ce mariage,
c’était un peu peuplé», ira-t-d
elle d’un air entendu. La même
année, Camilla divorce de son
mari Andrew Parker Bowles,
père de ses deux enfants.

Polo. amilla, avec laquelle leC
prince Charles entretient une
liaison plus ou moins continue
depuis les années 70, devient la
cible préférée des tabloïds. Elle
est la briseuse de ménage, le
«rottweiller», la sorcière moche
et méchante qui a brisé le conte
de fées du siècle. Le divorce de
Charles et Diana est prononcé
le 28 août 1996. Un an plus tard,
le 31 août 1997, la princesse
de 36 ans meurt dans un tragi-
que accident de voiture au
cœur de Paris. Elle laisse deux
enfants, William, 15 ans, et
Harry, 12 ans, et un pays incon-
solables. Camilla se terre en-
core plus, n’apparaît plus en pu-
blic. Mais elle reste liée à
Charles et, petit à petit, très len-
tement, une campagne de réha-
bilitation s’engage, orchestrée

par Clarence House, le palais du
prince de Galles. Les années
passent et la voici qui réappa-
raît à un match de polo, lors
d’un baptême aristocratique.
Elle reste intensément discrète,
mais elle reste. Et les Britanni-
ques découvrent que leur futur
roi (si, si, un jour viendra...) est
soit extrêmement têtu, soit un
amoureux au long cours.
Le 9 avril 2005 marque le début
du grand retour. Charles et Ca-
milla s’épousent, dans la cha-
pelle de Windsor, en l’absence
de la reine certes, mais en pré-
sence de tous leurs enfants et
même de l’ex-mari de Camilla
et de sa nouvelle épouse.
La reine se dit«ravie», les fils de
Diana, William et Harry, se di-
sent«ravis», u coup, l’opiniond
publique se dit relativement sa-
tisfaite. Depuis, celle qui a pris
le titre de duchesse de Cor-
nouaille, histoire de ne pas
marcher sur les plates-bandes
de Diana, princesse de Galles
figée dans le panthéon de la
mémoire royale, fait un sans-
faute. Elégante, elle rit beau-
coup. Elle se bidonne avec la
reine, avec William et Harry et
leurs enfants et surtout, elle se
bidonne avec Charles.

Culte. es vidéos du coupleL
pris de crises de fou rire irré-
pressibles courent sur Internet.
Celle de 2017, tournée au Ca-
nada alors qu’ils assistaient à
une représentation de katajjaq,
un chant inuit très particulier,
vaut le détour.
Les Britanniques vouent à leur
reine, Elizabeth II, 93 ans, un
culte passionné. Peu à peu, ils
se font pourtant à l’idée qu’un
jour viendra où leur nouveau
souverain, en principe Charles,
sera d’un genre bien différent,
bien moins doué que sa mère
pour la fameuse règle de lastiff
upper lip. Cette expression, si-
gnifiant littérallement «lèvre
supérieure rigide», signifie tout
simplement s’abstenir de ma-
nifester ses émotions quelles
que soient les circonstances.
Le futur roi Charles semble
heureux et rit souvent, grâce à
sa future reine consort, Ca-
milla. Et finalement, les Britan-
niques ne la détestent pas.
S.D.-S.(à Londres)

Charles et Camilla aux «Mey Games»,
dans les Higlands écossais, en 2005 à Caithness.
PHOTO CHRISTOPHER FURLONG. GETTY

Kate Middle-
ton l’excluront de la liste des invités
de leur mariage dans l’abbaye de
Westminster.«La dernière mariée à
avoir remonté cette nef, c’était moi»,
dira-t-elle dans une interview.
Dans tous les contes de fée, il y a une
bonne marraine. Entre en scène
Oprah Winfrey, fantastique monstre
médiatique américain. Peu après le
scandale, elle lui propose de partici-
per à un documentaire en six par-
ties:Finding Sarah: From Royalty to
the Real World «à la recherche de(
Sarah: de la royauté à la vie réelle»),
diffusé sur sa propre chaîne de télé-
vision OWN (Oprah Winfrey
Network). L’émission opère comme
une forme de psychothérapie publi-
que, y compris avec l’intervention
d’un psychologue, le Dr Phil
McGraw, vedette télévisée outre-At-
lantique, qui l’interroge sur sa capa-
cité hallucinante à«s’autosaboter».
Elle répond avec un petit sourire
triste.«C’est mon beau-père [le prince
Philip] qui disait toujours, comment
une femme aussi intelligente peut-
elle se retrouver dans des situations
tellement grotesques ?»
Depuis ce documentaire, petit à pe-
tit, Sarah Ferguson se réinvente, en-
core. Elle multiplie les actions cari-
tatives, est devenue la parfaite
ex-compagne du prince Andrew,
avec lequel elle partage la même
maison (pour le lit on ne sait pas). Le
couple a même acheté un chalet en-
semble à Verbier,«nous sommes les
divorcés les plus heureux du monde»,
plaisante-t-elle. Ils voyagent ensem-
ble, vont aux courses hippiques
d’Ascot presque main dans la main.
A 59 ans, elle avoue aussi qu’Andrew
«est toujours [son] prince charmant,
il sera toujours [son] prince char-
mant». a complicité apparente etS


absolue avec ses deux filles est évi-
dente.«J’ai raté beaucoup de choses
dans ma vie, mais je sais qu’il y a une
chose que je sais faire, je suis une
bonne mère.» oudain, le public enS
vient presque à souhaiter un nou-
veau (re)mariage royal.

Strip-billard
Le 19 mai 2018 marque un tournant
pour Sarah. Ce jour-là, le prince
Harry et Meghan Marklese ma-
rient. t elle est invitée. Lorsqu’elleE
arrive à la chapelle du château de
Windsor, la foule l’interpelle et l’ap-
plaudit.«Au début, j’ai cru qu’ils ap-
plaudissaient quelqu’un d’autre,
quand j’ai entendu “Fergie”, j’ai eu
envie de pleurer.» e prince HarryL
apprécie Sarah, il sait parfaitement
ce qu’implique une vie sous les
yeux du monde, le fait qu’une er-
reur se paie dix fois plus cher, en
humiliation, lorsqu’on est un mem-
bre de la famille royale. Peut-être
s’est-il souvenu de photos volées de
lui nu entouré de naïades lors d’une
partie arrosée de strip-billard à
Los Angeles, en 2013.
En octobre 2018, c’est au tour de la
propre fille de Sarah, Eugenie, de se
marier dans la même chapelle. Sur
les photos officielles, prises dans le
château, Sarah est radieuse. Ha-
billée et chapeautée de vert, elle est
debout entre son autre fille, Bea-
trice, et son ex-mari Andrew. Juste
devant elle, à côté de la mariée, le
prince Philip, 97 ans, et la reine
Elizabeth II, 92 ans, sont assis.
Vingt-six ans plus tard, Sarah la
scandaleuse se retrouve réhabilitée,
dans la même pièce que son beau-
père. n se penchant un peu, elleE
pourrait presque lui taper sur
l’épaule et lui murmurer à l’oreille :
«I’m back !»•

Le 13 septembre 2002, le prince Andrew et Sarah Ferguson lors
d’une fête à la Tour de Londres.PHOTO DAVE HOGAN. GETTY IMAGES


Suite de la page III

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