Beaux Arts - 04.2019

(Grace) #1

78 I Beaux Arts


ENTRETIEN l PORTRAIT INÉDIT DES GALERIES EN FRANCE


France, traditionnellement, les biens culturels ne sont pas
des marchandises comme les autres.

Comment se comportent les collectionneurs
français par rapport à notre scène artistique?
Sont-ils suffisamment engagés?
G.-P. V. : Si les collectionneurs français ne s’inscrivent pas
dans une logique médiatique, ils sont de grands donateurs
dont les musées dépendent – raison de plus pour ne pas
toucher à la fiscalité des œuvres d’art. Quant au soutien à
la scène française, il faut savoir qu’acheter l’œuvre d’un
artiste français est une manière de s’inscrire dans le temps.
On est un peu à l’opposé d’une spéculation, d’une labélisa-
tion propre à une grande galerie étrangère.
S. C. : Il faut mener des actions fortes pour accroître le
nombre de collectionneurs, petits et moyens, qui financent
la diversité de la création. Si ceux qui financent l’art
contemporain étaient les mêmes que ceux qui soutiennent
la musique, il n’y aurait ni rap ni heavy metal! Il est vrai
aussi que deux des plus grands collectionneurs et acheteurs
mondiaux, François Pinault et Bernard Arnaud, ne sont pas
les plus engagés sur la scène française.

des collectionneurs. Il est proche de ses artistes et leur est
fidèle, il les représente sur le long terme, en accueille régu-
lièrement de nouveaux pour rester en prise avec l’actualité.
Il est aussi un médiateur pour les amateurs d’art et les
collectionneurs, il sait parler des œuvres et accompagner
les créateurs dans leur production, leur diffusion.
G.-P. V. : Un galeriste se manifeste par son engagement
envers les plasticiens qu’il représente en premier marché.
Un marchand – il y en a de bons et de mauvais, comme les
galeristes! – se manifeste plutôt par son engagement sty-
listique. Chacun peut se définir par la durée de cet engage-
ment et la pérennité de ses choix.

D’un point de vue économique, quelle est
la situation des galeries françaises?
G.-P. V. : En étant victime d’un sous-développement éco-
nomique, dû à la coexistence de très nombreuses petites
entités et peu de grandes, le marché français n’a pas suivi
le déploiement international. C’est un bien et un mal, car
cette caractéristique artisanale permet à un grand nombre
d’artistes d’émerger. Mais, hélas, cette émergence est
contrebalancée par un manque de suivi lorsque les artistes
arrivent à maturité, occasionnant une relative faiblesse qui
s’est amplifiée avec l’apparition d’acteurs internationaux
plus pugnaces que dans le passé. Certains pays tiennent
pourtant le cap. L’Allemagne reste très active avec ses gale-
ries et son marché intérieur, l’Angleterre est un acteur pré-
pondérant sur le marché international. Les États-Unis sont
restés au même niveau tandis que le marché chinois est
devenu très puissant, sans oublier d’autres pays satellites.
Pour autant, le taux de présence des galeries françaises
dans les grandes foires internationales se maintient autour
de 20-25 %. La standardisation de ces dernières et la pré-
sence de galeries identiques, sans aucun renouvellement,
sont bien plus inquiétantes. C’est un vrai problème pour
les enseignes qui peinent à intégrer ce cénacle.
S. C. : Il ne faut pas juger une galerie uniquement à partir
d’indicateurs économiques. Il s’agit aussi d’une entreprise
culturelle et cette dimension doit être prise en compte. En

«Acheter l’œuvre


d’un artiste français


est une manière


de s’inscrire dans


le temps. On est


un peu à l’opposé


d’une spéculation.»


Georges-Philippe Vallois

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