Les Echos - 30.07.2019

(Sean Pound) #1

Les Echos Mardi 30 juillet 2019 FRANCE// 03


À7h40,retrouvez ÉtienneLefebvre


pour“L’ éditoéco”dansle


6h-9hdePierre de Vilno.


« Traumatisés ». C’e st l’adjectif qui
revenait le plus souvent dans la
majorité cet hiver au plus fort de la
crise des « gilets jaunes » au sujet
des parlementaires LREM dont les
permanences mais aussi les domi-
ciles familiaux avaient été attaqués,
menacés, dégradés. Si la série de
dégradations de permanences
d’élus – une dizaine – observées
depuis quelques jours contre des
députés LREM ayant voté pour le
Ceta ou, comme à Perpignan, à
l’occasion d’une marche de « gilets
jaunes », n’a pas atteint l’intensité
de cet hiver, elle est une piqûre de


rappel douloureuse et inquiétante
pour la majorité. Un « climat mal-
sain et nauséabond », a pointé la
députée LREM Aurore Bergé, lundi
sur BFMTV. « Aucune intimidation
envers un élu de la nation ne restera
impunie, même sur les réseaux
sociaux », a aussi prévenu le minis-
tre de l’Intérieur, Christophe Casta-
ner, sur Twitter.
Cette nouvelle série vient aussi
confirmer les craintes de ceux qui,
dans la majorité, redoutent de nou-
velles formes de mobilisation avec
des risques de violences, des accès
de fièvre qui surgissent sans préve-
nir. Des éruptions qui n’empêchent
pas forcément les réformes, mais
entretiennent un climat où la moin-
dre étincelle peut remettre le feu à la
prairie, qui plus est dans un con-
texte où le lien entre les forces de
l’ordre et une partie de la population
a pu se dégrader. Certes, comme le

Une dizaine de permanen-
ces de députés LREM ayant
voté en faveur du Ceta
ont été prises pour cible
ces derniers jours. Dans
la majorité l’inquiétude
est prégnante.


entreprises françaises d’accéder à
de nouveaux marchés. Pas moins
de 45 % y voient, à l’inverse, un ris-
que de concurrence déloyale. Un
tiers est sans opinion, quand, indi-
que Bruno Jeanbart, « ces sujets
intéressent beaucoup le monde éco-
nomique et politique, mais sont plus
éloignés des Français ».
Ces sujets sont en tout cas « très
clivants politiquement », avec un
rejet maximal à gauche, dans l’élec-
torat de Jean-Luc Mélenchon et de
Benoît Hamon en 2017. Mais même
parmi ceux qui sont censés y être
favorables, la photographie est con-
trastée. L’électorat de premier tour
d’Emmanuel Macron est partagé,
avec 41 % d’avis favorables pour le
Ceta et 43 % d’opposition. Dans

celui de François Fillon, c’est l’oppo-
sition qui domine, à 54 % contre
38 %. « Il n’y a pas de base politique
très forte au libre-échange », conclut
Bruno Jeanbart.

« Idée floue des bénéfices »
Interrogés pour savoir si la France
devait aller vers davantage de libre-
échange ou de protectionnisme,
44 % des sondés p réfèrent l e protec-
tionnisme, 34 % le statu quo et seuls
20 % le libre-échange. « Les Fran-
çais sont réticents à aller plus loin,
car ils ont une idée assez floue des
bénéfices éventuels. Mais, le statu
quo le montre, il n’y a pas forcément,
non plus, une demande de retour en
arrière », estime le sondeur.
Selon les enjeux proposés dans le

secrétaire d’Etat à la Fonction publi-
que, Olivier Dussopt, lundi sur RTL,
les membres du gouvernement et
de la majorité prennent grand soin
de distinguer « ceux qui font usage de
la violence, une minorité » et ceux
qui expriment une « colère sociale ».
Pour contenir les uns. Et éviter de
voir basculer les autres. Mais
l’inquiétude est prégnante.

