Les Echos - 30.07.2019

(Sean Pound) #1

La capitale veut organiser


son espace public


Les chiffres clefs
à Paris

41.
NOUVELLES MOBILITÉS
C’est le nombre d’engins
en libre-service
dans la capitale dont...

2.
VOITURES

6.
SCOOTERS

18.
VÉLOS

15.
TROTINETTES

Lucas Bidault
@lucas_bidault


Les nostalgiques d’Autolib’ ont un
triste anniversaire à fêter. Mercredi,
cela fera un an, jour pour jour, que la
dernière Bluecar était définitive-
ment mise à l’arrêt. Le service
d’auto-partage, délégation de ser-
vice public accordée en 2011 au
groupe Bolloré pour douze ans,
avait v u la fin de son service voté par
les élus du syndicat Auto-
lib’Vélib’Métropole le 21 juin 2018.
En cause : un important déficit
d’exploitation que ni l’exploitant ni
les élus ne souhaitaient prendre à
leur charge.
Six mois plus tôt, c’était un autre
pionnier de la nouvelle mobilité
parisienne qui connaissait un
grand chamboulement.
Le 1er janvier 2018, les
Vélib' JCDecaux lais-
saient place aux Vélib' d’une jeune
pousse montpelliéraine, Smo-
vengo. Une transition pleine de pro-
messes, qui n’auront pas été tenues
par le nouvel opérateur. Quand
Vélib' peine à faire son retour
au premier plan à Paris, concur-
rencé par l’offre de vélos en « free-
floating », c’est-à-dire sans
point d’attache, le marché de l’auto-
partage dans la capitale est désor-
mais partagé e ntre plusieurs plates-
formes.
En sept ans d’exercice, Autolib’
avait déployé une flotte de
3.000 voitures, et près de 1.100 sta-
tions. La disparition de la société,
alors leader du marché, a rebattu
les cartes. Les nouveaux entrants se
sont déployés, soit en free-floating,
soit sur un système en boucle, le
véhicule étant ramené à son point
de départ. C’est celui-ci que la mairie


TRANSPORTS


Le marché de l’auto-partage dans la capitale est désormais
partagé entre plusieurs plates-formes. Photo DR

(LOM), adopté en première lecture
à l’Assemblée nationale le 18 juin
dernier mais dont l’examen en
commission mixte paritaire (CMP)
n’a pas abouti à un accord entre
députés et sénateurs, prévoit la
« délivrance d’un titre d’occupa-
tion du domaine public ». Cette
obligation d’enregistrement pour
les entreprises auprès de la mairie
est un moyen pour la municipalité
de limiter leur nombre, et de met-
tre un terme à « ce bordel généra-
lisé » dénoncé par l’adjoint à l’urba-
nisme, Jean-Louis Missika. Pour
l’heure, Anne Hidalgo, la maire de
Paris, a opté pour une redevance
d’occupation des sols, croissante
selon l’importance de la flotte de
l’opérateur, afin de diminuer le
nombre de trottinettes dans les
rues. Appliquée depuis avril, cette
redevance a déjà abouti à une
baisse de 25 % du nombre de ces
engins. La municipalité entend
également lancer un appel d’offres
pour limiter à 2 ou 3 le nombre
d’opérateurs de trottinettes électri-
ques, contre 12 il y a encore un
mois, et 7 aujourd’hui.

Développer en régulant
Allouer des places en voirie aux
uns nécessite d’en retirer aux
autres. Dans un espace public
saturé, créer de nouveaux espaces
est un véritable casse-tête. Pour-
tant, la mairie a fait le choix de
créer, d’ici à la fin de l’année,
2.500 emplacements pour trotti-

nettes électriques, soit 15.000 pla-
ces. A cela s’ajoutent les 1.000 kilo-
mètres de pistes cyclables
annoncés par Anne Hidalgo et pré-
vus pour 2020, ainsi que près de
1.200 places de parking en voirie
réservées aux opérateurs d’auto-
partage en boucle. Une régulation
qui se fait au détriment des mobili-
tés historiques, comme la voiture
ou la marche.n

Elles sont orange, rouges, vertes
ou noires. A deux ou quatre roues,
elles trônent sur les parvis des
monuments parisiens, s’installent
au bord des quais de Seine et enva-
hissent les trottoirs. En seulement
quelques mois, les nouvelles mobi-
lités ont bouleversé l’e space public
parisien et fait de la ville des
Lumières la capitale mondiale de
la mobilité douce en libre-service.
Selon les derniers chiffres col-
lectés par « Les Echos », Paris
compte près de 41.100 de ces
engins : 2.100 voitures, 6.000 scoo-
ters, 18.000 vélos ou encore
15.000 trottinettes. Tous en libre-
service, le plus souvent électriques
et la plupart du temps en free-floa-
ting, c’est-à-dire sans point de sta-
tionnement fixe. Cette « explo-
sion » a été rendue possible par le
vide juridique entourant ces servi-
ces dans la capitale. A l’inverse de
sa voisine londonienne, les entre-
prises souhaitant installer leurs
engins sur le sol parisien n’ont
aucune démarche à effectuer
auprès de la mairie. Une situation
devenue insupportable pour les
pouvoirs publics, qui ont décidé de
réagir en mettant en place une
réglementation. Le projet de loi
« orientation des mobilités »

