Beaux Arts - 08.2019

(Chris Devlin) #1

64 I Beaux Arts


L’ART DES ÉMOTIONS l LES CORPS ET LES CRIS DE LA DOULEUR


(1435) de Rogier van der Weyden [ill. p. 62], dont le réa-
lisme des figures en larmes laisse le spectateur sans voix.
Les grands épisodes historiques ou mythologiques,
comme le supplice de Prométhée ou Laocoon étouffé par
les serpents, sont également des thèmes qui permettent
aux artistes de montrer leur capacité à figurer la douleur,
les torsions des corps soumis à la torture dans des œuvres
devenues de véritables leçons d’anatomie.

Terrible réalité du corps
À quelques exceptions près (dont le Christ outragé peint
par Matthias Grünewald en 1503-1504), la souffrance a
longtemps été sublimée. Quelques artistes tels que Goya,
dans sa série de 82 gravures les Désastres de la guerre (1810-
1815), puis les avant-gardes à l’ère moderne vont s’attacher
à la dépouiller de sa beauté illusoire pour en révéler la ter-
rible réalité. Et montrer le corps meurtri, sa fragilité, la
laideur de la maladie, la tragédie de la condition humaine.
Rodin en offre un vertigineux aperçu dans ses sculp-
tures qui font scandale pour leur aspect brut, charnel, por-
tant encore les traces du travail de l’artiste. De son trait
outrancier et fiévreux, Egon Schiele donne à voir des
visages émaciés, des corps nus violentés, ceux de ses
modèles mais aussi des autoportraits sans concession
exprimant son mal-être face à l’hypocrisie de la société

Pablo Picasso
Guernica
La célèbre
dénonciation
de la violence
fasciste et des
horreurs de la
guerre a été
conservée aux
États-Unis
jusqu’à la fin
de la dictature
franquiste.
1937, huile sur toile,
349,3 x 776,6 cm.


CI-CONTRE
Frida Kahlo
La Colonne
brisée
Contrainte
de porter un
corset, la peintre
mexicaine
montre
la douleur
que lui inflige
son corps.
1944, huile sur isorel,
39,8 x 30,6 cm.

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