« Pas derrière nous »
« La crise des “gilets jaunes”, qui a
duré très longtemps, dans un climat
de grande violence, a beaucoup désta-
bilisé, y compris ceux qui s’étaient
mobilisés au départ. La situation
reste d ’une g rande f ragilité, il faut être
très vigilant », relève une députée
LREM très écoutée. Interrogé
durant le week-end depuis Bormes-

ANALYSE


Leïla de Comarmond
@leiladeco

C’était il y a vingt ans. Le 2 8 juillet
1999, la loi créant la couverture
maladie u niverselle était
publiée au « Journal officiel ».
« Une avancée sociale majeure,
une des plus importantes de
l’après-guerre », avait souligné à
l’époque Martine Aubry, minis-
tre de l’Emploi et de la Solidarité
dans le gouvernement Jospin,
qui portait le projet. Objectif :
assurer une prise en charge des
frais médicaux pour tous les
résidents afin de garantir l’accès
aux soins y compris pour ceux
non couverts par les régimes
d’assurance-maladie. En clair, il
s’agissait d’assurer aux plus
démunis une protection sociale
qui leur permette de se soigner
correctement, là où le dispositif
de l’aide médicale gratuite de
l’Etat ne touchait que 2 millions
de personnes.

Peau neuve
Pour cela, un système à deux
étages p ermettant d’éviter
d’avoir à faire l’avance de fonds
avait été mis en place avec une
couverture maladie universelle
de base appelée CMU et sa com-
plémentaire, la CMU-C. S’il
a permis une progression
du n ombre d e ménages pauvres
couverts, il n’a pas rempli toutes
ses promesses, conduisant ces
dernières années à un remode-
lage pour accroître son champ
d’action.
En 2016, la CMU a fait peau
neuve, laissant la place à la
PUMa pour protection univer-
selle maladie. En novembre
prochain, ce sera le tour de
la CMU complémentaire. Ce

SANTÉ


La CMU devient
la protection univer-
selle maladie, le
1 er novembre 2019.

Son volet complé-
mentaire laissera
place à la complé-
mentaire santé
solidaire.

La couverture


maladie universelle


se transforme


pour ses vingt ans


Municipales : EELV exclut des alliances
avec des maires de droite

POLITIQUE Le secrétaire national d’EELV, l’eurodéputé David
Cormand, a exclu lundi des alliances aux municipales de
mars 2020 avec des maires de droite car leur « vision globale de
la société » est « incompatible » avec celle du parti écologique.
« Nous remettons en question le libéralisme », a-t-il insisté sur
franceinfo. Il a toutefois prévenu qu’« il n’y aura pas de stratégie
uniforme, nous ne sommes pas une caserne », appelant à « conce-
voir des projets municipaux qui reposent sur les valeurs » huma-
nistes et écologiques. Le député européen Yannick Jadot avait
appelé le 6 juillet à La Charité-sur-Loire (Nièvre) au « pragma-
tisme » pour les élections municipales, n’excluant pas des
alliances avec des élus sans étiquette ou divers droite.

en bref


les-Mimosas, Emmanuel Macron
lui-même a assuré ne pas croire
« du tout que ce qui a, à un moment,
créé la colère sincère d’une partie de
la population soit derrière nous ». Et
le chef de l’Etat d’avouer n’avoir
« pas encore répondu à une partie [de
cette colère] parce que ça prend du
temps » et de vouloir « continuer à
agir c oncrètement » pour « redonner
une perspective », avec « détermina-
tion » et « humilité ».
Un ténor du gouvernement qui
décrivait au printemps le paysage
politique à venir, voyait « trois for-
ces » : « Les forces gouvernementa-
les, l es extrêmes q ui ont coagulé sur le
terrain et les gens “d ésaffiliés”, qui ne
votent plus, les déçus des syndicats,
des partis, des chambres d’agricul-
ture, etc. en dehors de la démocratie.
Tout l’enjeu va être de les faire
revenir. »
— I. F.

Macron confronté au risque d’accès de fièvre récurrents


sondage – le changement climati-
que, le pouvoir d’achat, les inégali-
tés –, la demande de protection
varie peu (de 38 % pour le change-
ment climatique à 44 % pour le
pouvoir d’achat). Elle s’accroît en
revanche face au chômage, 48 %
des Français estimant qu’il faut
davantage de protectionnisme
pour y répondre. Et plus encore face
à l’immigration (50 %). L à, s ans sur-
prise, le résultat est très contrasté
politiquement (70 % chez les élec-
teurs de Marine Le Pen, 68 % chez
ceux de François Fillon et 40 % chez
ceux d’Emmanuel Macron).

*Sondage réalisé les 24 et 25 juillet 2019
par questionnaire en ligne auprès d’un
échantillon de 1.024 personnes.

l44 % des Français souhaitent davantage de protectionnisme en France.


lIls sont 49 % à être opposés au Ceta et seulement 26 % y sont favorables.