La « LOM », loi d’orienta-
tion des mobilités, doit
permettre de réguler
ce marché, sans toutefois
le restreindre.

des rues, et la flotte Mobike a dimi-
nué comme peau de chagrin. Les
vélos rouges Jump de la plate-
forme Uber sont désormais leaders
sur ce marché de quelque
4.000 bicyclettes.
Quant au marché des trottinettes
électriques, toujours aussi instable,
il est aussi en pleine restructura-
tion. Un an seulement après leur
lancement en juin 2018, on en
comptait près de 20.000 en circula-
tion, exploitées par 12 plates-for-
mes. Victimes des nombreux vols et
actes de vandalisme, et contrariées
par une réglementation publique

de plus en plus stricte, certaines
entreprises ont quitté le marché
parisien. A fin juillet, le nombre de
trottinettes a baissé de 25 % en un
mois, à 15.000, avec seules sept
entreprises actives (Lime, Bird,
Dott, Circ, Jump, Voi et Tier).
Seule mobilité douce à connaître
une croissance moins anarchique :
les scooters électriques. Fait notable
dans ce monde hyperconcurrentiel
des nouvelles mobilités, deux entre-
prises évoluent sur le marché des
scooters en libre-service : Cityscoot,
avec la RATP à son capital, et Coup.
Présente depuis 2016, la première,
leader du secteur, propose 3.
scooters. A l’été 2018, elle en comp-
tait 1.600. L’arrêt d’Autolib’a pu favo-
riser un report d’usage. De son côté,
Coup, arrivé en août 2017 avec 600
véhicules, dispose aujourd’hui de
2.200 scooters.
A l’ombre des autres mobilités,
les scooters en libre-service con-
naissent une croissance plus régu-
lière, laissant espérer aux deux
acteurs du secteur d’atteindre
« rapidement » l’équilibre tant
espéré.n

a choisi pour lancer Mobilib’. Pour
ce service de véhicules partagés,
avec des places en voirie, quatre
opérateurs ont déjà été retenus
(Ada, Communauto, Drivy et
Ubeeqo). 1.200 places de parking
leur seront réservées d’ici à septem-
bre, dont 85 0 pour Ubeeqo, filiale
du groupe Europcar. Les construc-
teurs automobiles cherchent, eux, à
se faire une place sur le marché du
free-floating. PSA a lancé
Free2Move, Ada et Renault Moov’in
Paris, Daimler et BMW Share Now,
avec 1.500 voitures au total.
Un an et demi après avoir rem-
placé JCDecaux comme exploitant
du service Vélib', Smovengo est
encore loin des promesses annon-
cées lors de son arrivée sur le mar-
ché, début 2018. L’entreprise pro-
mettait alors 20.000 vélos sur
1.400 stations opérationnelles pour
l’été 2018. Une flotte
quasiment

équivalente à celle pro-
posée par JCDecaux au
terme de son contrat.
Aujourd’hui, et après plu-
sieurs mois d’atermoie-
ment, Smovengo propose
14.000 Vélib' sur 1.320 sta-
tions. La mairie espère
voir leur nombre porté à
19.000 d’ici à la rentrée de
septembre. Entre-temps,
le paysage de la concur-
rence a évolué. Les chi-
nois Mobike et Ofo, à
l’avant-garde du marché
du free-floating, ont vu
le soufflé de leur arrivée
rapidement retomber.
Les vélos jaunes d’Ofo
ont totalement disparu

lDepuis l’arrêt du service de Bolloré, la capitale n’a pas retrouvé une offre d’auto-partage aussi importante.


lQuant à la flotte des nouveaux Vélib', elle est loin d’atteindre celle de JCDecaux.


lScooters et trottinettes électriques ont fait émerger une nouvelle offre. Etat des lieux d’un marché en restructuration.


Un an après la fin d’Autolib’, les nouvelles

mobilités cherchent leurs voies à Paris

Seule mobilité douce
à connaître une
croissance moins
anarchique : les
scooters électriques.

Shutterstock

; F

rançois

Bouchon/Le Figaro

DR

ENTREPRISES


Mardi 30 juillet 2019Les Echos

Free download pdf