Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

En dangEr près dE chEz vous 5 / 5


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Nom
scieNtifique
Cricetus cricetus.
Le hamster
d’ europe est le plus
grand des hamsters
et la seule espèce
contemporaine
du genre Cricetus.

PoPuLatioN
722 terriers ont été
recensés cette
année par les vingt
marcheurs qui
ont parcouru les
principales ères
de subsistance de
l’espèce. on estime
qu’il faut doubler
ce chiffre pour
avoir une bonne
estimation de
la population.

DaNger
Les pratiques
agricoles intensives,
la monoculture
du maïs, et les
réseaux routiers,
qui fragmentent
son territoire.

l’espèce. » Là est la vraie originalité de


ce plan : « Depuis 2013, on a mis en place,


chose unique en Europe, une gestion col-


lective. » En septembre, une dizaine de


groupes d’agriculteurs se réunit et dé-


cide de l’implantation des cul tures. En


novembre, ils plantent des céréales


d’hiver, orge, seigle, blé, qui mesurent


de 10 à 15 centimètres au printemps,


quand le hamster sort de son terrier.


Ils décident ensemble de laisser sans


récolte  des surfaces refu ges — des


bandes d’une vingtaine de mètres de


large qui abritent l’animal jusqu’en oc-


tobre : « C’est difficile pour les agricul-


teurs de ne pas récolter pour abriter un


animal que leurs parents leur ont appris


à combattre... D’autant qu’on leur de-


mande aussi d’accepter des lâchers de


hamsters d’élevage pour renforcer les


populations sauvages. » Résultat : de


quatre cents terriers en 2016, on est


passé à sept cent vingt-deux en 2019.


La survie de l’espèce est encore loin


d’être assurée : « Ces animaux se re-


trouvent dans trois zones dont les popu-


lations ne sont pas connectées », rap-


pelle Stéphane Giraud, d’Alsace


Nature. La zone la plus fragile, au nord,


est justement... le fameux Kochers-


berg, traversé par le GCO. « Or, avec


cette autoroute, on pose un barrage qua-


siment infranchissable. Et on a monté


une usine à gaz sous forme de compen-


sations. » Ce que l’autoroute détruit est


censé être « compensé » ailleurs par


Vinci, avec la sanctuarisation d’es-


paces naturels... qui n’existent plus en


Alsace! « Alors on minimise l’impact des


ouvrages, poursuit Stéphane Giraud,


et on empile les mesures compensa-


toires : le terrain qui sert de refuge au


hamster va aussi servir au crapaud vert,


aux papillons, aux oiseaux... »


Rien ne s’oppose à l’artificialisa-


tion des sols. Tout aussi artificielles


sont les mesures de conservation, qui


ne visent pas réellement à supprimer


la cause de la disparition de l’espèce.


Voilà pourquoi, estime Stéphane


Giraud, les lâchers de milliers de


hamsters d’élevage n’ont pas donné


de résultat probant. Au point qu’une


chercheuse du CNRS — « pas payée par


Vinci! » —, Odile Petit, travaille sur la


protection du hamster en milieu pé-


riurbain. Il y fait plus chaud l’hiver, la


végétation est plus diversifiée, les pré-


dateurs moins nombreux mais la pol-


lution lumineuse nocturne abonde.


Or il faut à notre bestiole de l’obscuri-


té pour fabriquer de la mélatonine, et


ainsi bien hiverner et bien se repro-


duire. Alors, chers humains, vivre


loin de l’autoroute, et près de chez


vous, OK, mais baissez au moins la lu-


mière, dit le hamster... •


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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