Ceta, Mercosur : les Français


réticents face au libre-échange


dispositif, qui couvrait à la fin
avril 2019 5,71 millions de
personnes, va laisser la place à
la Complémentaire santé soli-
daire qui s’adressera à un public
plus large. Le plafond de res-
sources va passer de 735 euros
mensuels à 990 euros, inté-
grant désormais les allocataires
de l’aide à la complémentaire
santé (ACS), une sorte de chè-
que de santé versé par l’Etat
pour les aider à supporter le
coût d’une assurance-santé
complémentaire. Dans trois
mois, ils bénéficieront de la
Complémentaire santé soli-
daire, moyennant une contri-
bution variant entre 8 euros
mensuels jusqu’à 29 ans et
30 euros au-dessus de 75 ans.
Ces évolutions qui s’inscri-
vent dans le cadre du plan pau-
vreté du gouvernement visent à
lutter contre un problème lan-
cinant concernant les aides
sociales : celui du non-recours.
Le taux de recours à l’ACS est
en effet inférieur à celui de la
CMU-C : entre 35 % et 51 %
contre entre 64 et 76 %. 800 mil-
lions d’euros d’aide à la couver-
ture santé complémentaire
(CMU-C et ACS) qui auraient dû
être versés ne l’ont pas été.

Les b énéficiaires de la couver-
ture santé universelle sont en
outre en butte à des difficultés
pour se faire soigner dues aux
stratégies de refus de soin de cer-
tains professionnels de santé,
pourtant interdites. Les assurés
seront libres de choisir l’orga-
nisme de leur choix. L e dispositif
sera cogéré par les organismes
d’assurance-maladie de base et
les organismes complémentai-
res qui le souhaitent. Ils ont jus-
qu’à mercredi pour s’inscrire sur
la liste tenue par le fonds
CMU-C.n

La date


1999
Le 28 juillet, la loi créant
la couverture maladie
universelle est publiée au
« Journal officiel ».

Isabelle Ficek
@IsabelleFicek


Le vote du Ceta, le traité de libre-
échange entre l’Union européenne
et le Canada, n’a pas été une prome-
nade de santé pour la majorité avec
52 abstentions et 9 votes contre de
la part de députés LREM. Du
jamais-vu. « Une énorme contra-
riété », a reconnu leur chef de file,
Gilles Le Gendre. Quant aux oppo-
sitions, de gauche comme de droite,
elles ont voté quasi unanimement
contre. Au-delà des postures, mais
aussi, ces derniers jours, des intimi-
dations et des dégradations de per-
manences de parlementaires
LREM ayant voté en faveur du Ceta,
voilà sans doute un reflet des inter-
rogations et des réticences des
Français vis-à-vis de ces traités et,
selon les mots de Gilles Le Gendre,
du « modèle économique global de la
planète ».
Selon le sondage OpinionWay
pour « Les Echos » et Radio Classi-
que*, seuls 26 % d’e ntre eux sont
favorables au Ceta quand 49 % se
disent opposés (dont 25 % tout à fait
opposés). Un quart est sans opinion
ou n’en a pas entendu parler. Quant
à l’accord avec le Mercosur, signé
par l’Union européenne mais non
encore ratifié – Edouard Philippe a
installé lundi la commission d’éva-
luation du t raité – , 19 % d es Français
y sont favorables et 38 % opposés.
Mais 43 % se déclarent sans opi-
nion. Il faut dire que 42 % des Fran-
çais n’e n ont jamais entendu parler.


« Clivant politiquement »
« Cela confirme le repli et l’atten-
tisme des Français. Beaucoup d ’entre
eux estiment que ces traités compor-
tent plus d’inconvénients que d’avan-
tages, analyse Bruno Jeanbart,
directeur général adjoint d’Opi-
nionWay. Il y a une méfiance, une
demande de protection par rapport
au monde qui nous entoure et un
rejet de la mondialisation. » Ainsi, ils
sont seulement 20 % à voir dans le
Ceta une opportunité pour les


SONDAGE


« Cela confirme le
repli et l’attentisme
des Français. [...]
Il y a une méfiance
par rapport
au monde
qui nous entoure. »
BRUNO JEANBART
Directeur général adjoint
d’OpinionWay
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