musiques
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Egoli
Électro world
AfricA ExprEss
En réunissant à Johannesburg musiciens africains et européens, c’est un
bœuf géant qu’offre Damon Albarn, où chacun semble influencer les autres.
z
Belle idée du routard de la pop Damon
Albarn, initiée au Mali en 2006, le pro-
jet Africa Express a pour but de réunir
musiciens européens et africains. En-
registrés à Johannesburg (« Egoli », en
langue xhosa) en une semaine, dix-
huit titres rassemblant une trentaine
d’artistes offrent bien plus qu’un beau
panorama de la nation arc-en-ciel,
du doucereux folk zoulou, sur fond
de guitare acoustique du doyen
Phuzekhemisi, au puissant « electro-
kwaito », au groove lent et cadencé de
DJ Spoko, légende de Soweto au-
jourd’hui décédée. Même si tous n’ont
pas la même intensité, aucun morceau
Damon Albarn
et la rappeuse
Moonchild Sanelly :
I Can’t Move,
un prochain tube?
dispensable, trop vite expédié, n’en-
tache ce disque aux allures de joyeux
bœuf géant où l’on se demande qui in-
fluence qui. En duo avec la rappeuse
de « Joburg » Moonchild Sanelly, Da-
mon Albarn pose sa voix de crooner
triste sur un possible tube (I Can’t
Move) qui n’aurait pas dépareillé sur le
dernier Gorillaz. Mais la vraie surprise
vient de l’épuré Absolutely Everything
is Pointing towards the Light, duo ma-
gique, en langue xhosa, entre la chan-
teuse Zolani Mahola et le Gallois Gruff
Rhys (Super Furry Animals). Est-on
chez Miriam Makeba ou chez Nick
Drake? — Erwan Perron
| Africa express/!K7.
e On aime un peu... z ... beaucoup a ... passionnément r ... pas du tout
DenhOlm
hewlett
pErsonA
chAnson
lisE MArtin
e
En général, l’association « chanteuse
française » et « folk » aboutit à une fi-
gure proche de celle de Carla Bruni à
ses débuts : une jeune femme qui
chante doucement de jolies mélodies à
la guitare, en ne dérangeant personne.
Lise Martin n’est pas tout à fait dans ce
registre-là ; davantage dans celui d’une
chanson à texte un brin surannée, por-
tée par une voix à la brillance presque
trop vive, et des arrangements soyeux
mais sans invention. Pourtant, écoute
après écoute, la finesse du chant et la
rectitude de la ligne artistique finiront
par déployer un charme certain. Si
Lise Martin revendique la filiation de
Joan Baez, on citerait plus Michèle
Bernard, ce qui est fort respectable.
J’ai reçu ou Si quelque chose craque sai-
sissent joliment la vulnérabilité hu-
maine dans des filets de dentelle mélo-
dique et vocale. — Valérie Lehoux
| Inouïe distribution.
WAhdon
Monde
fAiruz
z
Les oubliables reprises de son dernier
album (Bebalee, 2017) nous avaient lais-
sée sur notre faim. A défaut d’un vrai
retour de la fabuleuse diva libanaise,
retirée de la scène depuis vingt-cinq
ans, cette réédition vinyle de 1979 offre
deux Fairouz pour le prix d’une.
Face A : celle des mélopées ourlées, des
violonades orchestrales et des percus-
sions orientales, dans la grande geste
de la chanson arabe. Face B : une Fai-
rouz modernisée à coups d’arrange-
ments funky (Al Bostah) ou jazzy (Wah
don) qui continuent de faire le bonheur
des « diggers » de sons vintage. Après
des années de collaboration entre la
chanteuse et les frères Rabhani, cet al-
bum de la rupture était le premier com-
posé et réalisé par son fils, Ziad Rabha-
ni : il fit scandale. Quarante ans plus
tard, on retient surtout la voix, languis-
sante, sublime. — Anne Berthod
| wewantsounds/Modulor.
Télérama 3629 31 / 07 / 19