Beaux Arts - 05.2019

(Steven Felgate) #1

102 I Beaux Arts


AVANT-PREMIÈRE l BIENNALE DE VENISE


Des poulpes qui vous prennent dans leurs tentacules pensants,
un voyage initiatique, des récits à tout-va... Bien malin qui
pourrait prédire à quoi va ressembler le pavillon français sous
influence de Laure Prouvost : l’artiste est si fantasque, si
prompte à s’enfuir vers le mentir-vrai, si farfelue dans ses choix
esthétiques, que le public peut s’attendre à tout. Ce que l’on en
sait, tout de même? Pour la biennale, l’artiste a inventé un
univers immersif, qui se déploie autour d’un road-movie tourné
en début d’année. «Deep see blue surrounding you/Vois ce bleu
profond te fondre», composé avec l’aide de la commissaire
d’exposition Martha Kirszenbaum, qui s’y connaît, elle aussi, en
exubérance, s’envisage, selon cette dernière, comme «un voyage
échappatoire vers un ailleurs idéal, teinté d’utopie et de
surréalisme. Un périple vers un univers liquide et tentaculaire,
porté par une réflexion autour des générations et de l’identité,
de ce qui nous lie ou de ce qui nous éloigne». Mais, pour être
plus précis? «Ce sera un pavillon idéal, où des vers de terre nous
masseront les pieds, où les avions fonctionneront à la pomme


Pavillon français


Mille salades écrites à l’encre de poulpe


«Laure Prouvost – Deep See Blue Surrounding You / Vois ce bleu profond te fondre» • Giardini


de terre, où il pleuvra des graines de grenade. Ici les poulpes
nagent le long des murs, et l’on utilise leur encre pour écrire
des romans. Et derrière chaque pierre se cachera une framboise
rapportée par les poissons.» Les mots d’ordre de ce pays des
merveilles? «Déconnexion, décalage, exploration du langage
et de son appropriation et surtout de ses mésappropriations»,
ces lapsus et autres détours qu’entraîne toute traduction, et dont
raffole l’artiste française installée à Londres depuis ses 18 ans.
Français, italien, arabe, anglais, magie, danse, musique... sur la
planète Prouvost, on parle mille langues. Venise apparaît comme
une inspiration essentielle, «ville flottante conçue sur l’eau et par
l’eau, mais aussi ville de façade». Cela n’empêche pas la titulaire
du Turner Prize 2013 de nous embarquer dans son voyage
vers la banlieue et les tours Nuages de Nanterre dessinées par
Émile Aillaud, de faire un stop à la Grande Borne de Grigny, après
un coucou au Facteur Cheval, pour finir sur les terrils de Roubaix,
d’où est originaire l’artiste. Bref, Martha Kirszenbaum le promet :
«Nous allons vous en raconter des salades !»

LES PAVILLONS ET LES ARTISTES LES PLUS EXCITANTS


Laure Prouvost
Extrait de
Deep See Blue
Surrounding
You, 2019

Qui gagnera le Lion d’or du meilleur pavillon? Entre les délires tentaculaires


de Laure Prouvost pour la France, la guérilla glam-rock de Boudry & Lorenz pour


la Suisse et les vidéos polaires d’Isuma pour le Canada, notre cœur balance...

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